Au jour le jour 391

Un ami retrouvé m'écrit...

 

Joseph,
 

La journée a été longue. Sur le chemin du retour, dans ma tête j'ai machouillé longtemps le début d'une réponse un peu construite. Tu vois une réponse avec de la gueule et qui sache remplir 25 ans (30 ?) de silence. Une réponse présentable emballée avec un papier cadeau que l'on peut déchirer très vite pour arriver à l'essentiel...

 Je viens de rentrer chez moi, il est bientôt 23h et en fait je n'ai pas eu à préparer ni à construire ce qui s'est finalement imposé à moi dans sa fluidité et son évidente spontanéité.

 Alors à mon tour ... et je te raconte ça comme on saute dans les bras de quelqu'un, sans pudeur aucune, avec la joie de retrouver dans les mots quelque chose de très dense et de très familier.

 J'ai vécu quelques années à Paris, me suis marié, ai quitté l'enseignement, ai eu trois garçons puis j'ai divorcé de la femme que vous aviez vue lors de notre dernière rencontre un soir de réveillon. Je n'ai pas gardé un bon souvenir de ce réveillon qui était comme l'aboutissement d'un truc pas clair, peut-être quelque chose de trouble que tu définis par le mot "omission". Peut-être la rencontre à l'époque entre ta merveilleuse générosité de coeur et quelque chose d'infiniment plus conventionnel qui continuait à germer en moi et que j'ai mis trop de temps à évacuer. L'omission ce n'est jamais qu'un égoïsme qui se déguise...Je crevais alors d'un exces de prudence. Parisien en plus ! Une forme avancée de la connerie peut-être. Mais tu dois savoir que aujourd'hui encore (et j'y ai souvent pensé crois-moi) je ne saurais pas définir ce sentiment gris qui me traverse le coeur lorsque je pense à ce soir. Mais dis-moi, de quoi s'agit-il lorsque tu me parles de M.? Je te jure que je ne comprends pas et si je vous ai fait du mal je le regrette tellement.

J'ai compris que quelque chose avait dérouillé et je suis resté sur le quai sans vraiment savoir quoi...et le temps est passé...sur toi et sur moi.

 Après mon divorce j'ai rencontré la femme avec qui je vis aujourd'hui. Pour parfaire la rupture et le passage à une vie nouvelle, je me suis payé le luxe d'une opération à coeur ouvert...joli symbole non ? et tout ça sans boulot et dans une situation financière catastrophique. Nous avons déménagé de Paris pour la campagne et j'ai deux enfants de ce deuxième mariage. J'ai entrepris de rénover une (très)vieille maison et j'élève des murs comme on donne un sens à sa vie. J'aime les murs non pas parce qu'ils séparent et divisent mais parce que ce sont de prodigieuses érections vers le ciel et que chaque pierre posée est comme un défi à la pesanteur du monde.

J'ai voulu mille fois écrire un roman ou quelque chose de présentable...et mille fois j'ai cédé aux sirènes du travail lourd et abrutissant qui vous bouffe douze heures par jour. Tu vois mon combat est celui qui me tiraille entre Mercure et Saturne. D'ailleurs pour respirer je fais de l'astrologie avec passion et je gobe les planètes avec délectation. Pour ne pas oublier que j'ai également deux pieds, je tape dans la terre et je creuse avec avidité la glaise et les caillasses de mon jardin.

Je me suis promené dans ton site, tout d'abord curieux puis aspiré par la densité de ta production. Tu as des profondeurs multiples, tu as des parcours sinueux et des flèches qui tranchent. Entre tes peintures et tes textes et en te lisant et en te regardant j'ai senti à travers tes longues phrases et tes silhouettes comme engrossées de cette lumière que tu caches, le même appel gourmand et impitoyable que je t'ai toujours vu lancer à la vie. Sans ponctuation, tout, immédiatement et définitivement. J'ai retrouvé ce qui m'impressionnait en toi. Je t'ai retrouvé en même temps que j'ai retrouvé presque physiquement les parfums des quais de gare quelque part entre l'Allemagne et la Yougoslavie, humeurs consignées sur des carnets bleus, poésies inscrites dans le dur et le vrai de la vie, comme elle va.

