Au jour le jour 435

Je vous ai connue les paumes ouvertes dans le discernement de me dire oui, et s’élaboraient alors en moi des desseins qu’il ne fallut pas prendre à la légère, c’est ce que je fis. Le premier qui souffle sur la bougie éteint l’amour, celui qui passe par la bouche, le sexe, à ne rien vouloir faire de plus que de ne parler, nous ne nous parlâmes plus, rien de moins bornés que ces distances, ces silences, comme au sortir d’une forêt on voit  la prairie blanche sans nulle trace de pas, puis vint un nouvel élan pour d’autres déséquilibres que vous n’acceptâtes plus, la suite je vous l’écrirai avec votre poids de vie pesant sur la mienne, lourdement.

Le bruit que fait la vie est toujours devancé par un autre bruit, il ne faut pas confondre les deux, le premier est un rire, une humeur, un écran de cinéma, le second est moins effectif, moins perceptible, il vient de la prudence à dire, à parler, ceci procède d’une enfance comme on ne suppose qu’il n’en existe qu’une seule, la mienne avait déjà la moiteur du désespoir. C’est à l’intérieur de celle-ci que vous auriez dû fouiller, mettre l’épaisseur de la vôtre, votre visage de jeune fille m’aurait rendu  à plus de grâce, moins d’apparences, moins de fanfaronnades, mais vieillir n’est pas provisoire, on vieillit comme on a vécu, seul dans la cure est la crue des jours.


C’est une fille de manège et de carrefour, qui se fend d’envoyer des lettres obscènes à ses favoris qui sont des mécaniques huilées comme des tiges de jonc ;quand passe au ciel un air d’orchestre des oies cousues d’habit d’or; elle attaque les coquins avec ses pas de danse et à grands coups de seau et d’usage; qui vont de la parole au rubis; elle leur fait le coup de la chienne rompue qui passe sous les fouets sans que son échine n’en retienne rien; puis solennelle; pas abattue; elle qui entend la musique comme une voix sacrée divine pleine d’anthracite et d’éclaircies  s’endort quand passe la fête douloureusement, petite dans les commentaires des inconstants...


Jamais je n’oublierai la forme de cette femme qui mit ses meubles dans la lumière des lampes tristes avec un talent et une précision inégalés, d’une consultation avec la mort elle garde en mémoire le son qu’elle rendit aux cloches sylvestres faites de plomb et d’airain, son qui chaque samedi dans les villages claquait comme un drapeau au vent, c’est ce que prenait en compte un abbé souabe qui raisonnait sur tout,  en particulier sur une jeune fille faisant le ménage avant de se suicider dans un naos ,m’apparaît comme déraisonnable cet acte inquiétant aussi parce que les hommes qui sont à l’aile gauche pourraient en faire tout autant une fois la maladie arrivée, à la frontière le droit fut en retard sur la bonne heure de se signaler par ses déclinaisons, n’oublions pas que c’est un gourmand plein de pouvoir qui rend au roi franc des objets qu’il aurait voulu garder avant de monter sur scène pour des extravagances et de les lancer à la face d’un ange grec qui n’est pas venu sur le plateau pour s’approprier des récompenses sans numérotation, moi-même qui décida un jour de l’arrêt des contacts, je n’ai connu personne qui aurait aimé emménager dans ces lieux pour y jouer du pipeau ou du fifrelin…

On s' accroche sans être cru et sûr à ses positions, ses attitudes distanciées qui ont bonne réputation, et l'on est dans une enceinte d'eau salée,  attaché à ses  idées d'endettement et d'auxiliaire, dans la demie route qui va de la nonchalance à la guerre, du repos à la parenté ; assez blagué, la physique de l'existence est imbuvable dans les bordels de nuit où l’on suspend les fruits secs de ses entrailles dans ce qui nous  a empêché d'exceller, il a bien un indice qui pourrait vous laisser ébahi, mais vous oubliez qu'il figure à votre propre face comme une interjection sans lieu et sans lien avec le mot, aussi toutes les dépendances s’achèvent  sèchement et laissent un peu partout un goût du rebut.

