Au jour le jour 518

La solitude tient de la pause, c’est en elle qu’on pourrait presque devenir plaisant s’il n’y avait les tourments et les souvenirs de ceux là mêmes, le tutti quanti de tout ce qui nous a le plus déçu, et que nous ne pouvons que mal digérer…

Toutes nos fictions s’alimentent à partir d’un nulle part intuitif et introspectif…

Tous ces jours où nous fûmes soucieux de tout et de n’importe quoi, nous ont-ils assurés que d’autres étaient soucieux ou s’assuraient de nous ?

J’ai vécu peu d’années sans plumes et sans crayons, et si je n’en eusse possédé, j’aurais écrit sur le sable avec un bâtonnet…


La seule fonction qui ne soit pas de moi, et cela j’en suis certain est celle d’exister, de fonctionner en fait !

Mon regard sur l’homme n’a pas changé depuis quarante ans, et malgré la fatigue qui vient à mes yeux, je le vois tel qu’il est et a toujours été, un ver, luisant, certes, mais de trop de certitudes entre autres, un ver envers et malgré tout, qui transforme ses opinions au gré du sol sur lequel il rampe…


Je repense à ces pouffiasses qui auraient dû mettre du spermicide en bouche avant d'aller dans leurs fadaises et inepties sur les postures qu'elles n'ont jamais su adoptées, tant elles étaient mâtinées par des flagelles et la course aux  imbécillités qui passe par d'autres glandes...

La seule valeur que j’attribue à la vie est qu’on peut s’en débarrasser comme d’un vieux paletot, troué à notre image de toutes parts, et remis en mains propres par un vieil oncle sénile, alcoolique ou les deux à la fois…

Le dégoût des autres, c’est l’exténuation de son propre dégoût, qui venu à son terme ne peut figurer que de l’insignifiance…

Ne cherchez pas à vous soigner de quoi que ce soit, la maladie est le plus beau des crépuscules, presque une noble institution, un entre deux parmi les vivants et les morts, et qu’il faut de temps en temps replacer sur le plus haut des sièges…

Depuis plus de quarante ans je me dis que toute forme de mensonge est un doute mal acquis, dans l’inertie de cette parole qu’on aurait voulue équilibrée plus que le chant de la franchise, que le son des éternités à domicile devant un livre ouvert…

Doutons, puis redoutons de douter à nouveau, c’est une question de survie tant son port et support sont de l’ordre d’une pure informalité…

La liberté c’est un vaccin contre le venin qu’on pourrait porter à ceux qui veulent nous en dépourvoir…

Tous les matins je me réveille amer de ce que je vais devoir vivre, une entreprise de destruction qui passe par l’idée du suicide, l’esclavagisme liée aux obligatoires potions qui ne m’élèvent en rien, et ce nivellement continu, perpétuel de mon ignorance, aussi fécond que l’entrain que je mets à prendre une décision qui s’avère toujours inepte…

Je me suis réduit en sens et sensations, je cherche avec un minimum de toucher et de vue à entrer en contact avec le monde, et j’y réussis, c'est-à-dire qu’il m’échappe…

L’avenir aura des aubes monstrueuses et des dents de requin…

Tout livre devrait coller à notre chair jusqu’à son point final…

Tel essaye de m’adresser la parole, je me mets dans la dispense de la réponse, à chacun son enfer, le mien est dans la vénération du mot tu, le leur dans l’accident qu’ils aimeraient qu’il provoque…

Lorsqu’on vit auprès de quelqu’un des années durant, on croit avoir touché à ses profondeurs, n’est pas scaphandrier qui veut.

D’où me vient le vertige  aujourd’hui vouloir être odieux, fat, malséant, eh bien de l’homme, dans sa perpétuelle logomachie, entre l’art de la comprendre et l’inaptitude à s’en départir…

Ce que j’ai consenti, je l’ai consenti dans l' obligation, de peur d’avoir à courir à la catastrophe, celle de la dissemblance…

Dans mes beuveries, j’oublie ma nature de soûlographe, au réveil, impossible de me souvenir, de mesurer quoi que ce soit, cela seul est désagrément…

Ce que je comprends de l’homme est qu’il est vivant, et qu’il le reste trop longtemps…

La seule chose que je retiendrai de l’existence est qu’elle a été…


Je ne suis pas, n’ai jamais été enthousiaste, je me suis entouré des mêmes que moi, nous faisons à nous tous la fidèle clientèle des charlatans de la méconduite…

Tant que j’aurai la conscience d’être, je serai, et quand je ne l’aurai plus, je serai encore…


La musique ne devrait nous conduire que vers l’extase ou le suicide, voyez du côté de l’hymne, de la diane, du tocsin, si elles ne nous portaient pas vers la neurasthénie, la vomissure, à quoi serviraient ils, si ce n’est qu’à colporter de sales potins dans le vague…

A cinquante ans plus besoin de justifier quoi que ce soit, sinon le fait d’être en vie…


