Au jour le jour 460

Si je ne m’étais étendu tant et tant, comment pourrais je répugner à la parole, comment pourrais je chercher à cette langue, si je ne l’avais déjà quittée..

Tout ce qui est profond nous donne le sentiment d’avoir atteint un but, d’avoir trouvé, mais d’avoir touché à quel but, et d’avoir trouvé quoi !.

L’intensité de mes silences est mesurée par l’arrogance de mes propos, si je parlais davantage, je ne pourrais qu’encore fanfaronner, toucher à l’exécrable.

Tout ce qui dure n’est que trop étendu, combien j’aime le laps qui est le meilleur du temps compté, autant du regret que du soupir.

Il suffit de souffrir pour se justifier, pour tout justifier.

Mes articulations craquent autant que mes sentiments, je ne peux ni aboutir à une idée, pas plus qu’à un amour sans me détériorer, sans m’apitoyer sur cette part de moi qui n’en finit pas de s’exténuer.

Je suis et resterai un transfuge du bonheur, à quoi bon quitter le meilleur de mes désastres pour m’alourdir d’une autre souffrance qui ne serait pas à mon goût.

Toutes les putréfactions n'ont pas eu pour objet de me porter à croire qu'un morveux vivait en moi qu'un saboteur s'y logeait.

Palpitent encore ici ce qu'il me reste de santé et de rancœur, pour commettre l'impensable avec des mots et des idées.

Face à l'absolu, qui suis-je? Un insecte ou un excrément, cette seconde qui s'épuise sur le cadran, ou une vaste déception creusée en un corps aussi vaste, je l'ignore, mais ce que je sais, je le dois à mes déceptions et à mes épuisements.

Tout m'échappe, comme si pétrifié dans un corps d'où n'émerge que sa propre connaissance, il me fallait une immense déception pour épaissir jusqu'à mon sang.

Dans cette contenance, celle où ma vie patauge, parfois j’atteins au sublime de la noyade, c'est là que respirer me réveille à toutes les fadaises du submergé.

Qu'ai-je goûté qui ne fut pas une illusion m'ayant racheté du sens de la vie ?

Être, c’est jouer au phénomène.

Entre le baiser de Judas et le baiser de Pierre,la dilution des mots, de tous les mots.

Inutile de rajouter que le tout n'a pas mes pulsations.

J"ai sacrifié aux bavardages toutes les faveurs que la parole m'avait faites lorsque je m'y projetais.

Toutes les évidences ne sont pas bonnes à contourner, je ne m'étonne pas aujourd'hui, de n'être éclairé que par les désavantages de mes luxes écartés.

Combien j'ai détonné dans le mot "mort", combien j'ai rôdé autour du suicide, autant en voyeur qu'en renégat.

Si je devais être spontané, je ne me servirais que du mot foutre

Mon devoir est de me contenir, c'est un attentat à mon encontre, une déformation qui me rappelle à l'ordre, lequel je l'ignore, mais à l'ordre.

Une des variantes de ma révolte est le silence, plus j'y réfléchis, plus je me mets à douter de ses capacités à m'instruire de moi-même.

Ma fatigue date, combien j'aimerais qu'elle me réhabilite aux yeux de tous ceux qui ne veulent plus l'excuser.

J'expie je ne sais quelle faute, dans  ces espaces où je réduis l'amour à de la consommation et la consommation à de la liturgie alcoolique.

Je confirme n'avoir voulu nuire à quiconque,que mon corps ait mis tant de vigueur à le faire, ne prouve en rien que j'y ai consenti par désenchantement.

Mon existence m'apparaît comme un surmenage,mais mon activité me rapproche si peu des hommes,qu'elle me semble de l'ordre du commerce,un marchandage entre une économie de sentiments et de bienséances.

Je sens que j'ai perdu,perdu quoi,je l'ignore,mais perdu,peut être sur moi tout simplement.

Aux frontières de la transparence le pire peut encore advenir.

Toutes mes suffisances ont été dans la logique d'une contagion que je n'ai pu corriger qu'en me dissociant des hommes,c"est de là que m'est venu le sentiment d"une brouille que j'ai orchestrée en vain.

Dans mes nuits d'insomnie,ce qui me terrifie le plus,c'est le nombre des nuits d'insomnie que je prends en compte,pour déroger à de funèbres veilles.