Terminer sa carrière sur une promesse d'achat, une trésorerie d’étoiles, un Kleenex ouvragé, assurément la vie a du bon et des  fonds, si on y réfléchit sans inspirer ,sans aspérité, on perd  pied, on s’éparpille,on étouffe, on est lascif, médiocre, on boit des jus passés de mode, on s'imprime sur le corps son image de salaud qu'on regrettera, on va à des rendez-vous, aux lisières rencontrer des bêtes dans leurs saloperies de remugles, en robe de prêtre et qui prêchent avec une flûte en bouche, ça n'est pas vital mais ça évite le surmenage, alors on s’ introduit dans un petit écran  ou sur une toile d'un mètre carré, on y pose en  gentilhomme, ça fait un portrait charmant que regarderont ceux qui sont défraîchis à leur extrême limite, puis vient un bain d’huile et on y plonge.



C’est par les mots , en eux, sous leur domination que je vous écris ,que je me mets dans le  plaisir à vous les faire parvenir. Tempétueux , tendre ou méconnaissable mon vocabulaire m’ordonne de trembler ,de me taire, d’émécher mes cheveux afin que vous reteniez que si je mentais ,je mentais vrai...Aux antiques accidents de ma singularité ,j’ai adjoint l’excessive impuissance de vouloir faire deux choses à la fois, et mes époumonements,  cette époque de ma fausse liberté, me sont devenus une vieille fille glabre qui a des attitudes de vierge qui ne se signe plus, impure tant de se gausser de mes inepties.


Qu’elle chante avec ses justes couleurs n’est plus de mes conditions, il me semble m’être transporté dans un corps étranger dévolu à de faux charmes, que des femmes exagèrent pour me mettre dans leur lit. Mais lorsque l’amour travaille à dénoncer nos enfances ,qui ne serait malade de ce même amour qu’il faut renverser, piétiner, cracher sur sa froide dépouille ,pour qu’il serve à nos constructions nouvelles.Je suis né du temps où j'étais fait pour l'existence ,vinrent les sciences, de la capacité, un savoir, quelque coutelas aussi dans les poches pour souligner des infamies. Ce temps-là venait à mes fenêtres dans les limites exactes du jour et de la nuit, je les tenais pour une digestion élaborée puis de l'âge n'est venu, humide ,gras, pressé,impalpable, l'homme qui se voulait œuvre de bien et de chair n'est pas un  indigent qui accumule de savantes horlogeries.

Dans l’église avec ses canons liturgiques, ses canaux toutes en saintes images peints sur les arcs et les ogives bouillonnantes d’ocre et de violet, elle apparaît. D’autres l’ont attendue pour la regarder renaître, tant elle est le témoin muet de tout un siècle de vertiges et de détresses, confirmée dans sa robe de communiante pour une procession sans fin, plus précieuse que tous les ornements. Si sa forme avait quelque chose à voir avec mes liturgies, je serais resté parmi les hommes pour l’observer ,l’écouter ,l’entendre de sa voix spectrale prononcer des évangiles inventées, mais voilà, j’ai appris qu’elle ne se déchaussait ,ni ne se dévêtait dans aucun lieu, et cela ne me sied pas , aussi je reste avec ma colonne droite et abrupte à mouvoir le grand cercle de mes paupières loin de ses aréoles, et je sais quand alentour l’incendie gagnera sur la nef et nos déambulations, je n’irai pas à sa rescousse, c’est là ma sagesse, et ma vie entière s’arrêtera à ce moment, prise entre l’or rougeoyant du brasier et celui de mes funestes prières…

La misérable, la purulente, la vaniteuse a encore des joyaux qui rendent convulsifs ceux qui s’en approchent. Dans ces jours de septembre où ma compagnie n’est plus appréciable que pour mes renoncements à disparaître de sa vue, elle sollicite des baisers à des insuffisants respirateurs qui ont de la bouillie en bouche, mes manières sont pour elle des étranglements, des collets, des rets d’où elle veut se soustraire pour aller à l’enseignement de la corde et du garrot, soit, mais qu’elle sache qu’en mes profondeurs muettes, j’ai encore des mutineries, des arbalètes, des saintetés pareilles à ses misérabilismes, alors qu’elle reste dans ses positions outrancières, dans ses tourbillonnantes grandiloquences, ses facondes de ramier déplumé, moi je garde ma rudesse et mes alois pour n’être pas le portefaix de ses lassitudes et tel un christ las , furieux, je ne prierai aucun père de me mettre hors du péril des hommes, c’est là mon seul artifice…