Au jour le jour 492

Que de signes avant coureurs de cette fin nauséeuse qui nous a été promise depuis que nous sommes nés larvés.

J’ai plus à craindre de moi et de mon mépris, que de toutes ces maladies qui ne m’enveniment que pour des injures particulières.

Je suis un sceptique voué aux sarcasmes, je m’acharne pourtant à y voir le symbole d’une compétence qui ne doit rien aux organes ni à la chimie de ses compléments.

Nous devons notre infortune aux mots, toute première géologie qui nous lie à cette civilisation de roulures assujetties à la parlotte.

Charognards distingués que le mot élève systématiquement, tout nous échappe voire jusqu’au noyau même du mot.

La lucidité restera notre plus grande victoire et notre plus grand vice, combien j’aimerais n’être hanté que par le thème de l’obscurité pour tout refuser, tout !

La réelle douleur s’exerce au-delà de cette douleur, qui est un oreiller pour nos pleurs.

L’ignominie, au regard de toutes les saloperies de l’Histoire m’apparaît comme une réplique à la civilisation.

Toute tension avive notre sang, même nos sanglants ont quelques proportions de flammes.

C’est vivre qui nous pousse à la charogne, le devenir quant à lui s’organise dans la puanteur qui en résulte.

Il arrive des nuits où la barbarie du sommeil nous pousse à ne rêver que d’une inflation de la nature les plus salaces.

Mon âme est en subtile expansion de n’être pas.

Croire et accepter, c’est accumuler des silences pour les porter dans la vie des autres,  qui sont encore sous le joug d’un repos dans lequel ne s’immisce que de l’inconsistance, celle de n’être voué à rien.


Quand on a falsifié jusqu’à sa tristesse, nous nous privons d’une peur qui pourrait nourrir notre naturel d’une étonnante façon de confession.

L’amour entre par le seuil et fuit par les issues, que l’on aurait dû condamner, sitôt que le silence aurait eu comme valeur de ne pouvoir se dissoudre dans nos pauvres désirs.

A l’aune de ma quarantaine je m’interroge sur ce que j’aurais été, si j’avais été.

La maladie en appelle à des plaintes qui nous transfigurent, et donnent à notre corps l’ivresse de vouloir endurer.

L’instinct supporte tout ce que notre cerveau a de purulent, s’en enchantant presque, comme si sa prédominance n’avait rien d’ironique et de superficiel.

Donnez moi une couronne qui ne soit pas faite d’épines mais du résineux le plus gluant.

Etre, c’est toujours être confondu, dans quoi je l’ignore, et c’est bien assez de ne pas le  comprendre.

Les sacrifices, aussi profonds soient ils, sont de l’ordre d’une maladie, cet idéal vers lequel nous tendons parce que nous n’avons rien à donner, rien pour nous rendre compréhensible.

Pourquoi la matière, si féconde soit elle, nous oblige t-elle à la fouiller pour n’en extraire que des vulgarités, de la fiente, de la boue ?

Quand je saigne, je me dis que c’est de l’ordre d’une fortune que je ne sais pas gérer, et que je  dépense sans geindre, sans motif de me soustraire à ce que je veux à tout prix dilapider.

Si j’avais appris à bien gâcher ma vie, je l’aurais rendue supportable.

Les ténèbres de l’existence sont effrayantes et effroyables quand on ne les craint pas…

Je ne me satisfais pas de voir mon existence si petite et si grotesque, mais je n’ai pas d’appétit, et tout est justifié.

L’attente est la dimension d’un temps compté où l’on s’introduit pour être déchiré par l’espoir.

De tout ce que j’ai entrepris et réussi, je retiens mon veuvage, double superflu de mon silence.

Ce qui est naturel est sans variété, voyez combien l’homme dans le malaise de ses multiplicités va par choix vers des didactismes sans priorité.

Ne plaire à personne et en faire une science, il me serait alors loisible d’aller d’une extrémité à l’autre de moi, et de m’effondrer.