On regrette, on soupire, on pleure, pire encore, on prie, voilà que l’existence nous apparait comme le plus indécent des zoos, où les bêtes, faute de somme, ou d’être de somme, sont dans la nécessité de rester debout pour aller à la mort le plus rapidement possible…

Je n’ai pas de faculté particulière, je m’en tiens là, c’est mon côté proportionnel…


Dès le premier encensement de la femme aimée, on devrait savoir qu’après arrive l’odeur du bidet et des chiottes…


La normalité est lamentable, regardez du coté de ceux qui sont dans le devoir depuis leur enfance, ils se sont ankylosés dans la terreur de l’obéissance, sont terrifiés par la lenteur des liturgies liées au prestige de rester debout ou assis selon les circonstances, qui les ont voulus fonctionnaires ou chauffeurs de salles…


J’entre dans le sommeil comme on entre dans la construction d’un crime ou d’un suicide, aucune amertume ni souffrance ne me viennent, je suis un vénéneux du soir qui à la lumière se résous aussitôt à se montrer tel qu’il est, un homme mal entouré, mal assuré…

Persuadé que si je perdais la raison, une autre me parviendrai en pire, voilà certainement ce que ressens celui qui veut abandonner la vie…

Le sérieux je m’en repends aussitôt que je le commets, c’est de l’ordre d’un jack pot que je ne mets au profit d’aucun compte, fut il en pourcentage…

Il faudrait passer sa vie en ne pensant qu’en sicaire, saboteur ou saint, peut être qu’ainsi on pourrait digérer toutes ses dérisions, ses déraisons et sa mélancolie…

Ce qui colore la vie, c’est le sang et les larmes versées, quant au reste, ça la vicie par où on croit que ça n’arrivera jamais…

Le réel c’est un peu comme une ordonnance, illisible…

Au lieu d’explorer le monde visible, je ne me suis tourné que vers mon for intérieur, pour n’en retirer que de la boue qui durcit au soleil, et fait une tourbière à l’eau mêlé…

Ce que je regretterai c’est de ne m’être adressé à Dieu que dans les plus hautes des contrariétés, dans les foutaises et foutreries de mon esprit, lorsque j’ai été ignoré de tous, dans ma relégation de vaniteux et de fat…

Chaque fois que je crois avancer, je me détourne de moi-même autant que des autres, seul mourir est d’un contentement régulier…

L’emploi du mot est toujours délicat lorsqu’on veut placer haut une idée, une transcendance, pour cela il faudrait crier, prier ou vomir…


J’en suis à vouloir bouter de mes souvenirs tous ces amis qui lorsque je leur témoignais de l’affection, mon attachement se targuaient de n’avoir jamais connu quelqu’un de plus incertain…


Chaque jour un pas de plus vers la mort, certains le font petit, d’autres plus grand, les premiers sont des optimiste, les seconds des pessimistes, mais les deux apprennent à leurs dépens ce que c’est que d’être perdant…

Notre place reste et restera dans l’instant, dans cet éphémère qui s’essouffle sitôt qu’on l’atteint le temps passé et à venir se situent dans l’impermanence où se vautrent les dieux et les sicaires.

Je génère des mots qui se désagrègent aussitôt, et dont la culminance touche au doute, et à ce qui le soutient.

La mélancolie reste à mes yeux ce triomphe sur toute les formes de la déraison, qui ont été inhérentes à l’homme soutenu et soupesé.

C’est le propre de la déchéance que de rire de tout,et de pousser jusqu’à la malhonnêteté le fait de rire de soi.

Les répulsions nous sauvent du lieu commun.

La nuit, sur fond de dégoût, de ranceurs, de rancœurs, d’immondices accumulés en un seul jour, il me vient à l’esprit, que sans toutes ces saloperies, je n’aurais aucune raison d’écrire sur l’insanité d’être.

Certains affirment que la vérité triomphe toujours, n’est ce pas d’une indécente idolâtrie, je leur recommande de bien regarder autour d’eux, il y a tant à démasquer…

On fait grand bruit d’un peu n’importe quoi, alors qu’il faudrait une haute musique pour nous en affranchir…Est légitime tout ce à quoi je ne consens pas…

D’avoir trop fréquenté le bonheur ou quelque chose qui lui est semblable, nous nous sentons malaisés et dans le doute de celui-ci, voire dans le doute tout court.

Extrémiste abâtardi par un siècle en apoplexie, je doute d’avoir un jour à saboter autre chose que moi.

En état d’ébriété, je note que je ne correspond pas à ce siècle, pas davantage aux hommes, dont les mêmes ébriétés sont des penchants par où vont mes répugnances.

Après tout acte d’écriture, je me sens las, vide, vacillant, incapable de proférer quoi que ce soit d’intelligible, comme si je m’étais corrigé par du poison.

J’ai parfois foi dans cette verticalité qui m’anime afin que je commette le forfait d’exister, dans la parodie du faire et du montrer.

Misanthrope précipité dans une peau d’homme, je me figure parfois être un dogue qui n’aboie pas, et dont l’antidote de la parole est dans la morsure.

