Au jour le jour 482

 

Avatar de la parole, le geste nous disloque dans cette posture de renégat qui a l’air d’un homme qu’on épuise.

Eloignez vous de l’existence, travaillez à vous épuiser en elle et en dehors d’elle, ne soyez plus cet ilote qui reste inoccupé et ne sait s’y soumettre. La vérité restera une de mes improvisations, plus j’ai voulu m’en approcher, plus les apparences se sont multipliées ,me reste la somme des mensonges pour en mesurer toutes les inepties.

Le style fait fructifier l’idolâtrie liée à la parole, et ne s’en explique pas.

Phraseur solitaire, phraseur raté et oublieux, me restent les points et les virgules pour me ranger de la parole mécanique.

Nul déséquilibre plus ancien que celui de ma naissance ne me conduira au suicide, j’ai vécu hachuré, je mourrai par pendaison.

La déception mène à la création, nulle autre qualité plus qu’elle n’a pu élever des cathédrales, ériger des ponts, nous mener dans ce délicieux charabia du poème, de l’ode et de la stance.

Les défaites nous font coller à la réalité du corps elles accablent ces mêmes viscères qui ne ses seraient pas distinguées sans le vertige de les perdre.

Cette rage obscure et contenue qui me désanime, quelle sagesse lui donner à affronter, si ce n’est un mutisme aussi profond que la mort.

Ma tristesse m’a vicié, je ne peux plus sourire que d’une même tristesse me fournissant un peu de lumière pour me pencher sur moi.

J’ai brûlé quelques uns de mes cahiers pour n’avoir pas à chialer sur les morfonderies de mon jeune âge.

La putréfaction témoigne d’ingéniosité, tout ce qui pourrit, par contagion s’ouvre sur la vie.


C’est le corps qui offre ses facéties au langage, le langage en échange lui offre la douleur et ses éparpillements.

Toutes mes orientations tendent vers la mort, je tourne le dos à la vie en ne générant que des apparences.

Je rêve parfois d’un monde sans mots où nous nous accrocherions à la solidité des cris et des pleurs mêlés.

Le vrai seul est maniable, le faux quant à lui s’inscrit dans la liturgie des fictions qui nous font accéder à de la superficialité.

Passer ses journées à écrire des épitaphes, et ne pas vouloir finir dans une tombe.

Rongé par le mot, par ses vacillements, par les cauchemars qu’il engendre, et dont nous ne revenons pas, voilà l’homme, presque lucide qui cherche une réplique à cet univers qui se corrige sans lui.

L’ennui lorsqu’il n’est pas intérieur, est un ennui auquel nous survivons pour mieux durer.

Exaspéré par des misères sans envergure, j’ai le sentiment d’être un animal dégénéré, singe en démonstration, que l’équilibre ne rend pas plus énigmatique qu’un homme qui marche et avance. .

J'écris par défi,par défi de quoi,je l'ignore,mais ça me fait grand bien de défier et le mot et la littérature,tous deux alités bien avant l'heure à laquelle je veux les saisir,et les extirpant de leur sommeil je n'obtiens d'eux aucune considération,c'est alors que je rentre en moi,en leur prêtant du chauvinisme et des pellicules .

Le définitif n'est pas inhérent à la soif d'exister.

Comment disposer de la parole autrement qu'avec les mots et les mains,la colère ou le blâme.

Dans mes toutes premières croyances, je regrette qu'un Judas s'y soit associé ,m'éloignant de l'apostolat ,de la prière,et de ce dieu présent à tous les étages comme à tous les étiages..

Cliniquement disséqué discrédité dans ma chair par tous ces fouisseurs d'intestins,de grêle, de colon,ces videurs d'écume et de rage,que ne suis je resté endormi pour n'avoir pas à veiller sur des moribonds qui le sont autant que moi .
Amitié,globe transparent de nos aveuglements.

Combien j’exècre tous ce veinards qui en oublient jusqu'à leur sang ,leur sang froid,leur squelette et se vautrent sur les canapés ces psychanalystes,enfouisseurs de mensonge et de neurasthénie.

Je crains qu'en toute chose,un dieu informe,donc sans apparence,ni apparat,ne vienne troubler nos consciences que pur nous rigidifier bien avant l'heure.

J'ai le dégoût de toutes ces apparences que l"amour ne peut dégrader tant il s'immisce jusque dans nos plus sombres profondeurs pour y placer l'idée d'un être parvenu jusqu'à nous pour s'y épuiser dans nos infatuations.

