Au jour le jour 488

Mon corps s’est déchiré dans le désir et dans l’amour, tous deux introduits en moi comme la révélation que dans chaque femme le visage de l’infini et de l’éternité se dessinait pour me donner à voir, à comprendre la démesure d’un monde établi dans le berceau du mensonge et de la cécité…

Combien j’aimerais m’enfouir dans un seul souvenir, celui où je n’aurais été ni bafoué ni vaincu, pas même regardé avec les yeux d’un opportun…

Je n’ai pas su me protéger de cette obscurité dans laquelle se sont répandus tant d’espaces, tant de révoltes, tant d’amertumes et tant d’effrois, et le tracé de ces ancêtres qui ont renoncé au courage de me soulager de cette obscurité…

Tous mes jours imaginés comme des abus ou des brutalités, je les ai déposés sur un promontoire aux pieds d’une croix ,et levant les yeux vers les nuées j’ai cru qu’une nouvelle dimension d’être me serait donné impunément…

Au registre de mes nuits sans aspérité, je range celles où j’ai dormi avec des filles de joie, révoltées de leur trop peu d’espace, de leur trop peu de matière à émotion…

Quand titubant après des heures d’ébriété je regagne mon lit, il me semble que ma vie entière s’est orientée vers la désolation et le crime….

Je me rachèterai de m’être montré si morveux en étouffant jusqu’à mes plus petits bouillonnements, quand empressé de penser gaiement ou de fanfaronner, je puisais dans mes entrailles de l’hypocrisie et de l’insincérité à des fins ostentatoires…

Mon contenu est invérifiable…

Cette maladie qu’on regrette comme une sainteté qui nous a échappé et qu’on a nommé « Amour » tant elle nous rendait le monde accessible…

L’artifice a tant eu mes avantages,que j’ai l’air d’un promeneur qui plus il lève les yeux,moins il paraît surmené,moins il évoque la marche et ses ascendances.

Je suis un Lacenaire primitif qui cherche dans ses sous-sols à se dégager des cordes que lui-même a tressées.

C’est la musique qui nous disloque jusqu’aux primitives prières,au-delà de l’industrie du son,j’admets qu’il y a parfois quelque cri qui se dédouble d’une grâce sans nom.

L’illusion philosophique a oublié l’organe,c’est pourquoi elle ne s’oriente que vers cet esprit où ne figurent ni la rage,ni la pharmacopée du sentiment.

Toutes mes confidences sont fulgurantes,je ne m’en accommode que parce que je reste dans la terreur du second cas.

Dieu témoigne de bon sens,voilà quelques millions d’années déjà qu’il se dépassionne de sa création

De toutes me capacités je retiens celles qui me dirigent vers l’homme pour aussitôt m’en dévier.

Aimer nous complète jusqu’aux euphories,détriments de cette euphorie de nous démolir.

Ceux qui m’ont précédé dans la boisson n’ont pourtant pas usé du même vocabulaire que moi ;je m’enivre pour inventer un nouveau registre,une nouvelle glose qui me feraient échapper à la miséricorde d’être sain.

Je pourrais me passer de tous ceux qui m’ont détraqué,j’en ai la certitude ;je travaille à m’en approcher pour mieux pratiquer la folie ou quelque sainteté qui lui ressemblerait.

Il me suffit de croire que toute folie prélude à des suicides directs ou indirects,pour aussitôt m’y diriger en me dévaluant.

Rendre service c’est se vicier au point que tout acte dont le bénéfice devrait nous revenir paraît insalubre.

La vie est intolérable lorsqu’elle n’est pas énergique, quand elle le devient, elle est inacceptable.

Dans mes dialogues avec la bête il y a de la compréhension et du superlatif.

Je m’exerce à de l’essentiel mais sans aucun argument.

Rien de plus exaspérant que cette anxiété qui n’a rien de spirituel et rien pour me corrompre.

Elle a des odeurs de cidre prise dans ses nauséeuses gestations.

Sourd à cet animal,qui faute d’un corps à sa mesure s’est chargé du mien,j’ai opté pour la solitude comme on entre dans une bibliothèque pour n’y rencontrer que des mêmes pris dans l’extase d’une identique position .

Le leurre nous déchoit jusqu’aux troublantes inimitiés.

L’intérêt que j’ai pour tous les inconforts prévaut sur cette même indignation,qui va vers les mieux,qui sied à tous les pires.

Plus rien à inventer,mais il nous reste suffisamment de curiosité pour nous pousser vers ce qui survit.

J’ai beau insister sur ma survivance,elle n’est en fait qu’un scrupule qui de toute évidence me range dans la vie malgré moi.

L’essentiel se laisse difficilement approcher,à la réflexion,il faut le recréer ou le mériter ;c’est qu’il reste,se terre par delà nos exagérations,par delà nos dires et nos délires,il réside dans cette prime jeunesse qui tait la prolixité et s’auréole du premier mensonge.

Les moribonds disent que tout ennui est mortel,c’est l’outrance des biens portants que de s’épancher sur l’effacement ou le suicide.

Parallèlement à cette inertie qui me rive au lit des journées entières,mon cerveau mange mes souvenirs,s’en délecte ;tant d’images,de répliques ingurgitées et qui ne me font ni repu,ni affamé,je cherche dans la verticalité à n’en pas paraître affecté.

Depuis que je survis,je me sépare de l’homme,j’entre dans cette décomposition amorcée dès ma naissance,je bave,j’éructe,je dévoile des secrets ;après je me désole comme un renégat déçu par les mirages qu’il a engendrés.

Toute lucidité est outrance,restons confinés dans nos répulsions à voir clair,afin de ne pas nous dégrader en calomniateur ou en pamphlétaire.