Au jour le jour 462

Au-delà de cette calomnie que tous les plaidoyers n’ont pu effacer, entre autre celle de la naissance, il n’y a rien qui vaille la peine d’être regardé avec les yeux d’un soûlographe.

Je négocie avec moi-même, Dieu parfois intervient et me glisse un missel dans les mains pour me guider dans mes marches forcées.

Il me semble que nous ne faisons plus que dans le commerce, commerce du sentiment, commerce du réel, commerce des origines, et qu’il serait plus aisé de se promener avec des prescriptions sur notre front, ou dans nos paumes, selon les circonstances.

Toutes les fois  où j'ai cru justifier mon existence en écrivant, je me suis aperçu que je manquais de mots,et que et tous les dictionnaires du monde n'auraient pas pu me délivrer le juste vocable pour traduire cette sensation.

La nuit est tant remplie de mes impropres mensonges, que je ne sais plus de quel  côté me tourner pour ne plus me serres contre eux.

La mort sera l'ultime lieu où la vérité n'aura pas honte de se montrer nue.

Ce ne sont pas nos idées vierges qui ne valent rien, ce qui vaut rien c’est nous et notre phénomène.

Mes périodes bleues ont été roses, sales  et noires.

Toutes les amours ont laissé  en moi  une lame saumâtre et indigeste.


Se peut-il que toutes mes inepties représentent autant mes mots que mes gestes et ne me conduisent pas à la ruine ?

A vingt je désirais mourir pour affirmer que je ne pouvais rien résoudre, aujourd’hui j’ajoute à ce précepte que je ne veux rien résoudre.

De quelque côté que j’aille, je me rattrape aussitôt pour m’injurier et le déplorer.

Mes abattements me font porter Dieu jusque dans les latrines où je vomis les prières apprêtées par les assoiffés du sens.

Que toutes nos vies aient été obscures, révèlent combien nous n’avons su voir que ce que nous voulions voir.

J’avance vers des profondeurs où je ne rabâcherai que du comble et de la surface.

Naufragé qui ne coule pas et qui n’échoue sur aucune île, je médis sur l’océan où je dérive que sur la terre où je dérivais tout autant.

Vivre nous amène à nous fréquenter.

Plus je vis ,moins j’espère, du moins je m’espère plus propre ; l’existence est vouée à toutes les chiotteries ,et c’est bien la seule activité que nous n’ayons pas eu à inventer.

Ma tristesse dérive vers cette sénilité qui va au-delà des siècles, au-delà des momies affectées par l’avenir.

Nous n’aurions pas du naître et ne traînerions pas ainsi notre misère sans son escompte et son escorte.

Dans le silence si ancien qu’il est la plus belle occasion de l’être, parfois une tricherie, une seule, et c’est le bruit qui l’emporte, le bruit et le temps.

Comme nos actes sont le double de nos paroles, sabotage et sieste, à quoi puis-je fixer mon désir de reconnaissance si ce n’est à mon corps qui s’ennuie, qui s’ennuie ?

J’occupe une tiédeur détrempée.

Dire, parler, émettre, tous tiennent de l’autopsie et du corbillard.

Chez moi tout est finissant, tout a été finissant, et tant finissant que j’ai fait figure de vieillard, mais de vieillard qui s’éternise..
La curiosité m’a poussé vers l’argot, la roture et les alphabets..

Voilà qu’on assassine ma langue et mon pays, voilà qu’on m’exile une nouvelle fois, voilà qu’on me veut à nouveau dans la colère et le mépris.

Jamais ma gaieté ne m’ a délivré de tout ce que j’ai proféré comme insanités, pour n’avoir pas à souffrir le luxe des vanités.

N’ayant trouvé de sens à rien, comment considérer dès lors que ce rien n’ait jamais été définitif.

N’être pas privé du bonheur de tourner le dos et les talons.

Le moi sujet doit sa prolixité à toutes ces occasions manquées, qui m’ont fait assister à la vie comme à un complément à ma misère.

J’ai fait de tous les modèles de noirceur, des doubles adéquats qui m’ont défait, mais magistralement.

Qu’ai-je obtenu qui m’ait satisfait sans m’atteindre dans ma frayeur de le perdre aussitôt, parce que j’aurais été dans la constance de ne rien vouloir posséder ?

Plus ma vacuité me porte vers la cécité, plus j’ai en évidence que tout ce que j’ai entrepris je l’ai considéré comme l’incarnation même de tous les actes qui soulèvent la question de l’inexistence.