Bordel, je suis content de t'avoir retrouvé et l'instant magique de ces retrouvailles compte parmi les moments les plus forts depuis longtemps.

 A bientôt, au plaisir de te lire,

 Daniel


 Daniel bonjour,

C'est un cadeau que tes mots, ton écriture,que n'as tu "romancé, tu avais de cette veine en toutes parts de toi, j'ai parfois guetté des sorties littéraires, ton nom n'y a jamais figuré, puis sur le net j'ai retrouvé ton exercice de ce jour, tout comme ta vie la mienne a été riche de fraternité,  d'amitié, d'amours diverses et variées, je n'ai pas eu de vie de couple depuis dix neuf cent quatre vingt et des points de suspension, date à laquelle M. s'achetait une maison à la campagne et moi un appartement en ville, Jil, notre fille de trente deux ans passait la semaine chez moi, et le weekend chez sa mère, c'est une femme splendide avec du"chien",moi, j'ai longtemps travaillé à mi-temps pour grandir avec elle,joueur, flambeur, amant de maintes fois en maintes fois, j'ai croqué dans la vie et la dépense, ce personnage, il fallait bien un jour qu'il sorte de moi, aussi ai je eu l'intelligence d'acheter une maison en Charente que mon père et moi avons retapé treize années durant, j'y vis depuis trois moi et fais le tri de tous les objets que j'ai accumulés en  trente cinq ans,j'écris entre une et dix pages par jour, c'est ce que je me suis mis en tête de faire quand ma fille est née, je lui ai tenu son journal de sa naissance à l'âge de quinze ans, elle aussi est passée par la littérature, a travaillé à Paris comme attachée de presse, elle vit depuis deux ans à Bruxelles où elle a suivi son compagnon,je ne suis pas encore à la retraite mais presque,elle vient petitement; les gribouillages, je les ai toujours pratiqués,c'est de l'ordre du rééquilibrage,j'ai noté ton numéro,je ne t’appellerai pas aujourd'hui,ni demain, mais la semaine prochaine, il y a trop de remontées de toutes espèces qui me noueraient la gorge, il est possible que je remonte en Lorraine le vingt cinq février, la succession de maman qui est décédée il y a deux ans m'oblige à revoir ma fratrie ;cela va être douloureux et compliqué, sache Daniel, et j'en resterai là, que je te suis resté attaché par où parfois ça fait le plus mal.
 .

Je te relirai goulûment.
Joseph

 

 



 Salut Daniel


Si tu savais combien de fois tu m'es venu en cœur et en esprit tu te serais manifesté plus tôt,ai traversé l'enfer en rampant ces vingt dernières années(h p, c de d, tu vois le tableau) et suis actuellement dans l'incapacité de t'appeler, d'être dans la parole, me suis retiré en Charente dans une grande maison vide, vit seul, ai suivi le parcours de ce gamin que je tenais  sur les genoux et qui est ton frère qui est de bonne compagnie avec les mots dits dans des livres  ,tu peux me parcourir en lecture sur le site que m'a crée un ami et qui est à mon nom, ça t'en dira un peu plus que moi ce soir.
Mon amitié est quasiment intacte à ton égard, au delà de ce que tu as commis comme omissions à notre égard(je parle de M) nous nous sommes séparés il y a vingt ans.
Joseph
 
 
 

 
 

Joseph,

Tu me prends donc pour un volatile à qui on peut tordre le cou ? Tu dois savoir que je me suis mille fois tordu le cou tout seul à regarder à l'envers de moi. Inutile de m'y aider.

Tu dois savoir aussi que je ne me suis pas éloigné comme tu dis. J'ai été happé, crocheté, bousculé par Paris comme une pauvre chose. De touriste, je suis devenu acteur ou plutôt figurant trainant durant quinze ans sur le dos le même et indéfinissable ballot de mes rêves. Tu sais bien que j'y suis allé encore adolescent fuyant une amourette et j'y ai vieilli puis au final mûri. Cette ville est un gouffre. J'y ai vu des lumières et naif j'ai cru épouser la grande aventure. Que de plumes j'y ai laissé et croyant m'ouvrir je m'y suis fermé.