Ce que révèle l'existence est de l'ordre d'une formalité,falloir et devoir,le reste je l’emmène jusqu'aux latrines,où dans l'immense dégoût des concrétions ,ne se sont abrégées que ces nuits où toute parole fût vaine ,ostentatoire,c'est là que je vomis sur les charmes éthérés parvenus jusqu'à moi en flots de paroles indicibles et vindicatives.

Aurais je déjà oublier que je suis entré dans l'existence en pestiféré et que j'en sortirai en ne vitupérant que contre moi,et moi seul?

Dans la pitié tout est commun,fade,abrutissant,les mots,les pâles prières,les propos entretenus comme des ponts entre les hommes de bonne volonté,et nous nous y adonnons malgré tout,jusqu'à la limite de nos propres intérêts .

Est irréparable tout ce que je n'ai rapporté qu'à moi,pour le porter,sans passer par la raison,à des périphéries qui ne sont que les issues de secours d'un double secondé et secondaire secoué par ses propres abjections.

Il y a deux choses essentielles dans l’existence, l’instant et le moment, mon instant et mon moment ont la forme d’un chiasme, dans ces heures déjà lointaines ,et c’est peu de le dire, je m’entretenais d’elle comme d’une belle littérature, elle était mon obscur chantier qui va jusqu’aux livres ouverts et lus, mon ciel, palme trouble de mes renoncements, ce regard de moi-même sur les jours de craie et de chaux, ma pleine lumière sur la double unité d’une figure de rhétorique qui dit la plupart du temps une osmose, un commerce équivoque, ou une contrefaçon, j’avais pour tout objet, son âme, parenté d’éclaircie dans cet isolement, conduit que je regardais fixement sans bouger d’elle avec des déraisons et des simulacres de conscience mal établie,  que ne me vient- il plus en esprit cet esprit-là ,cet invisible où j’oscillais entre la tentation pour toute les menteries d’une femme, et un bel esclavage, affolée comme une hase dans un phare, je la revois se blottir contre moi avec le corps nocturne d’une embaumeuse…

Qui êtes-vous, je suis un incurieux qui rend curieux les autres.

Quand on écrit on tient du Diable et l’Ange, du Diable qui par la consonne se tend et se gâche en superstitions ; de l’Ange qui se désagrège dans les voyelles animées par quelques nostalgies.

Je crève d’une ruine qui ne sied qu’à moi et qui subsiste pour me faire durer.

Après moi, je me déloge.

Plus on opte pour l’affairement, moins on y réfléchit ; réfléchir suppose quelque horizontalité que refuse notre stature d’Antée, ce qui nous oblige à avancer ou à être perdu.

La profondeur correspond à la boue originelle, restons superflus, c’est en surface que la respiration est la plus aisée et qu’on est épargné par les intolérables psychologies.

Dieu me restera ludique, c’est une contagion irréfutable, n’a-t-il pas porté nos corps vers les hauts faits de toutes les représentations ?

J’aurais vécu entre le masque et la litote, entre l’euphémisme et le cliché, dans les encens et les nauséeuses inepties de l’inconnaissance de tout et de tous ; je n’aurais pas été.

On a beau dire, on a beau faire, on restera toujours un faussaire campé dans quelques méprises.

La plus oppressante des contagions reste le mot, une raison de plus de se taire et de ne pas subir le revers des maladies que la phrase rend plus furieuses encore.

L’essentiel réside dans toutes les dissemblances, le reste se diminue par les ultimatums que nous lui lançons.

Rien qui ne me déçoive plus que la réalité, j’opte pour l’inconfort de toutes les ruminations, toutes les disgrâces physiologiques et psychologiques, je me commets dans des inconforts de mon acabit.

Je rage contre mon temps, je compte y dépasser ce qu’il conserve comme conquête et qu’il consent à damner en humanité.
Attitré ; qu’on me donne une raison, une seule, de ne pas y voir la marque des tarés éruptifs.

La curiosité restera cette hypocrisie raisonnable que nos gestes n’ont pas rendu perceptible de peur de ne plus pouvoir s’en passer.

Chaque jour je diffère mon suicide, peut-être n’y a-t-il pas ailleurs d’enfer plus parfait que celui là ?

Tout mérite le rien et s’y démène.

Pense que celui que la chair rend victime et anime pour le sentir, a des idées celui qui à ses propres yeux sait qu’il se pense.

