Au jour le jour - 17



La séance du sac vide satisfait mes envies, et dans la cave où sèchent mes guenilles, où des hommes vont à la fronde du charbon, il y a l’instrument à nous conseiller le tonnerre, mitrailleuse à gifles et à morsures, cette liberté d’action est un avis aux jeunes ménages qui ne s’en soucient pas, pas plus que la philosophie meurtrière des boudoirs, celle faite d’emplâtres et de fausses conjugaisons, le fatras comme la mer ,ne s’attaquent plus à la montagne là où des conseillers tiennent la séance des refus, tout en surveillant les camps où des filles nubiles ont des constellations de piqures à leurs bras violacés, voilà que du ciel s’effacent des oiseaux sans pennes, ils vont donner l’assaut à cette citadelle qu’est notre corps déplacé, je n’aurais jamais imaginé un tel ramage, de tels piaillements, et avec tous mes appareils à éventrer la vie, à la deviner, je me sens telle une bête bâtée et surchargée que des maquignons emmènent au marché sans passer par la pompe…


Dans cette mer aux noirs débris avec ses ardentes marées ,une statue et moi sommes dans la difficulté de revenir en arrière, l’atelier où la démolition de ce vieux serf de Sisyphe a eu lieu, objet d'une trépanation, affecte nos pieds déjà meurtris, l’endroit est empli de limbes lumineuses, inachevées, où va l'œil aguerri qui trouve la faille de toutes les situations étranges, je convoie dans ce royaume où l'on coupe des mains ,tous les signes extérieurs cachés dans l'espace d'un paletot désuet, et les agencements  devant la ville assiégée sont entre ciel et terre est plein d'un charivari où se posera de la révolte, mais c'est toujours d'une écriture d’épargnant indigeste que je contiens ici des drames à venir, je regarde dans une immensité désertique cette horloge qui bat, et ses milliers de dards secondaires qui prennent la forme de bulles.
 
L'élasticité de l'extrême troupeau qui vient là aux nocturnes heures pour des joies d'orge et de paille, sur ses longues jambes coutumières, avec leurs centaines de veines violacées, je le vois étendu sur la glace à se rompre les membres, c’est aujourd’hui que se jouent ici les gales d'étincelles, le ciel cuivré qui point comme un trait d'union entre les grenades et leurs fertilités litigieuses, tout ceci dans la félicité avec ses coulées d'affection baveuse, celle qui a le visage voyageur ne lit plus le journal des demoiselles enceintes, elle a des bras et des organes providentiels pour des courses à l'orage, ronde d'automne dans les prés bleus de chinoiseries désuètes, j’ai choisi d'être un Bouddha triste, venu des landes hivernales pour des brumes sans quiproquo, des nœuds et des spirales, pour des nuages au bas profil de korè ,avec un bandeau sur les yeux et les mains, pour ne rien voir ni ne toucher, mon seul souci est d'avoir l'âme d'un nocher traversant un désert, fleuve de sable et de poussière, je veux en rester là.


Une souris s'échappe et se mue en cascade, se meut horizontalement dans le sens de s'allonger, ceci dans le dortoir aux hiboux, elle s'envole avec ses pattes arrières repliées comme des oriflammes, et voilà quelques uns des lieux où il fait dire sa plainte, ses mélanomes, ses entresols, ses sortilèges, sa mégalomanie .Une tour est là avec ses cordes pendantes, arcs et voûtes mêlés, cintres sous les frontispices de froide autorité, puis c'est un plafond crevé dans un vieux palais, le palais se situe dans une ville où dorment des retardataires du front, c’est aussi un paysage où devisent des vautours autour de blancs manèges, avant un mariage dans les nuées. Quand s'étendent les hauteurs avec leurs panaches et leurs encolures, les toits sont rejetés sur les pierres, sur les peupliers, les frênes voire des abbés debout et qui prient sans soutane, les nombres vont aux géants dont la nature est de se taire, de tarir son langage, les parcs deviennent funèbres, le poids de la planète est le poids de ses morts, l’âge ne nous vient plus avec de la sagesse mais avec cruauté, nous ne voulons plus de cette pluie finie qui a nos visages dans ses plis retardés, puis c'est l'épreuve du mouvement

