Au jour le jour

Au jour le jour - 6

Proses 1975 - 2005


Lune après l’autre
S’en sont allées
Les filles vaincues
Perdues de vie
Et émouvantes
Que les cailloux qu’on leur jeta
Déchirent nos paumes
Résonnent dans nos crânes
Comme des déraisons
Paupières anéanties
Si tu touches à la pierre
Si tu lèves
Dans l’invisible chant
La note l’inflexion
Où tremblent
La lumière la rosée
La grâce
L’ambigu parallèle
Dans ce qui s’aère
Traverse l’espace
Se noue à l’air
A la mer au ciel à la nuée
Entends les semences
Retourner à la terre
Et maintenir l’homme
Dans le champ qui l’emploie...

Dans cette même ressemblance
Que vivre mène au jeûne
A une adolescence
Profonde comme l’argile
Vois ce qui s’approche
Entre le feu la houle
L’embellie
L’évocation guerrière
Du très haut où tu maintiens
Ta main en oriflamme
Descend l’ange impudique
Souffleur d’été évanoui
Avec dans son dos
Les pointes pour un crime
Cet immense attelage
Et son calme infini
Deux ailes accoutumées
Aussi sombres
Que l’imminence.


Au gel déclinant
Que la lecture du secret
Rend aussi terrible
Que la même
Terreur de le garder
Nous voici
Soutenus par nos gestes
Nos détours
La hâte de nous livrer
Inclinés comme des bêtes
Qui s’ébrouent chancelantes
Striées sur des parois
Pauvres sans idées
Nos mains creusent l’espace
Pour y ajourer nos blessures
Nos crimes nos millésimes
Chaque pas
Scansion pour nous unir
Nous essouffle
Nous mène vers ce lieu
Que n’enchante aucune eau.

Avec ma force
La dignité
L’amour comme il se boit
Nos monstres apocryphes
Levés pour l’écriture
La sainteté
L’embaumement
Je partirai
Point de retard
Point de salut
Tout m’ordonnant
De parcourir le monde
Les pistes cendrées
Entendre
Ce qui s’amplifie sous l’écorce
Le chant des vagues
Des nuées
Où l’ange travaille à des rédemptions
Voilà que j’entame
Que je creuse
Dans cet intervalle
Où défaille le langage
Un mot un seul
Plus rien
Ne devrait m’être étranger…


Rien en dehors
De cette somnolence
Que le clocher rend vaine
Ne ressemble plus
A mon sommeil
Fleuve que je traverse
Pour me détourner des hommes
Que ce volcan
Qui brûle
Que l’on ensemence
Je retire des cailloux
Afin d’encore et encore
Les rouler sur la mer
Criblée de lumière
Aussi bleue
Que les incendies
Attisées par ma main
Si proche et si lointaine
Quand les rêves
Se dérobent à d’autres rêves.


Plus bas plus bas
Où le sang afflue
Cette impatience bâillonnée
La porte des enfers
Et des enfermements
Gâchette et exorcisme
Quand la main s’engage
Convoite en intérieur
La morve des fontaines
Les foutoirs
Où gâcher fait du bien
Amour bidet bidon
Seuls les sons s’allongent
Cris râles et repentirs
Pour une indécence aveugle
Qui ne délie ni la langue
Ni les muscles
Quant aux lèvres
Closes caisse de dissonance
Elles restent aussi sévères
Qu’une cariatide arraisonnée.


Je ne peux plus rien dire
Sans désarroi sans fièvre
Sans immodestie aussi
Tant sont les hommes insanes
Harnachés pour des sentences
Avec leurs meurtrissures
Dérisoires comme le luxe
Dans lequel ils se vautrent
Cachet cachot sceaux bibelots
Ventre à terre
Tout ça pour se raccrocher
A leurs souvenirs
A tous les pièges
Qu’ils ont déjoués
Pour des équilibres
De primaires et de primitifs.

Quand tremble encore
Dans le réduit qui te protège
Ta main
Etoile inétendue
Au plus haut de ton mal
Que tous les Prométhées essuient
Avant qu’elle ne retombe
Quand au plus noir de ton dessein
Effondrée
Tes doigts ne peuvent plus écrire
Voici tes veines
Aussi idéales
Que les insomnies où tu t’altères
Où des fauves se creusent
Pour trembler davantage
Et en ton nom
Dans le réduit
Qui te révèle inféodée...

