Au jour le jour 411
Je le dis une fois encore, votre froide douceur comme une affaire qui ne sera pas conclue me mettait de bonnes partitions entre les mains, cette douceur venait de loin, peut être de vos dix ans quand senestre fut obligée à dextre, cela est douleur, elle revint dans un temps plus avancé et vous mit dans l’avantage de ceux qui vont grandir en de grands terroirs. Vous étiez dans la certitude que je serai aussi de ce cru, vous cherchiez quelqu’un de raisonnable, ma raison fut toujours mal accompagnée, un peu de trouble à mes basques, un peu de nébulosité dans la cervelle, et puis tant de changements de température, cela ne vous alla plus, j’en suis resté là. J’ai souvenir d’avoir toujours eu des rendez vous avec la tristesse, c’est elle qui me seconde, une parité en somme, couple idéal, devenir un homme c’eût été pour moi de boiter, c’est devenir personne, quiconque, je vais porter plainte contre celui que je deviens…
Je me suis gonflé de votre amour, vous me nourrissiez, c’était votre gloriole, le monde était dans du froissement, nous fermions les yeux sur tant d’impudeurs et d’ignominies, ce que je voulais, c’était de rester à vos musiques savantes, à vos timbres, en fait, rien qu’à vous écouter, j’étais dans la certitude, certes parfois hésitante et chancelante, de notre durée, j’oubliais par trop fréquemment mon austérité, ma fatuité, mes substances perfectibles que je ne voulus jamais perfectionner. L’amour est science, est une région haute du cerveau qui se couvre d’étoles et d’étoiles dans les moments où il faut, lorsqu’on les oublie, les unes deviennent sales, les autres meurent de ne pas avoir été vues et acquiescées. Et puis il y eut toutes ces séances de semaine débutante lorsque je prenais le train, un peu en soutane noire, un peu en soute noire, je poursuis encore ce train avec une entorse au pied gauche jeté contre les butées de mon propre corps.
Le premier qui tombe entraîne l’autre dans sa chute, prince halluciné jeté dans un enfer une émeraude à son front, c’est ainsi que je me figurais, je me suis refusé à l’admettre, mais il s’agissait d’arriver à mon chevet dans une bonne constitution, j’ai beau eu le vouloir, je n’y parvins pas, mécontentement et déséquilibre m’y attendaient, on a beau faire le malin, serrer des mains, se mouvoir, avoir de la réussite plein les pattes, la folie est toujours au bout comme lorsqu’on emmène une bête à l’abattoir, ou lorsqu’on est égaré dans une foret et qu’il n’y a plus de sente à suivre, jusqu’où doit on alors repousser cet enfant endormi dans ses entrailles. Après il y a d’obscurs travaux à faire pour rallumer des mèches, combler des brèches, recoller les morceaux, la paresse mise triplement sur notre état larvaire, à raison d’ailleurs, parce que je suis resté dans mes assisses dans l’attente d’un jugement plus haut avec dans les mains des miettes à partager.
Et puis j’ai fait intervenir Dieu dans mes prières, vous savez celui qui est autant dans la valise que dans le voyage, dans un grand reposoir, vaste foutoir du ciel, dans chaque objet, chaque mot, chaque étreinte, me suis tourné vers lui, quelle imbécillité puisqu’il est partout, nul besoin de bouger quoi que ce soit, je l’ai vu boudiné de poussière et de lumière, de mauvaise entregent, l’entretien fut bref, insulte à ma face devenue plus radieuse, enfin un hors de course, une autre fois encore alors que j’étais dans une église à vouloir piquer du cierge, je me vis petit et mal protégé, élevé par des morts dans le miracle d’être en vie et qui l’ignoraient, c’était donc ça que de vivre, assister à son existence du début à la fin, n’en rien présager, tout oublier ou s’en souvenir, dans les minutes qui suivirent j’étais accolé au bar, je voulais sentir ma carcasse s’ébranler, c’est ce qui advint, j’étais en renaissance.
