Au jour le jour 515

Quoi qu’on dise de l’éternité, on le dit mal, voilà pourquoi je ne me soucie guère de ne pas y penser, sinon dans l’a peu près d’un syllogisme voué à une réflexion sur la fausseté de croire. 

L’homme en quête d’un absolu dont il ignore tout, s’enveloppe d’un manteau d’illusions, et part l’âme toute en consistance vers des lieux où Dieu l’a précédé, et où il croit rencontrer ce qu’il y a de moins extrême dans son maigre bonheur et qui ne soit pas monstrueux.

Comme il nous est donné d’appartenir au monde sans y être invité, avec nos faces que la nature change pour nous donner à croire que nous avançons dans la vie, nous voulons malgré tout nous porter atteinte, alors que déjà quelque chose de plus haut que nous s’en charge sans que nous y réfléchissions, sans que nous n’y puissions rien.



L’amour quand il est fuyant a toujours le visage ombrageux, quand il ne l’a pas, c’est le nôtre qui l’est.


Entrés dans la vie à haute voix, nous en ressortons dans l’indicible murmure qui va à l’oreille des morts. 

Avec l’élégance des humilités, le goût des choses qui passent est moins amer, que les paroles de ceux qui ont suggéré que le monde n’a de présence en  nous que lorsque nous sommes endormis.

Dans mes interrogations il m’arrive de penser que seul l’esprit qui ne redoute pas de s’abandonner aux illusions du monde, peut sortir vainqueur de son néant, de son chaos. 

Ce qui est en moi et qui n’attend pas de futur, ne sera pas à mes trousses, voilà pourquoi j’erre à l’intersection de deux mondes qui n’ont pas de fin.


Ce que nous avons perdu d’exemplaire est dans la dignité de  ce renoncement, extrême étape pour nous détacher de tout ce qui ne mène pas à la communion avec de grandes âmes. 

Il est une jouissance inexprimable à s’étourdir de cette musique dont les sonorités et sinuosités nous ramènent à la confiance des hommes qui frissonnent d’un infini de notes , leur faisant atteindre des aurores. 

De toutes les façons d’atteindre l’homme, la meilleure est de s’en éloigner. 

La volonté est parfois profonde dans ce que nous avons d’ultime, lorsqu’elle n’est pas dans cet ordre, cet élan, elle est d’une matière à déliquescence, entre la sanie et les pleurs.

Pourquoi faut-il toujours que dans nos dépotoirs, notre âme paraisse plus transparente que nos larmes ou nos sécrétions ?



Ce que je perds en enthousiasme, je le gagne en neurasthénie, mon équilibre est à ce prix.

Y a t-il quelqu’un pour justifier que nous sommes sous le joug de millénaires de peurs, de silences, dans ce brasier qui est au centre de nos âmes, et dont nous ne voulons nous délester ?


J’aime que la paresse me saisisse, et que tiraillé par l’envie de commettre, j’oscille entre un crime et son châtiment.


Tant d’hommes m’ont précédé dans le pessimisme ; je doute encore des concessions que je pourrais leur faire pour entrer dans le cercle de tous ceux qui n’ont pas vu la vie comme un soubresaut de la matière.


La maladie ,au-delà du fait qu’elle nous épuise, va jusqu’à l’âme pour la suspendre et la surprendre dans son sommeil, ne nous restera plus que son souffle dans la proximité de nos baisers à la mort.


Dans cette pathétique société où le malheur a le visage profond de nos médiocrités, est il possible de se consoler de l’homme en se contentant de le considérer comme un être qui marche vers une mort consentie ?


Si le suicide nous faisait défaut, comment penserions nous à la mort, si ce n’est dans la fixité de cette indigne vie, qui fait des moribonds résolus à en finir, et d’autres qui voudraient durer ?


La matière en fouillant dans ces passés où nous avons régurgité nos vies, n’y trouve que la trace d’un voile sali par nos distractions de solitaire.


Toutes les géométries de nos êtres sont d’étroites colonnes serrées comme des arbres dans une saulaie où les branches en se voûtant font des arcs et des cintres que nous ne savons plus contempler.


L’air est jaune, il augure d’une respiration fétide, nous voilà comme des bêtes entremêlées et qui courbent l’échine, puis s’écrasent sur le sable des torils où l’homme se rue pour les caillasser.


On regarde toujours trop haut.


Vers cette éternité de mornes sensations, où mon corps se rompt sans se détacher de mon esprit, j’ai le sentiment étrange de m’épuiser gracieusement en attendant de surplomber un précipice.


Tant de promesses que je n’ai pas tenues et qui me terrorisent comme si j’avais des chiens à mes trousses, et de l’arsenic dans mes veines.


J’ai côtoyé tant de vies modelées dans l’idée de les perdre, que m’est venue la sinistre sensation du suicide bien avant que je sois à la manière de ces dernières.


Tous ces actes que je fais et recommence chaque jour, combien ils sont vains, et combien ils dissolvent mes nerfs et font craquer mes os.

Je cherche une humilité qui me préserverait de tous ces mouvements qui m’ont ramené à moi-même, et à la faiblesse des immoralités. 

J’attends de toutes les musiques qu’elles m’inféodent à un monde d’altitude, où pour se faire accepter il faut résonner de tous les tourbillons qui n’ont pas absorbé notre âme. 

Tant le passé m’est douloureux, que je ne sais plus penser à la mort, sinon en y voyant un culte ou une religion. 

Je finirai tous les combats que j’ai menés contre moi-même, dans l’explicite indifférence que je voue au monde tant il m’a dépassionné, par l’immonde contact de sa vraie nature et de celle des hommes...


Je veux bien renoncer à l’existence si la nature se charge de me transformer en prie-dieu ou en bénitier.


Il faut penser l’amour respectueusement comme lorsqu’on rentre dans une église pour y rencontrer Dieu, dans la nef, la flamme étourdie d’un cierge, là où nul ne pose son regard, si ce ne sont les vieillards avec leur humble prunelle.


Le monde ne peut se passer de l’oubli, s’il s’en passait nous crèverions tous des douleurs qu’il a mis dans les prodigieuses musiques.


Dans chacun de mes atomes, dans chacune de mes cellules, s’endort le chaos, il y stagne, de sorte que je vais toujours vers l’homme avec mon rire jaune, et un sourire biaisé.


Ecoute Dieu quand il traverse ta solitude et ta tristesse, il veut t’apprendre à ne pas le chercher dans ces instants où tu meurs dans le moderne héroïsme des suicides à l’extérieur.


Siècle de vulgarité phénoménale, et que nous soutenons en étant des prototypes, des métaphores éteintes, une ombre profilée de la mort qui ne donne plus même d’inspiration.


Objet extérieur que ce sourire indéfinissable et qui témoigne aussi bien de notre insensibilité, que ce dont nous sommes pourvus pour nous dilater ailleurs qu’en nous même.


Quand je pars d’un moi instinctif j’arrive à un moi restrictif.