Qu’ai-je attendu qui me fut tant étranger, et m’a mis dans le désespoir d’être vertical et de le rester, si ce ne sont les mots, rien que les mots ?

Dans le n’importe quoi où s’est imposée ma présence, mon irrespirable solitude a ressemblé à ces incendies obligés comme lors des retraites.

Nulle part où poser mon corps sans y voir le corps d’un gisant.


Mes faillites sont nourricières, autant dire que je ne suis rompu que par du détachement et de la métaphore.

Réfléchir à ce vide que la conscience érige en mausolée ou en caveau.

Considérant que l’existence est une des formes les plus parfaites du néant, pourquoi chercherais je à en guérir en y renonçant ?

Je suis comme ce rat pris dans des rets à portée des griffes d’un lion, et qui pour s’en défiler bouffe sa propre chair.
Rendre tout inachevable !

Peut-on sans se défier pousser l’homme dans une honnêteté, sans s’y ruiner par de la privation ?

M’attendrissant sur des bougres dont la moribonderie feinte ou non évoque l’enfer moderne, je me dis que je pourrais être de ceux que la nature affecte jusqu’aux désolations.

Que chacun de mes forfaits ait été un acte de sabotage, m’enchante autant que si j’étais né dans une bergerie, un loup à mes côtés.

Tout saboter, et s’étendre dans un cercueil en affranchi.


Impossible d’échapper à cette prescience qui est à l’avenir ce que l’exagération est à la litote.

Vivre en troglodyte dans la répugnance de toutes les institutions qui sont la pègre des possibles.

Affectés dès et par notre naissance par l’espoir, notre immédiateté, nos instants se situent entre la colère et le despotisme.

Ayant longtemps fréquenté des roulures que le verbe élevait jusqu’aux dimensions de l’ineffable, j’ai aujourd’hui une dévotion pour les monologues.

Mes prières sont les fondations que j’élève seul et que seul j’entends.

Dans cette pensée qui s’impose comme une saine sécrétion du cerveau, tant de déchet et tant de sanie, que quel que soit son but ou sa circonstance, je la compare à un crachat d’avant l’asphyxie.

L’émotion est la seule forme d’infirmité que je ne peux exploiter sans vaciller.

Tel bavarde comme un infirme après l’examen, et sa parole relève autant la dégueulasserie de ses exanguités que le cancer qui le déprécie.

Excessif que soutiennent les mots et leur virtualité, je doute aboutir à autre chose qu’à l’arrogance ou à la misanthropie, en causant sur leurs habitudes.


Méditant pour me raccrocher à une réalité que je vais ou veux m’inventer sans l’avoir invitée, je pousse ma prière vers le prétexte..

Être le premier ou le dernier des hommes ne me concerne pas, je cherche à m’exténuer d’une façon qui doit autant à la pause qu’à l’effondrement…

L’homme a toujours tous les torts et ne peux s’en passer…

Ma vie vaut par sa hâte et ses marches forcées vers l’intervention…

J’ai tant le sentiment que tout est insignifiant, que réaliser me semble surgir d’un néolithisme où l’on ne justifiait rien…

Mes imitations sont mes excès et mes dérèglements, chacun de mes mouvements est un faux mouvement, je ne maîtrise ni ma mémoire ni ma conscience ;j’ai le sentiment de fonctionner, et tout est justifié…

Dépossédés, n’ayant plus pour vivre que ce tournis propre aux manques d’occasions, nous voici excédés par tout et tous, et nous ruinant dans des éternités de stratagèmes…

Toutes les conversations suscitent en moi un mépris pour la parole que je définis comme une de mes clairvoyances.

Je n’ai aucun prétexte pour espérer, et si je le fais, c’est uniquement pour me jeter dans les irrésolutions.

Heureux celui qui fait dans la fulgurance et ne se rapproche de Dieu qu’en contestataire.

Parfois des heures durant, je contrains ma conscience à s’établir dans un passé immédiat, où toute altérité traduisait l’incessant questionnement sur l’être et sur l’oubli.

Dans la fatigue je suis saisi d’une vigueur abstraite, soustraite au corps et qui multiplie mes soustractions d’âme.

Lorsque tout me devient semblable, je cherche à piétiner cet être qui ne supporte plus mes façons d’espiègle.

Mes ivresses sont douloureuses, je m’y débats dans trop de moi, et tel un singe exténué, je m’agrippe aux barreaux en y usant mes gencives.