Au paroxysme de mon ennui, la connaissance du deuil, et aucun visiteur ne peut m’en éloigner.

J’ai incarné la désenvie et l’ennui, j’en ai été le spectateur, deux excès valent mieux qu’un...

Concevoir la vie comme la plus obscène des répliques à la mort.

Le sérieux m’ennuie, me  pousse aux extrémités de la parole, si je devais simplifier, je dirais que le sérieux est la dimension rangée de mes convictions et de mes démangeaisons.

Pour m’être trop éloigné de l’homme, j’ai l’air d’un type hagard qui redoute tout forme d’amitié de peur qu’elle ne le pourrisse ou le fourbisse.

Ne rien avoir ramené à soi, et finir aussi solitaire qu’un nocher qui va à la mort avec un double indestiné.

Gémir encore gémir, voir que tout est vacuité,et ne pouvoir combler que quelques heures sombres qu’aussitôt nous disqualifions.

M’évader dans le n’importe quoi, n’importe comment, mais en poltron.

Réduire ma vie à des piétinements, à des petits pas de malade en retrait, que dis je à des emmerdements !

Pour avoir été mélancolique plus que je n’aurais dû, je n’ai pas su disposer de ces ingéniosités de la tristesse lorsqu’elle nous met dans les bras des filles, et que forcément nous ne voulons plus relâcher.


J’ai mis mon sérieux au service d’une douleur et d’un repentir verticaux, axes premiers de mon existence vouée à des rendez vous gâchés par trop de sérieux, à des retenues prométhéennes.


Le langage ne justifie pas que nous nous démenions tant et tant en lui et pour lui, et n’en paraissons affectés que lorsque nous ne sommes plus disposés à lui parler comme à une vieille maîtresse qui cherche son latin.


Tout ce qui s’est avéré comme souffrance en moi s’est hypertrophié dans mon sang, et je ne sais plus regarder l’homme et ses instances, ses insistances, sans y voir une solution sanieuse qui se mêle à mes propres poisons.


L’amour c’est l’état d’un temps lyrique, je suggère d’y laisser divaguer tout homme que le commentaire a rendu lointain, et qui ne s’est abandonné dans les bras de l’aimée sans y voir la trace d’un commencement, d’un commerce ou d’un forfait.


Si l’on pouvait en un seul jour revivre toute son existence, combien j’épargnerais de temps au temps, et combien moins d’hébétement j’aurais pour mesurer mon effort d’être.


Il y a quelque grandeur à comprendre ce que sont toutes ces monstrueuses verticalités dépliées comme des portulans, vermoulus comme des rêves en friche et sur lesquels nous traçons nos destinées.


Inassouvi, je cherche dans les révoltes suffisamment d’exaspération pour étoffer mes prières avant d’étouffer en dieu.


La solitude nous enseigne combien pour être clair, il faut dégivrer ses pensées et traverser son sang pour comprendre et voir ce que la vie comporte comme mystère à suspicion.


Triste et sans égard, j’ai réduit mon existence à des exercices d’athlète hagard monté sur un podium pour s’y caler.

Nous devrions nous rencontrer dans le désir de n’être plus, et différer nos existences dans l’illusion d’un autre devenir.

Au demeurant je suis resté un enchaîné souffrant de l’éclat de toutes les tromperies, au restant, il me demeure l’étonnement de m’être retenu d’en finir.

L’accès sur la vérité s’effectue par défaut ,l’accès sur le mensonge par anticipation.

A mesure que j’avance dans l’existence, je ne m’acharne plus dans les sensations de mon corps, que l’amour a rendues aussi diaphanes qu’un ange resserré dans son chagrin.

Tout est crépuscule, et au bord de ce crépuscule, tout est pleurs qui finissent dans un bénitier.

Mes tête- à -tête restent des réflexions sur cette matière intervenue dans mes organes, et qui me pousse jusqu’aux écœurements.

Devenir aussi indulgent qu’un saint rentré dans sa douleur, et qui dans cette vitalité introduit le mot foutre ou le mot dieu.