Tout ce qui est vital m’ennuie, je me console de cette infortune en le sachant.

J’ai de la rage en quantité dans cet intérieur où mes histoires ne sont pas justifiées, où ma vie côtoie du désarroi et de la débine.

Pour me tenir loin de tout et de tous, je me suis exercé à de la déveine, tiraillé entre les tragédies qu’elle impose et les dérogations qu’elle évite.

Aucun mot ne peut légitimer ses origines, le mot exclut les commentaires sur sa naissance, le mot fût avant nous, et mourra après nous.

C’est dans l’à peu près qu’on brode le mieux sur l’essentiel qui nous échoit.

C’est la folie de l’abstraction qui a miné le mot jusqu’au lieu commun.

Je n’ai pas souhaité être quelqu’un, d’où toutes mes démissions.

L’inconscience comme une grande partie de toutes nos voluptés, comme la plus grande des futilités et qui dure.

Tout ce qui est, sera, d’où toutes mes pauvretés, mes manques et mes superstitions, pour parer à ce nouveau et terrible constat.

Foi en l’avenir ! jusqu’ où la niaiserie peut elle aller dans l’image et la croyance ?

Quiconque vit, s’enchaîne, au comble de cette assertion réside le débat sur toutes les formes de la sujétion.

Un événement c’est du temps en exercice.

Peu profond, jamais éclairé, je vis dans la perspective de ne me rallier ni aux hommes, ni à leurs idées, je suis mon seul régime, je suis seul à vouloir disparaître sans m’être arrêté sans rien, je n’ai compté que les révolutions des astres et des morts, rien d’autre !

Est précis tout ce qui nous empêche de penser en dehors des cercles, de tous les cercles.

Arrive un moment où tout mot pue le désarroi, la matière même de nos plus petites figures inventées paraît pitoyable, il est temps alors de se considérer comme un objet vacant.

Actes, subterfuges du temps, pour nous donner à penser que la vie est sensations.

Il ne faut pas que quelque chose me survive, j’aspire à ne rien signifier.

Se réduire à la vie, l’Homme n’a rien trouvé de mieux à faire que de singer tous les Dieux qu’il a offensés.

Je rêve d’un cirque idéal où tout mot serait une débâcle, où tout rire serait une tergiversation.

Je ne peux plus penser qu’en bégayant.

Le mieux reste dans l’épilepsie du bien, tant que le bien incite à des supercheries.

Les morts sont intoxiqués par les vivants.

L’expérience c’est du temps grotesque que de prétentieux lettrés tournent en proclamations ou en dogmes.

Ma fixité ne doit rien aux lieux où je me suis scellé,mais à une peur ancestrale ,celle de rencontrer l'homme dans ses plus petits recoins.

Pourquoi être encore,si tout se qui découle de l'existence,n'est que foutreries et foutaises?

Je diffère une nouvelle fois un suicide irréfléchi,afin que cette infection me rende plus purulent encore,comme si j'avais eu à travailler dans une soufrière .

Sitôt qu'entré dans la rage,je m'appesantis sur mon néant,j'augure de l'irréparable,je vais dormir dans un confessionnal.

Ma vie a commencé par le poison,elle se terminera dans l'injonction ou le sang.

Ëtre tient du simulacre et de la rage,tous deux générateurs de cette même fureur de vivre .

La violence de ma résignation est à l'origine de mes impropriétés,glaire et glu mêlées,pour une vaine conversation avec Dieu .

Accomplir du dire,s'y accomplir,et n'y trouver que la trace d'une ancienne vibration,qui altère nos voix et nos songes.

La douleur se suffit à elle même,et faute d'être, elle n'en est que davantage.

Toute pensée est un mieux préférable,que l'Esprit aimerait infatuer jusqu'à l'Entreprise.

L'homme se signale par ses interrogations,celles qui nous enchantent,autant que celles qui nous emmerdent.....

Je m’agite dans un monde où le cours de mon existence est en étiage de toutes les sensations,et vais du pathétisme au vulgaire sans passer par du vœu ou de la prière.

Dans l’odeur âcre et la fumée des bistros il me semble que je suis parfois un Narcisse doctrinal qui ne sait plus où est son infortune.

Au silence auquel je m’adresse quand le pathos de l’évidence me pèse comme une absurdité,j’adjoins ma douleur d’être un gnome exténué,et qui rougeoit dans son chagrin.