Le hasard est la collaboration entre ce que nous nommons un désir originel et un aujourd’hui scellé de pactes.
La solitude nous fait idéalement penseur ou pausé.

Je tourne en rond et sans bouger, sans déplacer un seul de mes gonds, sans cette aisance que donne l’affirmation ou l’index pointé.

Sitôt qu’on s’oriente vers la vérité, on a beau changer de sens, elle est toujours au bout de quelque chose, voire au devant de soi…

Perplexe dès ma naissance et sur cette même naissance, mon obsession de la création régit jusqu’à mes chiotteries…

Tant d’élans faits pour trouver cet équilibre qui ne doit rien à la marche, ni au sautes, pas même à cette inaptitude à se secouer..

Être dans la veine d’une intarissable stérilité…


Malheur à ceux qui sont revenus de tout sans en avoir été dignes…

Dans ces enfers malgré tout tolérables, mon mysticisme m’apparaît comme la lâche volonté de me déchoir petitement…

Méditant pour me raccrocher à une réalité que je vais ou veux m’inventer sans l’avoir invitée, je pousse ma prière vers le prétexte..

Être le premier ou le dernier des hommes ne me concerne pas, je cherche à m’exténuer d’une façon qui doit autant à la pause qu’à l’effondrement…

L’homme a toujours tous les torts et ne peux s’en passer…

Ma vie vaut par sa hâte et ses marches forcées vers l’intervention…

Quand je n’ai plus d’ennui ,je consomme de la religion, cette pénible remontée vers l’homme, sur des Golgothas dessinés entre les calvaires bleuis par les hostilités.

Mes agacements commencent par toutes les affections que j’aimerais porter vers les autres, et finissent dans la forme évoluée qui se détache de moi par l’excès des accords et des efforts consentis.

De tous les mondes colorés que je conçois dans mes rêveries, je retiens le nôtre pour la somme des pleurs qu’il m’oblige à verser dans la poussière des routes qui m’y mènent sans qu’elle se déverse dans mon sang.

Mes mouvements sont des ostentations de désespéré, qu’une douleur sans fond pousse vers les remparts et les rambardes.Tout ce qui est, s’abîme dans la méconnaissance de nos dilutions.

Au large de toutes mes nostalgies, j’erre en désolé, comme si je n’avais aucun indice pour me mettre sur la piste des veilles où je défeuillais mes paniques.

Invasion d’un temps qui pèse dans mon corps, j’ai le sentiment qu’une substance abjecte me détourne de la bienveillance, et que ma sécurité cache une omniprésence de l’ennui.

Quand le ciel s’épaissit, et qu’à la lecture des nuages je devine les invasions de la pluie, je pose mon front contre la vitre, et tel un gisant, je ne pense à rien qui ne soit à égale distance de Dieu et de la mort.

La moindre des étapes de ma vie a été une permission.

Que ne me suis-je révélé moins douloureux, moins abasourdi par les logiques du malheur, par mes prétentions à y voir les encouragements d’une nature qui cherche à progresser à travers moi jusqu’aux difformités originelles.

Mes sensations sont ces agitations que la proximité des hommes a rendues possibles parce que je les ai eus en égard.

Il se peut qu’avec tous mes somnifères je n’ai cherché qu’à endormir ma conscience de l’humain.Le plus douloureux des mondes ne peut être que celui là.

La vie ne peut être qu’une expérience étendue en toutes choses ,en tous lieux et de tous les instants, une expérience ruineuse et mal accomplie, mais une expérience.

Dans ces nuits où la substance même de vivre vire à l’hallucination, mes sentiments rejoignent des espaces plus funèbres que toutes mes solitudes, celles où je me suis apparenté à de la forme.

Dans cette chambre sans décor, plus aucune nuance dans l’obscurité, tout est si noir qu’on dirait que la plus ignoble des vérités s’est arrêtée là.

Pourrais je comme compensation à ce naufrage, échouer sur une île moins immense que mon chagrin ?

Tant elle était prestigieuse ma solitude, tant elle est devenue la seule excuse pour devenir fou ou faux.

Mes agitations, des pulsations à la marche ,sont de curieux gestes apurés d’hostilité, et qui supportent mal l’oscillation d’un monde épris d’épreuves.

Dans ces heures où le repos est un intérieur incomplet et impalpable, mon sang exprime les promiscuités de tous les éléments qui m’affectent et m’obligent aux basses expériences de l’existence.