Au jour le jour

Au jour le jour 510

Cette femme qui aurait dû s’exprimer à mes commencements, la nuit s'enroule autour de l'escalier en colimaçon pour aller dormir sur un canapé qui a l’âge d'une sexagénaire un peu sotte prise d'une quinte de toux et qui est hors de saison. Elle a le corps d'une arquebuse que j'aime presser à grands coups de paumes, pour quelles raisons profondes, je l’ignore, et ceci dans un terrible essoufflement comme si j'avais au poing une arme et que je l'attendais pour une embuscade. Elle se joue de la mécanique de nos sentiments qui sont à gauche, sont  à droite, qui sont au centre, qui sont dans tous ces jeux de cartes posés sur la table des perdants, et que chacun triture de ses mains pour lui  donner du sens, pour un vertige né dans la fumée, dans le luxe, et qui octroie à la face de chacun d'entre nous un nouveau visage  qui a du pouvoir et non du devoir.

Qu’en paix, coiffé comme un étranger sous la tonnelle dépliée, tel un journal obscène je m’ouvre et m’en aille, que rien ne se dédouble en moi, qu’aucun cri ne me traverse, que les sommeils sans ordre et sans mystère me prennent ,que je ne revienne plus à l’amant que je fus avec ma conscience cornée, que sur tous les visages les paupières se ferment pour un nouveau pardon, que dans toutes les ombres, les orbes rouges, les apparences ne soient plus que peines couchantes, et qu’aux doux bourdonnements de l’été je n’aille plus accablé, survivre dans des jours sans modèle...

D‘ordinaire je sais que mon imagination est toute en fausses nuances, ciel ratatiné, gris rossignol pilleur de nids, vaste camp retranché où des marins s’enivrent sur le compte de marins plus ivres encore, ai-je une seule fois eu envie que me parviennent les pitreries de mon enfance quand dans les bras rustauds d’un  père sans langage je pressais mes mains de m’ouvrir de vastes horizons à la mesure de ma petite taille, ai-je voulu que dans mes sommeils, charmes discrets, entrent des filles sans alibi, rogneuses de jouvence et de neurasthénie ,bruissantes comme les portes qui se rabattent dans un cliquetis de sabots monstrueux, ai-je rêvé à ces chantiers sous la feuille,  la cendre ,là où des insectes numérotés comme de la paperasse s’affolaient en des mouvements de brouilles sur fond de bruit d’eau,  de calculs, tout en donnant à l’herbe ses formes, et au vent des mensonges à diffuser aux heures précises du dormir ,non arrêté sur toutes ces commotions qui sont aussi mes ignorances, je me tais, me recroqueville, délice sans contour de ne rien vouloir comprendre, de ne rien vouloir commettre…

Je peux encore admettre et affirmer que le savoir est effrayant, au temps ancien où vous ne saviez me nommer, où mon bien était dans les engloutissements, ceux qui exprimaient leurs joies, leurs ivresses prises dans toutes les sphères, j’étais sombre, je croyais que me fondre en des idées bruyantes irait à vos remarques, il n’en fut rien, sinon un emploi dans les tonalités de mes toiles qui ravivaient mes bestialités, mes disciplines basses, je ne retiens de cette époque que vos vives inquiétudes, vos affections organiques, passagères, lourdes comme mes disharmonies, comme mes ironies, et leur contre pouvoir, j’insiste sur le regret de n’avoir su vous demander quelles furent vos inquiétudes, vos effrois, ma vie reste celle d’un insoumis qui s’est adjoint toutes les pourritures de la barbarie d’être, qui ne cherche pas à s’en déloger, mon Dieu comme cela est misérable, mon Dieu comme cela vaut d’être compris et compté…

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Au jour le jour 509

Que le mystère reste outrancier de façon à ce qu'il garde ses écœurantes répliques.

J'ai l'âge où je désespère de ne pas me détester plus que ça.

Tout est dans la limite, et sur ce point là je doute qu’il y ait des explications à fournir.

Je veux ajouter à mon dernier souffle la suffisance d’y avoir pensé depuis longtemps.

Mon soi disant l’emporte sur l’idée d’être crépusculaire, et de voir dans le jour une perspective d’anomalie et d’oubli.

La santé c’est l’insistance de ces élans gracieux qui poussent dans la verticalité ou vers Dieu.

Dans l’enfer de ce détachement où je m’accable, où je me noie, mes velléités de singe l’emportent sur mes velléités de moribond.

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Au jour le jour 508

Je m’abstiendrai toujours de n'être pas faillible.

Nous voulons du bon emploi du mot qu'il nous réserve une place sur les estrades.

L'univers a les mâchoires qui se crispent.

Là où coulent tous mes regrets, il y a tant d'absences qui ont le visage d'un ange aux ailes recouvertes de crin.

Sonnent les sirènes de nos fausses mesures, et nous nous affalons dans des compromissions.

Il faut penser à Dieu comme un épouvantail ou à une girouette, qui se dilatent dans les nébuleuses, quand nos prières sont des crachats.

La porte de sortie est toujours du bon côté.

On peut rire de soi-même, même dans la plus sale de ses réserves.

Je vis pour fureter dans ce silence imposé ou tout ce qui est bien.conçu n'est pas à mettre dans tous les regards.

Si j'écoutais mon âme mon premier réflexe serait de sortir le surin de son étui.

Toutes les mémoires sont rompues à l'exercice d'oublier combien elles se sont compromises dans le mensonge, la déception et le sang.

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Au jour le jour 507

Mets de l'application dans ton horreur, ça n'aura plus l'air que d'un forfait.

Virtuellement curieux, je pousse jusqu'à l'obscénité ce regard qui témoigne d'une vie encore plus méprisable.Tout ce qui est essentiel est caduc, voyez la vie, qui devient objet sitôt qu'on y réfléchit.

Etre lucide en permanence, c'est s'acharner à démolir son corps et son esprit sans l'idée du martyre.

A l'écart du paroxysme d'un monde qui se plie et se déplie à souhait, je m'insinue dans ces horizontalité qui sont le marque des gisants.

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Au jour le jour 506


Dans l'amour toutes les glandes sont rompues, qui nous laissent aussitôt à voir la vacuité de tous nos organes.


Qu'est la profondeur de l'Amour, si ce n'est du temps, du temps, qui ne survivra pas au lavabo.


Dans la liturgie de l'Amour qui prend la forme d'une fornication, l'impérialisme des glandes trace en moi des voies trop accessibles, que je ne peux pas obstruer par de faux sentiments.

Toutes mes anémies sont de la couleur de ce temps grisâtre, jaunâtre, violacé par l'ennui, que je ne sais plus de quel côté me tourner pour le contourner.

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