De tous les regrets organiques,je retiens celui où le sort s’acharne dans mon sang,et procède de la mélancolie ou de la conscience d’une fatigue importée.

Le paradis,tous les paradis ont été conçus dans la santé et la sérénité de ceux qui en ont été tentés.

Tout ce qui est normal fonctionne selon des dispositions en degrés,combien j’aime la monotonie des automnes du cerveau,ses courbes sans apothéose,et combien déjà aujourd’hui j’en traduis toutes ses circonvolutions.

Parfois nous rencontrons des hommes fatigués dès l’aube,que la verticalité ennuie autant que ces allers retours réitérés parmi les leurs,et qui tendent vers un autre lendemain,comme de animaux abasourdis que l’on conduit à l’abattoir.

La peinture tire sa vanité des prérogatives du sang,des profondeurs grisâtres abattues de faux enchantements,vulgaires hébétudes,et je la regarde comme le déroulement insane de ces chairs que l’obscurité même de saurait recouvrir de ses propre pudeurs.

Le temps m’est organique, il déborde de mes vaisseaux comme un surplus de tentations, et plus je vois en l’avenir de nouvelles saisons, plus sa charge me confère des allures de portefaix affaibli par des années sans conscience et sans leurres.

Hypertrophié par de la fatigue, celle de n’avoir su trouver Dieu, je suis dans les dispositions d’un homme intemporel qui prête l’oreille aux morts.


Tout ce qui me pèse a été dans mon incuriosité, et s’est cristallisé sur les cadavres bleuis de ceux qui ont eu toutes les bonnes occasions.

La musique fait entrer en elle d’ascendantes divinités qui s’élèvent dans les dièses et s’absolvent dans les soupirs.

L’amour suscite un écoeurant tournis, entre l’éternité et l’écume, deux des formes impures de notre besoin de superposer Dieu et le temps ;Dieu dans le déroulement infini de nos larmes, qui adjoignent des étoiles au tapis des prières, le temps pour s’y user en usurpations.

Dans la perfection et la lumière glauque des cathédrales, il me semble qu’être vivant, c’est détourner de la vulgarité de tous les lieux où l’homme prie et s’arrange avec ses morts.

La souffrance est une intimité qui échappe à toutes les restrictions posologiques et recouvre notre lucidité, jusque dans le désir de rester dans l’ivresse d’un devenir embaumé de dégoût.


Combien j'ai versé de larmes,en ai gaspillé, que Dieu aurait pu recueillir dans ses ciboires.


Tout se qui se veut objet de ma perception me déroule dans de l'insomnie.


Le monde peut évoluer sans l'homme ,ce n'est pas d'un soupir ou d'un souffle qu'est née l'existence,ce n'est pas par eux qu'il s'éteindra.


Nous nous agiterons jusqu'à notre dernière goutte de sang,c'est cela qui est regrettable.


Toutes les philosophies sont infréquentables,on y découvre toujours nos fatuités d'être,et plus on les aborde,plus elles perdurent.


Tous ces apartés où j'ai été vulgaire,parce que seul,c'est peut être de la que m'est venue la maladie de l'ordurier .


Tous les dispositifs que la matière met en place,pour éviter ses propres paradoxes,ne valent pas une supercherie d'homme pris dans ses assises et ses constructions .


La maladie c'est de l'évidence à l'état brut,et plus nous allons à l'agonie,plus ces évidences nous épargnent de les déguiser .


Mes ancrages dans la vitalité font état de ce que je suis,un mélanges de borborygmes et de sang,le reste sert à toutes mes décharges.


J'aurais été un paresseux du temps,un primate de la larme,c'est cette nostalgie qui me vaut tous mes écoeurements.


Tout ce qui prête à la pensée affleure une forme de musique,entre l'altérité d'un parfum et celui d'un symbole.


Rien ne se résume mieux au coeur que le culte de l'amour,quand il ne s'est pas encore tourné vers les relents de nos pouffiasseries ou vers les reposoirs .


A chaque jour mon lot d'inconsolations,entre le vertige de vouloir disparaître et celui de n'avoir pas été .

Charognards que l’anémie a retenu dans leur repaire, les hommes ont en alternance le goût de la chasse et du jeûne, tous deux, lucidités abjectes de leur métier d’être.

Toutes les présences sont exaspérantes quand elles témoignent.

J’attends inféodé que l’abus de mes transparences fassent de moi un homme du troisième rang.