Comprends que je ne me suis pas éloigné de toi. Sans le savoir j'ai travaillé à me rapprocher de toi qui avait sur moi une telle longueur d'avance ! S'il n'y avait pas eu ce parcours dans l'obscurité durant toutes ces années, jamais nous n'aurions pu échanger aujourd'hui ces lettres aussi fortes que des lames de fond. Naufragés solitaires emportés dans de profondes eaux. Adultes tous les deux.

Je ne me suis pas éloigné et même si tu me donnes des allures volatiles, je ne me suis pas évaporé... Bien involontairement et malgré moi, j'ai  juste pris de la consistance. Je me suis aiguisé.

Tu m'expliqueras ce malaise du réveillon ? tranquillement, n'est-ce pas?

Bien, revenons donc à mon parcours plein de trous...Après mon parcours de prof, j'ai été responsable deux ans d'un grand cinéma à Paris "Kinopanorama !", dans le même temps je parcourais les routes de Belgique avec une amie photographe pour faire des clichés des oeuvres d'un peintre belge oublié de la fin du 19ème. Je voulais en faire un catalogue raisonné comme on rassemble les morceaux d'un puzzle dispersé. Routes de campagne, détours des villes, arrières des cathédrales, cours flamandes et intérieurs wallons, pauvres ou riches, l'aventure était dans le coup de flash qui l'instant d'un éclair ouvrait le monde comme un volet que l'on claque. Après avoir dormi des années dans le bac de mon réfrigérateur, le tout a été vendu ensuite aux Musées de France.

Je me suis à la même époque engagé dans un doctorat et une complicité avec un éditeur belge.

Après j'ai eu des garçons: un puis deux puis trois qui m'étaient très proches (aujourd'hui M et A vivent à Bruxelles, l'un est ingénieur, l'autre est metteur en scène et acteur. C. le plus jeune est resté à Paris où il fait de la médecine).

Et un jour la femme avec qui j'étais a lancé dans une discussion que la spiritualité elle ne savait pas ce que c'était...alors j'ai commencé à comprendre que je partageais ma vie avec une créature en voie de mutation...J'ai mis du temps à comprendre, mais c'est à partir de ce moment là que je suis sorti du coma et que j'ai compris que la bête était en train de me digérer, lentement mais sûrement. J'ai fui. En laissant tout et mes souvenirs et le logement encore chaud où un autre déjà se faisait une place.

J'ai rencontré K dans ma fuite et je bénis aujourd'hui le ciel.Nous avons vécu un an et demi à Paris de chambre de bonne en logement de fortune. Elle est musicienne et découvrait la France et le Conservatoire de Paris. Moi je n'avais plus de travail, plus de lieu pour habiter, mais j'étais en train de regagner mon identité.

Sans le sou nous sommes rentrés en Lorraine, chez mes parents, à 42 ans et elle 22. Nous avons dormi dans une pièce aménagée dans leur cave et ça durant 2 ans durant lesquels je cherchais du boulot et jouait des rôles de"consultant" pour gagner trois francs et six sous. Puis j'ai eu de la fièvre et des vertiges et de médecin en cardiologue j'ai été hospitalisé et découpé pour une opération à coeur ouvert.

Après ma mort tout a repris forme et vie. Je est un autre...

L et T sont nés au début des années 2000 et nous avons entrepris de restaurer une vieille et petite maison avec un grand jardin où je pioche et creuse des trous.

Tu sais j'aime infiniment nos échanges de lettres et je comprends parfaitement ta pudeur lorsque tu dis ne pas pouvoir téléphoner encore. Refaisons connaissance et si tu veux nous nous verrons un peu plus tard. Nous ne sommes pas obligés de "consommer" notre relation de suite.  Comme un jeune couple, prenons le temps...il nous a apporté tellement de choses.

PS. Suis très très flatté que tu veuilles publier ma dernière bafouille. Bien sûr, tu peux. Merci.

