Au jour le jour 519


Tant soit peu le taire serait une nostalgie de l’infini, que j’en userais pour gaspiller de la manœuvre et de l’esprit.


Dans cette torpeur d’être, parfois la duperie tient de la construction de ces passages où l’on peut s’altérer consciencieusement.


Le fait d’être et lui seul prête déjà aux soupçons.


La singularité des hommes ne s’accommode pas de la pluralité de leurs cellules.


Parfois je ne ressens rien que je ne puisse comprendre par ma chair et mes os, c’est le côté abrupt de mon être, le versant adressé de ma propre matière.


Dans l’extase, on est grandi à l’intérieur de soi, et nous cognons, nous nous heurtons à nos propres parois, comme des êtres saouls, qui ont accumulé tant d’efforts et qui se retiennent de gerber.


L’aspect poli de mon épuisement m’ouvre davantage aux yeux des filles mélancoliques qui ont pensé la zoologie comme un succédané de mes conduites antérieures.


Dans mes cauchemars la vie frissonne de toutes mes insanités, et j’y rosse des anges dévoyés voguant vers l’éternité, après avoir remplacé l’amour dans les yeux des femmes, par la merveille des abandons funèbres.


Trop loin de l’existence, tout se détache et tout va l’amble.

La mélancolie offre des horizontalités aux vaporeuses existences, que toutes les inerties ont poussé dans le sofa ou vers la littérature.


Lorsque je penche pour la vie, j’y penche du côté gauche, c’est ce côté-là d’ailleurs qui est le plus fragmenté, le plus linéaire et le plus impitoyable.


Je rêve que ma vie s’organise impétueusement dans les narcotiques et les alcools,  que dans cette vitalité, la mort est un uppercut de Dieu, et rien d’autre.


Toutes les questions tournent autour d’un vide initial, catégorie de tourment, que seul l’aveu d’un désenchantement peut porter jusqu’aux bêtes savantes.


Parler, prier, écrire, vomir :activités excrémentielles.


Dans toutes mes constructions quotidiennes, la nostalgie fait figure de provocation, sans que j’y puisse même divaguer nettement.


Tout arrive à point,il n’y a de pire moment que le bon moment, combien je préfère les intoxications de ces heures où je cherche la perfection dans l’insanité de toutes les théologies, de toutes les philosophies où l’homme n’est qu’un idiot identitaire.


Plus je comprends, moins je m’adresse aux hommes, c’est ainsi que s’accomplit ma vie, en suspension dans la fatigue et la nostalgie que j’expie dans les nocturnes fuites.


J’ai trop attendu qu’opérant à partir de mes propres vides, du détachement me vienne, qui me révèlerait combien je pourrais m’ennuyer sans l’émotion liée à cette usurpation.

Ma politesse est impropre aux actions des hommes, c'est pourtant le prix que j'ai à payer pour assister au théâtre de leurs vaticinations.

La science en ce qu'elle n'est plus mystérieuse ne nous aide pas à avoir une opinion originale sur le génie ou l'au-delà.

Est-il absurde de pleurer en des lieux si sombres que la lumière en devient une grâce infecte venue salir notre soif d'épanchement et d'artifice ?

La vérité est effrayante dès lors qu'elle nous tue du premier coup sans nous avoir fait saigner auparavant.

C’est aux endroits où s’est répété l’ennui que nous revenons toujours, pour prier ou vomir, selon qu’on soit enclin au salut ou à l’ivrognerie.

Je manque d’ardeur, mes incuriosités sont des ailleurs où l’aise est une réserve, et le déclin une forme de savoir qui m’érode et me ronge.

On ne saurait être que ce que l’on est, c’est en cela que consiste la sagesse, et si l’on fait un détour, il ne faut revenir qu’à soi.

Toutes les apparences ont ceci de remarquable, qu’elles ne se font face qu’à nos intersections de solitude et de superficialité.

Mon besoin de silence et de désespoir, est la réminiscence d’un temps ancien où je ne pensais pas à la dépense.

Dans ces demi sommeils où j’ai déversé tant de larmes pour de fétides divinités ,Dieu s’est parfois interposé pour me donner à réfléchir sur les déliquescences de la chair et du ciel.

Je suis en paresse de Dieu, je me contente du peu d’esprit que j’ai sous la main, dans l’intention d’un autre devenir, d’un autre service.

Tel m'a assuré que je serai le bénéficiaire d'une existence heureuse, j'en veux à ce « Tel » de  m'avoir laissé croire pendant quarante ans que le bonheur c’était de vouloir être simplement, sans laisser de traces.

L'intolérable c'est de devoir toute sa vie côtoyer des semblables.


Je me figure toujours la nature comme un manuel de savoir-vivre, entre un livre d'anatomie et un bréviaire, le premier me renseigne sur la bête, le second sur son créateur, les deux si je les assemble évoluent en abstraction de l'existence.

Coupez vous du monde, avant que vous ne lui ressembliez !


Crever, dernier mensonge ou dernière vérité, les deux, voilà pourquoi l'existence serait inconcevable sans la mort.


On commence par l'Éros, on finit par une ordalie sans hygiène.


Il faut douter efficacement, j'entends par là qu'il faut travailler le doute comme on travaille une matière ductile ou non, après, il faut dialoguer avec lui et cela pour le contourner.

Belle trouvaille que l'existence, quel dommage de ne savoir la garder sous la main pour la caresser efficacement.