La première décision à prendre en naissant serait de tout exécrer, peut-être alors dans le futur trouverions nous des raisons pour réfléchir d’où nous serait venue cette haine congénitale ?

Mes ennemis resteront pour moi ces clandestins de l’existence, voués au culte du charlatanisme, qui puisent dans leur sommeil et dans leurs jargonneries tous ces superlatifs à mon encontre et dont je me fous obséquieusement.

L’illusion de durer dure ce que dure l’illusion d’être, un mois, un an un jamboree, et c’est du domaine de la femme que d’étouffer toutes ces infectes poupées entortillées dans de l’acanthe et du dorique.

Dans ces pensées d’automne, œufs gobés sous de noirs globes, la fête ne plus cogner à nos tempes, les saisons n’ont plus de durée, résider est un combat, c’est pourquoi j’ai choisi de me planquer dans un grainetier ou un enfant travesti.

Si j’avais une mémoire sans contenu, quel intérêt aurais-je à jargonner sur le regret, le remord, tous deux rabâchages d’objets qui n’ont pas eu ma veine.

Nul doute que dans mes méditations, aucun éloge ne m’est venu pour l’homme, j’aime en rester là.


Présomptueux dans le soliloque ou le dialogue, l’homme rend ainsi superflue l’humanité dont la bête s’est tirée pour n’avoir pas à lui répondre.

Toute idée reste une disposition du cerveau, et à plus forte raison de sa substance, de la fiente quoi, dont la profusion modifie nos salubrités originelles.

Il arrive parfois que l’on se considère, jugement insalubre, que je m’attache aussitôt à sabrer de peur d’avoir un jour à servir quelqu’un d’autre que moi.Je titre ,je construis des mots qui s’élèvent en force au-dessus de ces titres, je reste pourtant loin de ce soupçon d’émettre.


J’ai la conviction que l’homme a été conçu pour entraîner le monde dans sa perte, par ses vastes et hautaines misères.


Tout acte est une prédisposition d’erreurs que l’homme entretient comme pour finir allongé, sans qu’il ait commis l’exercice de vivre vide.

Épistolier que la conviction de louer a rendu artificiel jusque dans l’impératif, j’attends parfois qu’une autre forme d’écriture me donne à raisonner en dehors de ses compléments.

Je n’ai ni le goût de la note ni celui de la pause, mon être peut s’en passer, je participe à l’existence dans cette incuriosité malsaine de celui qui cherche à ne rien trouver.

La vanité corrompt toute connaissance, même celle qui nous met dans les dispositions d’être.


Vidé de nombre de mes substances, vacant, seules restent les grossières erreurs de ces renoncements et la sanie de leurs origines.

De l’aube au crépuscule, dans ce brouillard qui révèle les avantages de la parole, est il un instant où j’ai été profond, et où j’ai obéi à l’étrange cruauté de débattre sur l’infini du n’importe quoi ?


Rien ne saurait davantage me pousser au crime que cette vie que je ne comprends pas, et qui est légitimée par tous les signes qui créent des espaces où je dois contrer ou me taire.


Il y a dans  toutes les oppressions qui m’ont accablé comme un besoin de prière, de remords ou de mélancolie contre lesquels mes potentialités de sicaire ne peuvent rien…


Nos maux, tour à tour, nous lassent ou nous élèvent, je cherche un promontoire pour jauger le peu de profondeur de cette croyance surannée.

Dans ce grand foutoir que la littérature corrige ou assassine, la déveine d’être, m’apparaît comme le seul cauchemar à thèmes.

Faute d’avoir quelque belle humeur qui nous tienne éveillés, hagards ou en péril, nous nous étourdissons avec le mot qui ne veut se prêter à aucune construction.

Obsédé par ce moi vulgaire et incohérent, et ne rien vouloir commettre.

Je perçois le danger de toute manifestation verticale, des actes et des paroles ;j’exècre autant le silence qui est la formule extrême des superstitions et des dogmes qui nous assujettissent.

Tous les objets douloureux qu’on affectionne, comme dotés d’une noblesse qui nous échappe, s’ils savaient combien nous ne caressons que leur extérieur, pour ne porter notre regard que sur ces parts de nous qui leur ressemble.


Je ne pardonnerai jamais à l’homme de s’être vidé de son malheur, pour  des partages qui sont autant de glissements vers les non sens des contemplations obligées.


Toutes les purifications vont jusqu’aux soubresauts de cette âme qui ne nous regarde qu’au travers de nos peurs et de nos pâleurs.


Je m’agite, et l’expression est regrettable, je m’agite sans motif, et ça l’est davantage.


Quels que soient mes accès à la mélancolie, ils gardent de leur vulgarité l’attendrissant cliché d’une pente avec un calvaire.


A chaque fois que je me suis lassé de la vie, j’ai appliqué à mes propos l’imbécillité du dormeur, l’idiotie du moribond.


Que je me sois tant trompé sur l’existence n’explique que mes antiques impressions tiennent autant de l’amertume que de la concession.


Vivre en paresseux, mourir en exalté.