A très bientôt,

Daniel

Daniel bonjour,

Ce qui fait date en toi, ce sont donc des trous,quel qu’ait été ton chemin, tu as su les éviter,organisé par ta puissance à vouloir vivre, écrire, je doute que cette envie ne t'ait taraudé nombre de fois , tu dis si bien et profondément les mots que j'aimerais les faire miens, m'autorises tu à les mettre sur le site, sous le titre"Un ami m'écrit", curieusement je n'ai rien gardé de mes relations amoureuses, pas une lettre , pas une photo, pas un mail, là dans ta réflexion je devine un détachement à la vie, combien d'entre ceux qui touchent à l'angoisse d'être, tout simplement, est passé par là, peut être en sommes nous, et pourtant nous construisons,des maisons, des amitiés, des amours,dans cette grisaille de janvier, je continue à faire le tri dans mes cartons, que de livres, et tant qui n'ont pas été ouverts, tout comme nous, malheureusement...
Je te lirai jusqu'à notre rencontre.
Je t'embrasse comme on tordrai le cou à un ami qui s'est par trop éloigné, pour se rendre où et dans quoi!
Joseph

 Joseph,

 
 Je me suis mis à écrire lentement, prudemment, avec précaution. Le rythme même de mon doigt sur le clavier marque l'hésitation qui me porte. Et si ce soir les mots ne venaient pas ? Et si je n'avais plus d'idées à partager, si tout était dit ? Et si j'étais en cette fin de journée devenu sec comme un sarment ? tout juste bon à brûler en une seule flambée ? trop vite.. Et si je n'avais plus rien à dire ?

 La peur de ne plus savoir prolonger entre nous la danse des mots m'a gagnée et j'ai senti une seconde retomber le soufflet sur la braise.

 
 Pourtant c'est dans cette hésitation que je trouve aussi la raison de mon discours. Cette naissance de moi-même, elle est forcément laborieuse. C'est une "mise en oeuvre", un travail sur moi-même, quelque chose comme une violence que j'esquisse à chacun de mes mots. L'écriture c'est de l'indécence qui gagne, c'est la pornographie de l'instant, le gros plan sur l'indicible disparition de moi-même au dedans de ce corps textuel que je travaille encore et encore. Où est la jouissance si je travaille à ma fin ? Est-ce que la jouissance est dans ma fin?

 
 Me raconter c'est me construire et dans le même instant c'est me conduire à ma propre consumation. Voilà pourquoi j'ai peur de me raconter, voilà pourquoi je n'ai jamais écrit, car je préfère la cendre à la flamme. Le mercredi des cendres...mercure consummé... j'aimais par dessus tout ce jour où d'un signe de croix entre les deux yeux le prêtre de son pouce doucement appuyé me rappelait 'tu es poussière et tu retourneras en poussière".
 La cendre est si proche de la Terre. La confrontation aux idées, le "Comment dire ?", les circonvolutions, la bataille du sens trouvent dans la Terre leur résolution, leur apaisement. Voilà pourquoi j'aime creuser la Terre plus que les idées. Dans la Terre j'aimerais faire un trou gigantesque comme on creuse la plage. Juste pour la béance du trou. Pour en goûter le vide et l'absence, en silence. J'aime les trous ! Ils n'ont l'air de rien et me séduisent car ils sont l'envers de moi-même qui suit si plein à en crever ! Les trous sont les enfants du verbe "Faire". Je les envie pour ça.  Au final j'ai fait plein de trous dans ma vie et tout ça ressemble souvent à un courant d'air sur un tas de cendres. Tu es passé dans un de ces trous de ma vie...et tu es ressorti par l'autre, c'est drôle...

 Je préfère donc les cailloux aux mots. Ils ont pour eux la permanence et font infiniment plus d'effet sous la dent.

J'arrête là et demain si tu veux bien je te raconterai les trous de ma vie.

 PS. Mes grands garçons (M et A) vivent tous deux à Bruxelles...

 Je t'embrasse,

Daniel

Joseph,

Dix mille fois la même phrase ? je n'ai pas vu ça comme ça. Dix mille fois le même cri peut-être, dix mille fois le même appel vers l'autre, dit sur tous les tons et dans toutes les langues de la terre, peut-être. Mais que faisons-nous d'autre que de nous répéter ou réitérer les mêmes gestes et ce depuis tout petit.

Normal, pour imprimer notre trace sur ce monde qui bouge tant, nous avons quelques marqueurs que nous répétons dès que nous en avons fait l'inventaire... A ce propos, j'ai souvent pensé que faire un grand serpent de phrases ou une grande nouille en pâte à modeler...c'était un peu la même chose...une manière de tirer notre vit en longueur (elle est pas mal celle-là...).