L’excellence de ma pâleur montre jusqu’où j’ai été enseveli par la tonalité des âpres et sales disgrâces…


Mes limites sont dans celles de ce cadavre que j’entraine vers une tombe que j’ai creusée il y a quarante ans déjà…


Est risible tout ce que nous faisons proprement et qu’on va dégueuler dans les philosophies de l’abstraction et du dérisoire…


Pourquoi j’aime et j’ai aimé, je l’ignore, ce que je sais c’est que ce fut toujours de l’ordre d’une tragédie anticipée qui m’a bouffé du cerveau aux intestins, mon intention reste encore dans ce leurre de la fécondité…

J’ai oublié l’histoire de  ma vie, si tant elle en fut ou en eu une…

La réalité n’est supportable que lorsqu’elle nous emprisonne dans ce corps qui ne veut plus s’atermoyer de quoi que ce soit, si elle ne le fait pas, on s’exténue sa vie durant à en ôter ses opulentes saloperies...


S'il me fallait penser et dire ce qui est encore à inventer, je serais tenté de dire une énormité, je préfère en rester là.


Sitôt que j'ai fini une lettre, l'envie me vient de la déchirer, à sa relecture c'est ce que je fais.


Les formes les plus hideuses de notre religion sont dans la croix et dans l'ostensoir.

Tout ce qui prête à la pensée affleure une forme de musique, entre l'altérité d'un parfum et celui d'un symbole.


Rien ne se résume mieux au cœur que le culte de l'amour, quand il ne s'est pas encore tourné vers les relents de nos pouffiasseries ou vers les reposoirs .

A chaque jour mon lot d'inconsolations, entre le vertige de vouloir disparaître et celui de n'avoir pas été.


Mots, dilatation d’un moi que j’ai essayé de quitter pour m’acoquiner à des soupirs et des pauses.


Ma réalité est une récente construction, qu’il m’est, et me sera encore possible de considérer autrement que telle qu’elle apparaît sur le plastron des forfaitures.

Chacun engendre de cette tricherie qui est dans et de l’existence, qui est l’existence même.


Ma quarantaine sera inconcevable, j’augure d’un mal qui ne m’y verra qu’en adulte infréquentable.


J’ai passé plus de la moitié de ma vie à douter de ma constance, de ma consistance, et je dois à tous mes excès de m’avoir donné le goût de la traque et de la tromperie.

Au nom de quoi ou de qui se pose t-on en être ?


A court d'idées, je jure ne plus pouvoir préciser quoi que ce soit qui n'ait été un sens ou une faveur.


Dans un désappointement, plein d'amertume et de rage, et dire que j'y laisse mon énergie, jusqu'à croire il s'agit de mon plus beau triomphe.

Je doute systématiquement de tout et de tous, c'est mon côté avantageux.


Si singulièrement déçu que ça en devient presque une stratégie pour pouvoir dire que le monde est la figure la plus monstrueuse qui soit, et qu'on ne peut empêcher de nous regarder avec ses yeux morts.


Mon instinct premier est de vouloir m’arracher au monde, mais mes racines sont solides, et il me faudrait une plus lourde cognée.


Le monde peut évoluer sans l'homme ,ce n'est pas d'un soupir ou d'un souffle qu'est née l'existence, ce n'est pas par eux qu'il s'éteindra.


Nous nous agiterons jusqu'à notre dernière goutte de sang, c'est cela qui est regrettable.


Toutes les philosophies sont infréquentables, on y découvre toujours nos fatuités d'être, et plus on les aborde, plus elles perdurent.


Tous ces apartés où j'ai été vulgaire, parce que seul, c'est peut être de là que m'est venue la maladie de l'ordurier .


Tous les dispositifs que la matière met en place, pour éviter ses propres paradoxes, ne valent pas une supercherie d'homme pris dans ses assises et ses constructions .

La maladie c'est de l'évidence à l'état brut, et plus nous allons à l'agonie, plus ces évidences nous épargnent de les déguiser .


Mes ancrages dans la vitalité font état de ce que je suis, un mélange de borborygmes et de sang,le reste sert à toutes mes décharges.


J'aurais été un paresseux du temps, un primate de la larme, c'est cette nostalgie qui me vaut tous mes écœurements.

La conscience si ancienne soit elle, frôle le sérieux, mais s'en débine aussitôt de peur de trouver quelques objets nécessaires à déplacer ailleurs.

La mélancolie aura régi mon existence, l'ayant considérée comme la seule matière digne d'intérêt, je l'ai justifiée en l'étayant, en lui donnant un corps pour mieux évoluer.

Le sérieux n'est enviable que s'il ne pervertit pas l'essentiel d'où il émerge, pour se renouveler à ses dépens.

Je considère le sommeil comme un ferment d'inutilité.

Toutes ces journées où j'ai protesté en vain, où j'ai hurlé, prié, vomi, et que ma conscience a considéré comme une nouvelle vacuité, un reste d'ébriété.

Tout ce que j'ai compris n'a jamais été prononcé par les hommes.

Inambitieux, avec une telle violence qu'elle tient de la torture, je me destine à des anti-performances qui vont de la désolation à la déveine.

Il me faudrait mille ans, peut-être davantage pour rattraper mon retard de mots et m'y réformer.

Jour après jour, de cette gravité naturelle d'où émerge ma vie, émerge aussi une impudeur malsaine, preuve de toutes mes déficiences.

J'ai toujours considéré ma vie comme une moribonderie, j'assiste à mes décompositions depuis tant d'années, que puiser dans mes réserves tient de la plus haute des voltiges, et du plus bas des forfaits.

L’amour tient d'une chimie éphémère, une fois les éprouvettes vides, on se sent dans  l'abandon, et la science y peut rien.

Dans la solitude, tout ce qui est autour de nous est d'un nauséeux parfum, et nous le humons pour nous éprouver jusqu'à nouveau nous pousser vers nos semblables.