Pourquoi jeter
Du plus haut des sommets
Que le vent dissipe
Vers la petitesse des hommes
Ton déni ta solitude
Cette équivoque
Cette distance
Qu’à haute voix aussitôt
Tu cherches à rassembler
Pour une autre douleur
Manière de défunte
Manière de gisante
Et cette aurore
Où se cite ton nom
Faut-il qu’elle m’apprenne
A suivre chaque ascension
Chaque vertige
Chaque facétie
Prises dans le linge guerrier…

L'une après l’autre
S’en sont allées
Les filles vaincues
Perdues de vie
Et émouvantes
Que les cailloux qu’on leur jeta
Déchirent nos paumes
Résonnent dans nos crânes
Comme des déraisons
Comme des oraisons
Nous avons empierré nos dieux
Dans des bâtisses
Qu’elles disaient d’amour
Leurs gestes nous pèsent
Nous manquent aussi
Comme toutes leurs prédictions
Et cette terreur qu’elles levaient
Quand nous les encensions.

Quand de mon désir
Naissent la grenade
La pellicule
Le cavalier qui meurt sur les gradins
Ce dérisoire qu’il faut brûler
Ce que je dépèce
Pour un malheur raisonnable
Vois comme est lent et lourd
Cette avance
Cet abandon
La larme obscène
Brasero jusqu’en bouche
N’est plus que singulière
Alors gauche
Emmêlée
Sentinelle endormie
Protégée par les sagaies
Que tu as placées
Alentour de toi
Tu cherches
Au pays où l’on te força
A boire de l’eau croupie
Ce semblable aveugle
Engagé sur le trottoir
Et qui marche
Qui marche…

 

Au jour le jour - 5

Proses 1975 - 2005


Sauvez moi de l’amour
De ses pédagogies
Des puretés extrêmes
Sans choix sans équivoque
Laissez moi amer
Aux lieux de ma jeunesse
Y dérouler l’horreur
De toutes les rencontrées
Laissez moi me noyer
Dans mes hémorragies
Me vider les entrailles
Indifférent aux nuits
Qu’aucune escale
Ne me vienne
Pas de conciliation
Et dans cette misère
Qui remue encore
Comme une boucherie d’éternités
Je me veux tel ce croyant
Qui vomit
Dans les offices.

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Au jour le jour - 4


Voilà les matines
Un seul pays les couvre
Le tien
La pluie appelle une auberge
Un mystère boréal
Ici tout est ultime
La couleur touche
A des profanations
Tout s’éteint tout éveille
Une ribambelle d’assassins
Avec des mains de sauveteur
La longue halte
Où s’enracinent
Les dormeurs et leurs charmes
Vaut cette rumeur
Annoncée par des apôtres
Silence et science
Parjure et meurtre
Se font écho
Puis les murs résonnent
Comme des trompettes
Corrompues blanchies par la nuit.

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Au jour le jour - 3

Proses 1975 - 2005

Autrefois par les sentes
Que suivent les chasseurs
Au soleil de midi
Quand les arbres cendrés
Témoins des jeux brutaux
Des curées du labeur
De la bête abattue
A la terre livrée
Nous marchions en levant
Nos yeux sur la ramée
Et songions silencieux
Au sang bleu des fougères
Mélangé à celui
De l’animal heurté
Que Pomone en novembre
Ramenait sur ses terres
Nous ne voulions que vivre
Jouer dans les reflets
Avant que d’advenir
En limpides tristesses
Des hommes corrompus
Jetés dans les ornières.

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Au jour le jour - 2

Proses 1975 - 2005

L’herbe à courir
Après les insomnies
Qui détrempe aux balcons
Sous l’œil des filles nubiles
Elle naît
D’un berceau de pierres
C’est ainsi
Que des victimes
Aux comptes interminables
Se rougissent à la vue
Des trônes de sulfate
Le monde est ainsi fait
De soubresauts de râles
Evoque la cendre jaune
De toutes nos traversées
Sur les fleuves dévorés
Par d’infectes chaleurs
L’herbe aux oreilles de souris
Et ses chants effroyables
Affole le marcheur
Avec ses sentences et ses verdicts
Le voici qui nous sert
Après tous ses abattements
Une anecdote une aventure
Avec des paroles venues
D’une crèche sans encens.

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