Au jour le jour 466

Trop prématurément dénaturé par les somnifères et les alcools, les amours mortes trop vite et trop timidement, mon âge est un déchirement entre l’ostentation de ces anomalies et les cachotteries pernicieuses.

Au regard de la mort, la maladie n’est qu’une infime étendu de ce néant érigé en erreur pathologique.

Ce qu’il y a de phénoménal dans la paresse, c’est qu’écrasés par leurs limites, nos corps apparaissent comme des ellipses, comme une géographie trop humaine, qui s’écrit sur la mappemonde des sens dévolus à ne pas nous happer de nos superficialités .

Apparemment tout n’est qu’apparence, et une apparence sans habit d’apparat.

Être oublieux par nécessité, être nécessairement trahi par ses oublis.

Maintenant que souffrir m’apparaît comme septentrional, le mystère de ce même sentiment a des relents d’extrême pourrissement. 

Tout abus de la lucidité nous rend aussi fiévreux que si nous avions traversé des enfers sans prier.

 Nos déficiences s’écrivent dans une juste prose sur des lutins et en sanskrit, et par les formes éthérées des musiques qui n’atteignent aucun de nos sens.

De même que la volupté est un procédé qui nous fixe dans notre corps, les onomatopées de celle ci vont dans un cœur immatériel pour y résonner en hymne funèbre, sous un ciel qui laisse entrevoir les inconsolations liées à chaque note.

Le tout est maladif.


Si la vie était correction, dans ces marges stratifiées où nous avons bercé  nos enfances et tant d’aurores, y aurait-il suffisamment assez de place pour le zéro absolu de notre condition d’être?

La vie n’est qu’une occupation, et plus nous y pensons, plus cette occupation se révèle par ses incessantes nécessités à combler, mais combler quoi ?

L’univers tout entier devrait se prêter à l’exigence de nos décharges.

Qu’y a-t-il dans les yeux des morts qui ne soit du jugement, et que nous rapportons jusqu’à nos  cendres pour un réel contentement ?

Sans la difficulté de devenir, que resterait-il à agrémenter sous toutes les formes que fournit la déception ou le blâme, et qui n’ait rien à voir avec  cette abjecte lucidité de la mort.

Tant il m’a été aisé de mourir un peu chaque jour, tant il m’est difficile de crever sur le champ !

L’art n’est qu’aux lieux où nous le plaçons, et seuls sont qui sont encore avides de lyrisme ou de feintise se dispensent d’y voir l’agonie d’un monde qui n’a su se soustraire à ses neurasthénies.

Lire, c’est cesser dans l’instant d’intercéder auprès de quiconque, pour errer dans l’insupportable dit des  menteurs et empoisonneurs de métier.

C’est la schizophrénie qui m’a contraint à regarder l’enfer comme le positivisme des ignorances, et dans l’élévation que dispense le manque de savoir faire, une suprême inféodation, une suprême suprématie.

Ma place entre l’empressement et l’attachement est un terre plein où manquent la légitimité des distances et l’épreuve de ses exclusivités.

Toutes les tromperies sont idéales quand elles émanent de la demande.

Dans cette casemate, cet ergastule où je vis comme un reclus, pressé par les épreuves que je me suis infligées, il y a tant de borborygmes qui ses substituent à mes mots, tant d’interjections qui précèdent ma parole, que je ne sais plus si je suis tout entier dirigé vers la rage ou la discrétion.

Vouloir vivre petit sans rien agrandir.



Quand autour de moi fleurit le désert, par les voix rapprochées des divinités initiales, j’entends pousser et croître la mélancolie comme une fleur poignante de sel et de sang.

La joie est le berceau de grossières utopies ; que viennent les tristesses où s’accomplit la commune mesure de tous les dispositifs exempts d’enfantillage.

Ne parle qu'à toi même quand tu es un autre, et quand tu es un autre fuis le!

La vie dégradée par toutes les abstractions qu'on met dans dieu ou dans la matière, se raréfie pour n'être plus qu'un noyau, quand de nos prières, nous ne tirons que du néant.

Le spectacle de l'existence s'accomplit-il sous les yeux d'un dieu jeté dans les absolus du paraître.

La timidité se nourrit des extases secrètes, dans l'extrême insalubrité des lieux où la parole n'est plus circonstanciée que par ses propres instances.

La mort fermente jusqu'aux extinctions.

Tant s'étend le mourir, que les hommes ne savent plus où se coucher pour la considérer comme le dernier élan d'un dieu tourmenté par ses lucidités.

Le temps est organique, il est autant plaisir que souffrance, d’où tant de faux d’enseignements.

Conscient que les confessions tombent sous le sens de la vie, y a t-il un niveau où tentés par le plus absolu des sacrets, nous puissions construire entre la vérité et le mensonge un espace sans but.

Mourir a le goût d’un vivre affecté par toutes les purulences des vaines désolations.

J’ai tant pratiqué l’idée du suicide, que je ne sais plus vers quelle forme de douleur me tourner, pour échapper à l’enfer des extinctions sans charme.


Que sommes nous, et que l’amour n’a pas oublié dans les latrines de l’âme ?
 
Inébranlablement triste, mais cela est-il avouable ?

Être lucide tient de la zoologie, du primitivisme, et de cette lourde volonté qui va du sexe au cerveau en s’appuyant sur nos glandes, sans perdre la raideur des premières tromperies.

On meurt plus facilement en esprit qu’en corps, l’ivresse de voir cette clarté est une ivresse que l’inconsolation rend d’autant plus douloureuse qu’elle ne peut nous tromper.