Comme la vie à la pierre
Touche au fond de nous même
La ruine est le silence
Vermeil de nos nuits
Chacun poursuit vaincu
Un nuage à la mer
Qui a son origine
Aux dianes éclatantes
Pâture est mon pays
Et pâture est ma vie
Exil est ma naissance
A cet arbre qui tombe
Qui n’est pas défini
En orbes et en ramées
Comme dans d’autres pays
Et toute cette peine bue
Auprès de ceux qui rêvent
D’un parent idéal
D’un ami de piété
N’auront commis que d’être
Entre le crime indigne
Et sa belle élégance
Que de rester en veille
Pour voir dans les distances
L’éclair et l’étincelle
D’un mort né sous la cendre…
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On ne fait plus l’effort
De tremper à la feuille
Sa fatigue d’être né
Comme un linge en linceul
Et cette bête fiévreuse
Qu’on pourrait emporter
Dans sa vaste demeure
N’est plus même distinguée
Au mourir d’être blanche
Elle se consume et tord
Ses infects boyaux
En de noirs soubresauts
De la couleur des lices
Et de celles des arènes
Quand l’homme s’est empressé
D’y adjoindre sa peine
Avec ses lourds témoins
Antiennes sur un écran
Où sont les prismes morts
D’un corps adolescent
Contre les palissades
Point de vie qui pétille
Comme un soleil masqué
Qui manquerait de vie
Et tout l’or froid des orgues
A nos grandes figures
N’est plus qu’un motet triste
Venu de la ramure
Où des oiseaux crépus
Jettent dans le feuillage
Nos gloires plus anciennes
Que tous les anciens âges..
Et de songer encore
A vivre de l’amour
Dans la lumière bleue
D’une chambre où respirer
Est un ordre nouveau
Dans le charme et l’attrait
C’est dire à son aimée
Qu’il n’est plus de ces peurs
Pour ce qui nous advint
En guise de langueur
Et qu’au cher renouveau
Où va la vie recluse
Il y a un regard
Où l’on sera admis
Aux hautes récompenses
De se savoir compris
Et d’origine neuve
Un corps nous échoit
Comme de noble matière
Pour de nouveaux ébats
Où rêver est plus juste
Que cette paix mouvante
Qui va d’un front pommé
A une main tremblante
Puis aux saisons menues
Avec leurs croches pâles
Nous voici contenu
Comme pour ne plus nommer
Ni la peur ni la mort
Pas plus que le regret
Prends garde de ne dormir
A ta vie amoureuse
Elle se découd toujours
A hauteur de la barbe
Et l’ange consciencieux
Qui parle par ta bouche
N’est rien au grand regard
Qui arrive des cieux
Car plombé à ta gauche
Par un corps désastreux
Ton cœur nu s’époumone
A corrompre l’adieu
Et de ne rien comprendre
Ni de chair ni de gloire
Quelque chose s’arrête
Aux frontières du soir
Que tu ne peux admettre
Car il reste sans nom
Aussi flou qu’un nuage
Qui n’a d’autre frisson
Que ce hoquet timide
Dans la course du ciel
Et qui est dans tes yeux
Comme un linceul humide
Mais tu veux contenir
Et l’ardoise et le mot
Qui se sont dessinés
A tant d’autres lambeaux
Et tout va au blason
Insalubre de vivre
Qui reste sans écu
Sur des couches de givre…
Où meurent l’obscur travail les saisons violentes la vie les fenêtres ouvertes pour le passage de la pluie dans les absurdes répétitions du vent et de la surdité sont des musiques où l’on sent du mariage et des enterrements ici nul ne vient s’encombrer de nos mémoires ce que nous tenons dans nos mains s’est rompu à la triste chair des files qui se sont retirées dans d’autres nuits d’autres soupentes d’autres vestiaires le temps est une blanche calamité je bois l’amer vin des messes convenues m’endors tel un moribond dans des draps qui ont pris la forme d’un corps que j’eusse aimé je veux rêver d’une autre voix d’une autre vie qui ne me réveillera pas sur le gravier d’un cimetière…
Et nos enfants endormis dans le temps des hommes sont caressés par des filles écumeuses figures d’albâtre et de proue les nuits sont d’une monotonie de plaine l’air est un bord tranchant portant il faut encore croire que les ponts sont bordés de ces plaintes d’esplanades et de boulevards avec leurs chants de mariage et d’éternité nos mains paresseuses ne vont plus à la lumière dirigée des phares pour y mettre les coques dans la lumière crue tremblante aucune livraison n’est plus insincère que celle qui est donnée à d’autres prévenances qui sont restées sur la berge pour tambouriner sur la peau des chaloupes nous nous gantons comme des voleurs nous couvrir nous vaudra t-il un chagrin une semonce un crachin un crachat ou faudra t-il que l’eau gèle pour que nous puissions rejoindre ces filles qui marchent dans le jour neigeux..
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