Que faisons-nous si ce n'est de répéter les mêmes gestes devant le miroir en espérant qu'un jour le miroir, enfin devenu rassurant, figera la pose.

Dis, je ne savais pas que les poètes pouvaient avoir le rhume...c'est pas terrible devant le miroir.

Le peintre en question ce n'est pas Rops mais le très sage Léon Frederic qui a tenté une fusion étrange entre le quattrocento et la belgique industrielle ou paysanne de la fin du 19ème... Par ailleurs, j'ai oublié d'évoquer l'autre fois un épisode de quelques années où à plusieurs copains d'alors nous avons mis en place une maison de production et d'édition...initiative passionnante mais qui a fini dans le mur d'en face. A la suite de ça j'ai été éjecté vers l'univers (très impitoyable) de la pub pour finalement exposer les autres comme je le fais maintenant depuis plus de seize ans...

Dis-moi comment es-tu arrivé en C.? Et ton boulot d'éducateur? Ton évocation de Serge Reggiani m'a replongé un instant aux cœur des années étudiantes, comme une madeleine dans son thé. C'est doux.

Je t'envoie quelques photos en cette fin d'hiver, un tout petit bout de mon jardin, avec quelques fleurs pour soigner ton rhume...et aussi la main de mon fils avec un sourire dessus.

A bientôt,

Daniel


Bonjour Daniel

J'ignorais que les livres pouvaient rendre malade, j'ai un gros de chez gros rhume, me suis levé tard , sans envie particulière,puis ai rejoint le canapé avec un plaid dont je me suis recouvert pour me réveiller, à l'instant, comme je ne vais pas au plus pressé, ton idée de prendre du temps s'applique parfaitement à mon état, entre la nonchalance et l'obligation de m'atteler à de petites choses, préparer un repas, donner un coup de balai,ça relève de cette scénographie quotidienne, faire et refaire à l'identique, un peu comme on retourne vers le passé pour y remettre un peu d'ordre, si toutefois il en a besoin, j'ai souvenir du catalogue raisonné que tu voulais faire, ne s'agit-il pas de Félicien Rops, si c'est le cas, je vais penser que la mémoire est curieuse, elle omet des grandeurs qui auraient dû ne jamais nous quitter, et range dans je ne sais quel tiroir des bagatelles  de rien du tout,qui tout à coup nous remettent pile dans le milieu où l'on était, j'attends avec impatience le printemps pour n'être pas confiné dans cet intérieur trop vaste où j'attends, j'attends que vienne la nuit, la solitude c'est la résultante de tous ces miracles de pas grand chose que je n'ai su donner, commettre avec les femmes,j'ai été aimé, je les retiens toutes dans le limpide vouloir de vouloir et de pouvoir le faire, certaines le savent, d'autres non, c'est pour elles que j'ai tant écrit,par vanité aussi, l'écriture est une vieille maîtresse instinctive et folle, du moins pour moi qui me livre sans jamais retoucher quoi que ce soit, en fait j'ai dû griffonner dix mille fois la même phrase mais dans l’autrement, un peu comme Queneau dans ses "Exercices de style´je frissonne, vais me replonger dans un quignon de dormir, avec en fond musical Serge Reggiani..Je t'embrasse .

Joseph

Salut Joseph,

Je me suis demandé ce soir ce qui fait que nous savons nous parler, maintenant. Je veux dire nous confier l'un à l'autre, nous raconter enfin.

 Il y a 35 ans, dans ce prélude de notre vie, la complicité était certaine mais il suffisait de vivre et c'est tout et c'était déjà bien...Au quotidien, nous nous accomodions de nos silences et la pudeur de nos échanges masquait joyeusement cette part de fraternité que nous dévorions à belles dents (...ceci dit les tiennes ont toujours été plus solides que les miennes). Parce que le brouhaha de notre vie d'alors nous transportait insouciants au gré des saisons et que goûter à presque tout était la marque de notre richesse, nous n'avions pas d'autre étoile que celle qui brillait au-dessus de notre tête.