A voir les choses et les êtres tels qu’ils sont, on entre dans la crépusculaire redondance des enseignements grotesques.

Mon vide est chargé de ces palpitations élevées au rang d’extase.

Mon ennui aura été la forme prolongée de cette connaissance où s’est dévitalisé l’homme, où se sont insoumis le singe et sa tribu.

Mon penchant pour l’alcool et les somnifères est de l’ordre d’une érotisation d’un corps qui se situe toujours entre la gloutonnerie et l’inertie.

Le çà en vaut-il la peine ?

Tout ce qui m’a échu a constitué un cruel secret, dont j’ai été le dépositaire vicieux et atterré.

Dans cette cathédrale de chair où brûlent les âpres parfums de la connaissance de dieu, qu’est ce qui passe par l’âme et tire à lui sa part de nuit et de symbole ?


Tous les accords me sont restés cachés, m’auraient ils été destinés que je n’aurais su y voir que des contres et des méprises, le tout comme une hémorragie d’avantages.

Sachant qu’un terme m’échoit, ma dimension d’être n’aura résidé que dans la préparation de rester impuni.

L’amour n’aura pas été une de mes consolations, j’y ai trop vu le poison des intenses perditions, des assujettissements, pour ne pas en espacer tous ses déserts de faux absolu.

Entre l’ennui et l’absence, j’ai eu assez de profondeur pour y couler des jours de téméraire et des jours de pleutre.

Par trop insubmersible, l’homme cherche dans l’éternité un endroit où émerger avec l’intervention d’un dieu qui se serait sauvé de la noyade.

Je me suis dépourvu des conforts de la parole pour les écrasantes insuffisances du silence.

La bêtise nous réduit toujours à ces basses trivialités qui sont l’en soi de cet autre qui geint ou agonise.

Dieu aurait dû songer à creuser sa tombe dans une sablière.


Tel fait l’aveu de la plus extrême des idioties, et s’éloigne dans le faux semblant d’une force, acculé dans la terreur de ses réflexions obscènes.

Tous les jours me sont si incomplets, qu’en me projetant dans la matière même d’être, il me semble que je sois intoxiqué par un demain déjà en flammes, et un passé avec ses peurs ancestrales.

La santé serait une forme d’intelligence que les biens portants se mettraient à roter comme des gorets.

L’idée même d’avoir manqué tant d’occasions m’amène à l’idée de n’en point parler.

 Ne parle de toi-même que lorsque tu es un autre, et lorsque tu es un autre, fuis le !

Souffrir est la seule et exacte correction qui nous a été donnée, comme l’entretien le plus juste avec ce que la vie a inventé d’implacable, la solitude et la mort.

Je m’éteins dans des tristesses dont j’ignore l’objet, peut être sont ce les vaporeux événements de ces jours où je me retourne sur le sommeil de celles qui ne m’ont pas donné de permission et de faveur ?

Ce qui manque à dieu, c’est l’exhibition, elle nous aurait permis de comprendre jusqu’où l’acte d’amour peut conduire sans que nous le considérions comme la profanation d’un corps échoué.

Le suicide repose sur l’idée qu’en pulvérisant son corps le sang s’irise jusqu’aux organes par où on s’est vu narcissique.

Mourir dans le fauteuil d’un psy que j’analyse !

La vie s’aggrave par l’intensité qu’on met à vouloir sourire de nos tristesses, et qu’on a pas su nommer comme telles.

Si las de m’être arrêté sur moi pour y voir celui qui aurait tant aimé s’accorder aux autres sans passer par la parole ou la grâce, toutes deux gesticulations organiques et éthérées !

Lorsque la vie s’apaise par les appendices, monstres ou éros,qui sommes nous, d'entre l'homme la bête ?

La mélancolie est en suspension dans mon sang et y a noué un pacte pour des éternités sans objet.

Tant ma pensée s’accélère que mes mots se chargent de la poussière de toutes les bornes et de tous les péages, de tous les arrêts sublimés dans la déception.

M’étant tant vu autre et autrement, qu’ai-je répandu d’identique à moi sur la fréquence des possibles ?

Je conviens que nulle part ailleurs que dans les cosmogonies de l’âme, la tristesse est cet endroit où Dieu est atterré.

D’une main tenir la bride, et de l’autre fouetter, voilà la vie devenue sensible.

La poésie est souvent faite par ceux qui sont nés déterrés.

Dans la vulgarité de ces bonheurs de privilège, notre condition peut nous apparaître comme un vaste instant entre l’amour et la noyade, entre le dégoût et la conscience de ce dégoût.

La musique est une douleur inachevée, qui de sorte qu’on l’aime se mesure à nos occurrences, nos pauses et nos inconforts.

Parallèlement à l’existence s’accroît en nous une autre nature, qui se situe entres les archipels célestes et les cosmogonies avérées.

Quand j’aime vraiment, mon corps est superflu, et ce que j’aime l’est tout autant.

Plutôt que de m’arracher à ma douleur, de la perdre, j’y ai mis de la frénésie, c’est ainsi que ma paresse de vivre a pris les proportions d’un vide vertical, d’un mausolée clos par une  pierre tombale.

Toutes nos souffrances sont si intermédiaires, qu’elles nous feraient passer dans l’autre monde sans souffrir pour en revenir en adulte gâté.

J’écoute me perdre dans une nostalgie approximative, que mon corps symbolise par des procédés de récupération, de rodages et de poussées.

Gaspilleur de solitude, je m’y suis démené en fanfaron, pour en sortir dans la logique d’un singe exténué par ses propres peurs.