Est-il besoin de pousser nos impudeurs jusque dans l'attirail des forces aveugles qui nous dirigent vers l'amour ou le néant?

Au dessus de toutes mes révoltes planent toutes mes désespérances,entre la terreur de m'y résoudre et celle de m'y absoudre.

Combien nous avons glissé sur de la lucidité,et combien nous en sommes revenus pour nous perdre ailleurs que dans ses culs de basses fosses...

Manquent à la vie de la distinction,toutes les distinctions .

Rien ne se résume mieux que l'unité,c'est aux côtés de cette présence que ma vie s'est ourlée de décompositions.

Je n'ai jamais tiré parti de l'homme,c'est bien assez de l'avoir remarqué.

Rien de ce qui m'a été insupportable n'a été ennuyeux,seul le cœur,parfois,avec ses fumisteries et ses perditions s'est substitué à mes avancements.

Parfois dans mon sang une substance s’enclenche,un précipité de nausée et d'abjection,et tant tout y progresse,que mon sourire s'aggrave,que mes os virent à de la pourriture,me voilà expliqué...

Malade de tous les crépuscules de l’être,autant que de ceux du Devenir.

C"est de la souffrance que nous descendons,de la souffrance comme l'ultime forme d’élévation ou d'insolution.

Combien j"aurais voulu que de mes ancêtres anoblis,je garde le goût du sang triste et celui de l'épieu.

La pitié est la forme congestionnée du pardon.

La logique a cela d’insupportable, elle vient toujours dans la bouche de  ceux qui rajoutent de  la signification à leur abondance de paroles.

Je lis et je relis une lettre que m'adresse D, des mots, dont tout une couturée d'ancienneté subie, manque juste la légère musique de ce qui nous étranglera.

J’ai pris un arrangement avec la vie, je laisse le temps de côté-là où il occupera tout le terrain, une fois occupé, j’y accéderai avec dans mes mains un filet et une machette pour sarcler mes ennemis.

Le zéro absolu est-il  inaccessible aux clandestins de la raison ?

Je me rassure en me disant que j’ai réussi à  éviter bien des catastrophes dont celles d’exister, dans toutes les réductions qui m’obligeaient autant à disparaître qu’à grandir.

Vivre est un crime obligé.

Toute douleur éblouit, une douleur qui n’est pas signe d’émerveillement tient du charlatanisme.

A quoi bon encenser l’homme, chacun de ses actes tient du discrédit, autant celui de la matière que de Dieu.

A l’égal de tous c’est ce misérabilisme qui m’indispose, et que je formule comme un silence, en fait ma lie.

Vivre, c’est se différer.

En prise avec mon âme et mon statut de mortel, Dieu, quelle merde, et quelle fanfaronnade.

Ménageons Dieu de peur qu’il ne se venge en nous faisant bosser dans ses latrines.

Je sombrerai avec et dans le réel, n’ayant pu m’y établir, c'est-à-dire me ranger parmi les comédiens, les comparses et les souffleurs.

La réussite est une option que je ne prendrai pas de peur de me voir juché sur une estrade.

Un événement c’est du temps qu’on place et qu’on déplace, un grade de plus sur l’échelle de l’avenir, bref c’est une anomalie pour les mémoires à venir.

Dans le choix immense d’exister, Dieu a surgi entre deux pôles, le chemin des haines et celui des abandons.

Au faîte de mes soûleries, je prie, et mes prières sont de cet esthétisme qui a fait élever des cathédrales et construire des cachots.

Dans ces désirs immédiats dont se nourrit ma conscience, il y a toute l’énergie d’un désespéré incapable de mesurer ses propres abstractions.

Tant tout me semble vain, que même la musique m’est une source d’épuisement, entre la vulgarité et la prosternation.

Quoique je fasse, je le fais pour approfondir les gouffres dans lesquels j’élargis mes insomnies en m’y logeant verticalement.

Seuls les actes, dont l’immensité relève de la perfection, me permettent de dire que j’ai regardé l’homme par le haut, et ne m’en suis écarté que par la fatigue du voir.

La solitude est cette forme d’expiation que la douleur tangible tant elle a puisé dans la terreur d’être, une définition à la mesure des ses ambitions.

Toutes les musiques, si on les comprend, sourdent de ce besoin extrême d’épanchement.

Je ne me consolerai jamais d’exister autour d’un vide que j’ai construit pour pouvoir respirer seul et comme un idiot.