 Aujourd'hui, nous avons dévoilé en plus et mis en forme quelque chose que je déguste comme un miel, comme la part solaire qui nous unit (même si dans notre décor les peintres ont usé de toutes les teintes de gris...). Ce quelque chose, plus qu'avant (où nous étions dans un côte à côte), c'est la fulgurance de nos échanges, la capacité que nous avons aujourd'hui à nous rendre l'un à l'autre dans notre nudité. Cette fulgurance n'est-elle pas à l'image de ces retrouvailles? Sorties de la nuit d'une seconde à l'autre. Bref, cet éclairage que nous jetons sur le monde, ce regard nocturne parfois mais ces sentiments toujours effleurés par la poésie du vivre juste...tout ça me semble étonnamment partagé. 

Aujourd'hui, plus qu'avant, l'immédiateté de nos ressentis se donne à voir, transpire et se livre dans ces échanges où résonne quelque chose comme un air de fête. Cette impression là, tu peux l'appeler comme tu veux, mais elle a un parfum sucré, quelque chose comme un goût d'éternité. Tu trouves peut-être que là je pousse un peu trop ?  

 

 Joseph, dans notre vie nous avons grandi. N'avons-nous pas aussi gagné en honnêteté ? Plus encore qu'avant nos mots se délient et pointent avec avidité au dehors de nous ce qui nous ressemble et nous rassemble. Joseph n'avons- nous pas mieux appris à vivre ? Et même si la poussière du chemin nous laisse parfois un goût amer au fond de la gorge, nous n'en sommes pas pour autant des vieux cons. N'est-ce pas ? Non ? Je dis ça...mais je dis rien...au fond je crâne un peu et je sais bien que rien ne nous rassurera jamais et que le serpent de nos phrases continuera encore longtemps à nous poursuivre. Nous sommes des enfants effrayés par l'ombre ne nos propres mots. En tout cas nous parlons... ou tout au moins nous écrivons et ça c'est déjà le début de l'icantation qui est en train de nous réunir à nouveau. J'ai envie de prolonger cette période où nos échanges restent ceux de l'écriture. Je redessine ainsi le monde qui nous entoure et je t'englobe dans son œuf.  

Tu me dis que tu ranges tes livres et ta bibliothèque. J'imagine les montagnes de livres que tu dois avoir. Ta ferveur dans ce domaine et ta précision à jouer avec la mitraille des mots m'ont souvent impressionnées. Tu es leur complice. Tu sais leurs langueurs et leurs moindres soubressauts. Tu jongles avec leurs nuances et leurs sinuosités. Tu sais jouer avec les subtilités de leurs figures. Tu n'as pas peur d'en user et d'en abuser.

En ce qui me concerne je suis toujours plus dans la mesure. Je suis maçon là où tu es orfèvre.

Depuis longtemps je ne lis plus, mes livres sont entassés dans l'escalier de ma cave. Faut-il en avoir honte ? Ils ne m'ont donc pas aidé à vivre. Peut-être un jour vais-je moi aussi les ranger ? Je ne crois pas. En revanche je suis certain d'une chose c'est que notre rencontre épistolaire va me permettre de faire un sérieux ménage mais cette fois dans mes idées et mes sentiments. Sorti du brouillard tu as été providentiel. J'ai repris goût à l'écriture... et ça aussi c'était en train de passer à la cave.

 

Au plaisir de te lire, je t'embrasse.

 Daniel

Dans "La jeune Parque"Paul Valéry dit"Quand j'aurais de mes bras environné tes tempes"les miennes grisaillent, mes mots d'hier valent ceux-ci, dit certes plus maladroitement, aurais tu oublié nos belles figures de rhétorique et nos beaux visages quand nous écrivions dans "Absinthe" je me murgerais bien par ce temps gris, ce serai absurde dès le matin, mais là est mon humeur de ce jour, je n'en ferai rien, j'ai choisi de classer toute ma bibliothèque, revues, mensuels, hebdomadaires, livres un peu plus rares, BD, etc,j'ai lu avec une haute respiration tes "Aphorismes poèmes"ça berce et ça traverse jusqu'au sang, chose étrange que l'écriture,séduction, dire ce côté ci du monde, aller jusqu'à l'Esprit,fuir, se bander les yeux, marcher dans l'ombre,se dépouiller, que sais je encore, j'ai fait le choix de non seulement poser tes premiers mots sur le site, mais nos échanges, aucun prénom n'apparaîtra,je suis dans le désir de donner à lire ce que deux hommes ont encore à se témoigner et confier après une absence de trente cinq ans.

