Au jour le jour 535


Lorsque je tourne ma face vers cette sécheresse vieille de deux automnes sur les parties de mon corps qui ne rencontrent plus personne tout me paraît détaché et à plus forte raison déraisonnable c’est une époque où les vieilles scies sont devenues des antiennes douloureuses où les matins tombent comme des tourbillons où les anathèmes conduisent vers une jeunesse inféconde les présences de peu d’esprit voudraient m’en donner mais que ferai je de cette saleté d’à propos si elle me met en vision un visage et un corps qui ne me  reconnaît plus au milieu du jour là où j’ai introduit un peu de calme certains prétendent que je n’ai pas fait preuve de justice de justesse que tous mes mouvements sont trop appuyés contre des parois qui me soutiennent qu’ils ne favorisent plus l’affleurement de mes sens pas même le transport de mon âme ailleurs que vers la boue et la tourbe c’est pourquoi dans les minutes qui suivent je m’imbibe pour effacer de mes mains la limaille des années mortes…

Avec pour seule sagesse 
Un peu de terre en mains
Le maintien au secret
De souvenirs anciens
L’absence comme une sonde
En poitrine maintenue
Et cette lourde tâche
De rester l’enfant nu
Glorieux dedans sa gloire
Fat de sa fatuité
Qui ensable la mer
Envahit des cités
Avec ses soldats graves
Plombés de nuit hautaine
Comme on porte en ceinture
Un colt et sa déveine
Des rideaux noirs aux yeux
Tels des mantilles aux femmes
Qui iront aux arènes
Jouer un autre drame
Maritimes dans l’adieu
Terribles dans l’approche
Quand la mer se retient
A ses multiples croches
Et donne aux fils de l’eau 
Une cargaison de larmes
Tant de partir est grand
Et tend à son élan
La tragédie ouverte
Sur l’immense océan..



Jadis toutes mes fournitures de vivre je les partageais les voulant inépuisables bien que je m’y débattais à la manière d’un singe affecté par ses ressemblances du vestibule à la chambre dans les encombrements des objets lacustres je voulais me débarrasser de mes désirs trop prononcés mais rien ne révélait mes actions si ce n’est cette plaisanterie d’être dans l’utilité froide de ceux que font carrière dans des asiles qui portent leur nom quand vint l’hiver avec ses taffetas ses blanches étoffes ses surfaces cotonneuses je me dégageais de tous mes paquets de lumière de tous mes bidules faiseurs de torts et d’orages de tous mes songes de tous mes ustensiles à mentir vrai pour gagner un nouveau lieu de vilebrequins noueurs de tripes de tord-boyaux  sirupeux de machines à inconforts de me voir si humainement mêlé à moi de la neurasthénie me vint mon monde s’immobilisa mes yeux se fixèrent sur des murs blancs puis des menaces m’atteignirent…

Quasi relégués dans les muetteries malignes de nos petites chéries blanches et tièdes, nous nous assurons de notre fatigue avec nos visages sales et détrempés, notre quiétude d’avant n’est plus spirituelle ,n’est plus un exemple sérieux, et ce qui nous tient lieu d’étude est d’une langue qu’on ne parle plus ,nos allures ,nos persévérances sont d’infiniess circonvolutions entre un arrêt et une paix représentés sur des écussons aux couleurs cramoisies. C’est le produit de la vie que de nous mettre dans le sommeil de ces antiques filles contraires à nos quantités et qualités, et longue devient notre amertume au grand rôle d’endormissement. La violence de nos plaintes est humide de ces automnes aux souverainetés de vide et d’écume qui ont blanchi nos tempes et notre temps, toutes nos obscurités sont des dépotoirs où dormir est une aberration d’horaires et de départs.

 
Quand la bouche est blanche de désespoir, que la première idée qui enduit les lèvres de sa crayeuse inertie est lancée dans le vague avec l’apparence d’une jeune fille muette, je prends le caractère immobile de ces objets sans nom, déplacés dans les soupentes avec leurs yeux inconsidérés, pleins de terreur morbide, et même l’alphabet su de bonne heure ne peut me servir à les décrire tant ils se sont décidés à se dérider ailleurs, là où sont le renfort et la solidité. Il est vrai qu’à mon regard moins profond que celui d’une bête éméchée, qu’à mon sourire de béat violacé, ils préfèrent les doigts des beaux agitateurs qui ont le sens de la beauté et des bleus horizons, donc moi avec cette nonchalance d’invertébré qui ne peut rien élever, je ne leur suis d’aucune utilité, aussi vont ils par paire s’amplifier dans le premier craquement d’une allumeuse ou d’un acheteur moins circonspect que moi…