Plus on se mesure à la vie, plus on est agité, et jusqu’à nos verdicts, la perfection insane qui fait salon, se tient dans cette désolante plénitude, parements de nos façons d’être et de nous contenir.

Il y a quelque fièvre à se conduire en homme irrésolu, comme il faut quelque force pour le combattre.

Du dégoût(conscience d’un temps enfiévré par nos tristesses(je retiens sa redoutable pureté et son odeur de paradoxe.

Je cherche l’apaisement dans les alcools et les soporifiques, anticipation d’un cercueil idéal, d’une tombe où fleuriront toutes mes inanités.

Quelque soit mon extravagance, elle est toujours en étiage de cette inféconde nostalgie, où j’ai placé un enfant dans les bras d’une vierge, et moi-même sous une croix.

Chaque jour m’est un Golgotha en friches, et un Ararat en jachères.

Occupé à vivre dans l’entêtement d’une rhétorique de la vulgarité, j’ai préféré les bistros aux églises, et les filles équivoques à celles qui communiaient ,transpercées par nos vulgarités.

Mes agitations, simultanément à mes propos ,me semblent parfois considérées comme les soubresauts d’une matière singulière déplacée dans l’espace par une puissance sans nom, déçue de ne pouvoir s’endormir parmi les astres.

J’ai pris toutes les précautions pour n’avoir pas un jour à déambuler dans un hôpital, sans connaître les malédictions qui m’y auront conduit.

Falsifiés dès nos naissances, nous cherchons dans les yeux des femmes la trace de ce forfait, pour y remédier en adulte gâté, irrévérencieux et impénitent, sans pouvoir réparer les troubles qui les attendrissent.

La tristesse est substance autant que révélation, chacun s’y baigne comme un nageur averti, universel et gnomique, pris sous l’éclairage d’un projecteur qui ne laisse qu’une ombre sur le tableau de ses nuits grisées de mensonges.

Ma solitude, c’est ma santé, et je m’y dégrise dans ses ornières, parmi les églantines et les orties, parmi les odeurs d’une nostalgie outrancière et terriblement ancienne.

Mes générosités s’étendent jusqu’à ces nuits où le seul moyen de plonger dans Dieu est de devenir l’objet de ses convoitises.

Ma conscience s’altère par ces sonates, que la déception a poussé jusqu’à mes oreilles pour m’affliger de la connaissance de toutes les sonorités inconsenties.

Rien que je n’ai désiré des femmes, et qui ne se soit déverser dans mon sang, jusqu’à la dilatation de mon esprit même.

Je n’ai gardé du souvenir de mes gaietés que ce regard sur moi-même, là où il y avait des cordes et des nœuds pour agiter l’air de mes inconsolations.

Dans la pharmacopée du sentiment, l’amour est un antalgique qui pompe au cœur ce qu’il a de fondé, et à l’esprit, ce qu’il aurait voulu grandir.

Je me suis si souvent et si longtemps éloigné de moi, que du non sens de mes élucubrations sont nées ces insanes envies de crever sans larmoyer, et ces voix intérieures qui me guidaient pour m’en rapprocher.

Sans la souffrance avec toutes ses coutures, j’aurais été envieux, de quoi je l’ignore, mais envieux, bien plus qu’à côté de celle-ci.

Dans mon atelier sous les toits, accoutumé au peu d’espace, il me semble que le mourir y serait moins fougueux que si je m’embrasais dans l’éternité des villes.

Me reste encore la vanité, la vanité et ses proximités, comme une suprématie, comme ce que je suis encore capable d’étendre à toutes les architectures de l’esprit, là où il fut question de l’homme.

La plupart de mes préoccupations ont été organiques, et si j’ai centré mes émotions, ce ne fut que pour des vertiges aussi funèbres que lorsqu’on rentre en soi pour y crever proprement.

J’ai parfois considéré l’ennui comme une défaillance de mon corps, ce désenchantement m’a préparé à attendre, mais à attendre quoi ou qui ?

L’envie de ne plus combler les vides de mon existence a pris les formes d’une salacité, prétention absurde à ne plus vouloir vomir que du verbe.

Dans cet automne où mon indigence infléchit jusqu’à ma terreur d’être, je regarde l’existence comme un petit pas vers du néant, comme une vaine occasion, et j’en ris.

N’ayant ni faim ni soif, dans une anémie fantasque, je me débine de toutes les tentations en oeuvrant dans les inepties de la méditation à domicile, et toutes les formes que prend mon corps sont des encouragements à poursuivre ce tourmentage.