Je t'embrasse affectueusement sans étranglement aucun.

Joseph

 

Avant d'aller me coucher, je ne peux résister à t'envoyer en pièce jointe quelques histoires à dormir debout…De mon jardin de pierre et de ma très modeste production…

 

Cher Daniel,

Je vois que tu sais le mot"Punch"au pluriel, ça devient "Uppercuts"enfin après cinq, du moins pour moi ce serait la dose, quoique, j'ai aidé mon père à faire son déménagement, là je pose mon âme dans ma maison, tout doucettement, un jour peut être viendrez vous faire un tour dans le marais Poitevin,les châteaux distants d'à peine dix bornes, ici c'est la froidure,j'ai repeint quelques portes en blanc, Jacques Brel est en fond sonore, je me suis allongé devant l'âtre, j'écoute et j'attends...
Voici quelques clichés de mon salon, ça ne vaut pas une île..(ces chers points de suspension que tu appréciais)

Bises à tous.

Joseph,

Merci pour cette invitation à entrer dans ton univers. A petits pas je prends contact avec le monde qui t'entoure.

Avant de t'inviter à découvrir mon chez moi, voici quelques images du vaste monde dont je fais mon salon pour trois jours encore.  

Après ce sera une autre histoire, avec le retour à des dimensions beaucoup plus réduites et un salon qui cette fois tient dans un mouchoir de poche et attend des travaux d'agrandissement devenus urgents...      Je ne rentrerai pas intact de ce voyage. Comme à chaque fois que je traine le long d'horizons lointains je fais dans le même temps l'expérience douloureuse de mon quotidien qui est à revisiter. Et cette fois c'est mon travail qui est pointé dans toute sa brutalité. Certes c'est une banalité que de vouloir du soleil. mais ce qui me manque c'est bien plus l'impression d'être pris dans un rayonnement. Il s'agit bien plus de vibration que de chaleur. Etre en vibration avec...c'est une chose que ma vie professionnelle m'a presque totalement enlevée. J'ai l'impression d'avoir donné jusqu'à mes tripes pour ce travail qui en fait est tout en surface. Comme si j'avais semé aux quatre vents sans jamais pouvoir mesurer le poids de ma récolte. Comme si j'avais creusé profond là où il suffisait en fait de s'inscrire dans une glissade. L'expérience du voyage c'est aussi l'expérience récurrente et douloureuse du temps si mal utilisé avant le départ

L'expérience des couleurs, des parfums, laisse à chaque fois une trace déterminante et toute en exigences. J'ai à la main une pelle et une pioche. Je veux en façonner mon paysage. En vérifier la densité.

A bientôt,

Daniel


 

Bonjour Joseph,

Sais-tu que tu as un beau prénom ? Je ne te l'ai jamais dit. Donc après trente cinq ans ce n'est pas trop tard.

Je lis tes phrases avec plaisir. Comme si je te connaissais et comme si je te découvrais à la fois. Sentiment étrange de deviner ce que l'ombre révèle. Partie de cache cache où nos mots échangés nous rappellent l'un à l'autre avec la certitude d'être déshabillé, effeuillé comme il faut, petit à petit en rougissant.

Sais-tu que durant ces trente cinq ans je n'ai jamais eu l'occasion de rencontrer un seul type qui me proposait comme toi de partager cette corde sensible que je continue à voir dans chacun de nos échanges. Etrange non ? A croire que je n'ai cotoyé que des monolithes plantés dans un paysage de marbre . Sur leur sol ne résonnait nulle profondeur minière, nul souffle de la terre, nulle gravité. En effet, beaucoup de gens très adaptés et lisses m'ont chié dans les bottes. Depuis je marche pieds nus et plus libre aussi.

Tu dis que ce sont des vieilleries, je les trouve intemporelles et pour moi c'est du neuf. D'ailleurs, nous ne sommes pas seulement faits de présent. Peut-être d'ailleurs ne sommes-nous jamais dans ce fragile point d'équilibre où nous aimerions afficher notre adhésion au monde. Peut-être même sommes-nous uniquement des affamés qui cachons la misère de nos années passées en jetant à la face du soleil les espoirs de demain. Eblouis que nous sommes.   