Ava Gardner m'a rendu rageur et besogneux, relégué à la charrette, dans l'herbe où tremblent encore des grillons sans couverture ni amertume, c’est là où je m'étends ,remonte mon pantalon, fixe le ciel sous la fade et fine pellicule de sel à mes paupières, là où s'affirme l'aspiration d'un âge qui  ne découle plus de rien, et des banderilles me viennent en mémoire comme des ourlets damassés à jeter contre les tempêtes, je croirais volontiers que la vie craint de s'échapper si les nappes d'air ne se gonflaient tant d'adieux vains, de réquisitions, de froides austérités, dans ma cuirasse, submergé par l'idée d'un idéal boiteux et glabre, je fais fi de mon âme, elle s'évente, s’encombre de mes balourdises, à celles de cette chaude beauté qu'a Ava Gardner quand elle pose dans les magazines, ceci est déjà d'une autre époque, mais je suis resté rageur, opiniâtre, ma situation oscille entre logique et affabilité à son encontre, d’ailleurs toute cette glose est d'une amère et petite folie pas plus stupéfiante que ça.

Les dessous d'une vie en leur juste milieu sont des nuits prolongées et blasphématoires, là d'immobiles songes, froids de leurs retournements vont sur fonds d'ignorance poétique à la plainte des réveils et du miroir, quand untel s'enseignait encore à la vue des demoiselles bleuies par les incendies qu'il attisa. Au lever du jour, nous ne sommes plus somptueux, moins magnanimes que la veille devant ces filles court vêtues qui allaient au nord à grands pas de couturières, jambes de compas et seins de moleskine, dans leur port élémentaire d'épée nue, les chevaliers qui michetonnaient ne sont pas derrière elles, c’est dans un pays noir et mal cousu qu'ils y ont dorénavant des façons entre l'oubli et la mort, un paon épinglé à leur secrète félicité de ne rien faire en solitaire. Au dernier degré du feu, se ruine un amour étranger, vagabond secondaire, loin des cris et des batailles, et sur les tours où nos frères sont encore dans un temps ancien, la neige est guettée, et un scorpion mange des pierres de lune avec des sélénites qui ont entre les mains les livres d'un certain Lucien.


Les plaisirs et les artifices sont des mélancolies qu’une Eve lucifuge ,à la fenêtre d'un wagon rend insensées à nos oreilles, rondes comme des coquilles pour des jugements de bêtes cagneuses, pour cette gloire boréale, cette grande armée de terre arctique où de savants cortèges de glace sont brisés par des mains aux répétitions de yeux gelés, le théâtre de l'avenir où un rocher rouge s'agglutine d'essaims hybrides n'est plus qu'une roue à plumes, et les amazones ,entre chien et loup, ne vont plus à l'école de la cavalerie, pour ne pas passer derrière le plaisir qu'ont les jardiniers à voir leurs seins bleuir à l'averse des météores, volcans pleins de cantiques et de psaumes, dans les mines aurifères d'autres s'abstiennent de rêver du revers de la médaille, et c'est un traité pour les chiens qu'ils lisent à la lueur d'une lampe qui vient de la mer dans la persistance rétinienne d'une eau comprise entre les mensonges et les songes.

J'ai perdu en plaine ce que j'ai gagné en nacelle, ce sentiment m'embarrasse, à l'inverse ,je sens que je ne me suis plus accoudé à l'amour depuis cette ancienne trempe, et peu me chaut d'en rester là, si je relève encore la tête après les coups ,c'est pour coordonner le vol inversé de ces oiseaux qui vont vers les austères paradis ,une émeraude taillée trop à vif dans leur bec, c’est dans un ciel dégagé que je vois ma fatigue, l’abattement des autres qui m'envenimèrent au point de m'enfourcher la langue, toute cette brutalité du monde à l'exercice de la conquête, je n'en veux plus, je préfère mes vaines occupations, voir bleuir mon sang aux coteaux où se déplaceront mes membres pour du vin et de la treille, je ne veux plus intervenir que dans le chaste et le mesuré, avec un tout petit supplément d'âme en des endroits bien comme il faut, pas ceux qui me préoccupèrent avant, non, ceux qui sont frappés du désir de vivre vite et juste, dans l'intranquillité de mes rêves, je veux regagner la haute montagne, quant à la plaine qu'elle reste ce qu'elle a toujours été, l’océan des herbes et des blés pour des mains qui ne savent plus recueillir.