Qu’en est-il de l’intelligence quand elle n’est que prétention ou prétendue ?

Mon sérieux est un sérieux d’insomniaque préposé aux somnifères.

Mon désir de gâchis témoigne que tout m’est arrivé gâché.

J’ai la pratique de l’existence douteuse, comme si j’étais né perverti et soucieux.

M’étant jadis appliqué à la réplique, je mets aujourd’hui de l’acharnement à m’en défaire.

Certains de mes mots me reviennent comme d’un pèlerinage, et s’exténuent aussitôt dans le lieu commun.

Plus je me tourne vers hier, plus j’ai conscience que j’ai renoncé à quelques essentiels qui vont de rien au rien.

Combien j’aurais aimé avoir d’indolores émotions, et y sombrer.

Dans l’ascendance de cette fatigue, où toute ma pauvreté apparaîtcomme le seul solde à mon inopérance, me voilà suscitant du sentiment, comme la matière la plus purulente à laquelle je ne veux plus céder.

Intoxiqué par toutes les lucidités qui émanent de l’homme, qui déterminent leur ignoble nature, tous mes actes s’achèvent dans la peur de m’y reconnaître.

Dans le snobisme de l’irréparable apparaît toute ma fatuité, et ma vacance n’est que l’illusion d’un chaos orchestré par mes sens et non pas ma raison.

Même mourir n’entre plus dans mes anticipations, j’aimerais tant atteindre à l’indifférence sans passer par la maladie d’être seul et de le montrer.

Mon inaptitude à l’existence a-t-elle été de mon gré ,ou n’ai-je cherché à légitimer cette fonction que pour avoir un surplus d’égard sur moi-même ?

Avoir raté ma vie et mes suicides, rien que pour ça je me suiciderai.

Affligé ou borné par l’amour, du bercement à la dérive le monde m’apparaît comme un univers de réflexes pornographiques, quand la sensation d’être passe par tout ce qu’il y a de plus en dessous que moi.

La tristesse d’être m’a fait organique, et dans mon sang où se désorganise toute vie, mourir n’est qu’une infatuation de plus.

La maladie m’aura accompli, mes gestes comme mes approximations ne sont plus tournés vers la matière, mais vers cet esprit qui la distingue et s’y fixe.

Ayant abusé des solennités que prodigue la mélancolie, je me suis retrouvé au rang des contagieux, parmi les bannis du sens et de la volupté.

Le seul moyen d’échapper au monde et d’y gangrener ses idées.

Il y a tant d’exercices que je n’ai pas voulu accomplir de peur d’y assécher la beauté.

Né vieux parce que ne voulant pas participer au monde, j’ai tourné mon esprit vers les belles ignorances, et j’en suis resté là, contraint qu’à ne figurer.

Mon orgueil a été le seul adjuvant qui ait détourné de moi tous les soporifiques de la parole et de l’entretien ,et ceci jusqu’à d’infinies profondeurs.

Mes agitations vont du tremblement aux tics, la variété de tous mes soubresauts à quelque façon de descente aux enfers, ou d’un Golgotha bas perché.

J’évoque toujours la fatigue qui m’a fait renoncer, aux objets, à l’amour, aux rencontres, à la connaissance, et si certains
élans m’ont rendu oublieux de ces soustractions, je les ai commis bien plus vers l’intérieur que vers l’extérieur.

Dans les rêveries sans excellence, quand le corps n’est plus d’utilité, nous pouvons comprendre ce que la vie attend comme égarements..

Ma conscience est de l’ordre d’une gêne et d’une ébriété, je veux bien admettre quelques nuances à ce pathos, mais rien de plus.

Dans ce monde où les divinités sont un surplus qui nous rachète de nos états larvaires, y a-t-il assez de prières pour qu’elles nous étreignent ou nous astreignent à les penser ?

L’ennui restera la forme goûteuse des excès, où j’ai regardé mon ignorance comme le seul rapport que j’avais avec le monde.

Sur le sein d’une femme ,la place d’un front constitue le plus doux seuil des enivrements, ou le lieu idéal d’un suicide différé.

Qu’ai-je retenu de ma mesure qui fut en harmonie avec les commentaires que je tins, si ce n’est celui d’avoir ressuscité de la paresse ?

Faut-il que la foi aille toujours vers les hommes ou vers Dieu ?