Alors comme tu dis, tu as peut-être un trop plein de gravité. Mais j'accueille absolument tout dans le bonhomme que tu es devenu, et le lisse et le tordu...trop heureux de retrouver un morceau de toi, pour découvrir à la fin les pièces jetées ça et là et le puzzle tout entier.

Tu sais notre passé est partagé. Que cela nous fasse ou non plaisir, il est dispersé, divulgué, gaspillé, réparti et écartelé aux quatre coins. Il appartient à tout le monde c'est à dire à personne. Il est champ de poussière ou plage sous la vague.

Seul demain existe.

Le réveil, je l'ai toujours eu difficile et lent. C'est K. qui m'a appris à ouvrir les rideaux d'un seul coup pour faire entrer le soleil au petit matin. Et le petit matin c'est demain.

Je t'embrasse,

Daniel

Ainsi soit-il ! A part ma prof de français de 6ème qui disait que j'étais un poet et toi à l'aube de mes 60 piges, personne ne m'a raconté (Ah si, Klara) que mes mots chatouillaient les oreilles (pas que...). Si j'avais su, je connais des filles qui...mais je m'égare.

Donc ainsi soit-il, je vais pondre un oeuf littéraire, c'est promis, quelque part dans un nid inconnu, en secret pour quelques rares lecteurs sensibles. Klara, mes enfants et toi. Il sera servi au public en guise d'héritage et servira peut-être pour mon oraison funèbre, lu par quelque notaire bien intentionné sur un pupitre bancal. Quelques rares lecteurs fidèles accompagnant le récit en silence, le mouchoir à la main, avec au bout des lèvres des phrases apprises par coeur, comme on dit le chapelet. Le décor est posé.

C'est bien de laisser quelque chose dans son sillage. Surtout un oeuf.

En plus, nous pourrions aussi participer l'un et l'autre à un road movie littéraire hors du commun. Enlacés dans le même jeu où il s'agirait non pas de danser jusqu'à épuisement (comme "on achève bien les chevaux") mais d'écrire jusqu'à plus soif. Des mails et des mails par kilomètres et à la fin le Nobel.

Ainsi soit-il donc, je vous le promets à vous mes descendants pleins de tolérantes pensées, je vous lèguerai quelques lignes maladroites et aussi des plus habiles, poussées par la rage d'aimer et le désir fou de n'être pas oublié.

Ce mail en guise de doudou pour t'endormir sans avoir peur.

Bises et à bientôt,

Daniel



Daniel bonsoir,
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Le soir point, j'ose t'avouer que tu es un accidenté de la vie, comme tant, et je rajoute, un peu hors contexte , je me fais presque violence, que je ne comprends pas que tu ne sois pas allé à tes extrêmes limites,tes mots ont des senteurs, menthe, fougères, fugues,tu aurais pu écrire, publier, pas par reconnaissance comme moi qui me  venge de n'être pas né dans cette langue, ou pour plaire à des filles qui m'oublient plus rapidement que je ne le voudrais, ceci est un mauvais entretien de toi ,je me souviens d'un poème qui se terminait ainsi"Vas, cherches et vis ta vie", que sommes nous advenus sinon des fonctionnaires avec de petites fièvres, rien de plus,j'ai encore à mettre de la semence un peu partout, c'est ce que je me dis parfois, mais mon obscurité gagne, je m'endors sans aucun accomplissement et j'ai peur.

Je t'embrasse.

Joseph 




 

 Travail: Etat larvaire de celui qui espère devenir papillon sans jamais y parvenir.

 

 C'est à ce jour ma définition de ce qui m'a pris des heures et des années et le plus profond de moi. Le produit ? poissons séchés au soleil et souffle du vent dans les voiles...et au creux des mains ...rien ou si peu.

 

Je passe depuis plusieurs mois une remise en cause brutale du chemin professionnel qui est le mien (à trois ou quatre ans de la retraite !!!) J'ai l'impression d'avoir durant des années posé mes tripes sur l'étal du marché, pour me plaindre aujourd'hui de l'étrange sentiment d'être vide. Bien fait.

 No mans land culturel, l'événementiel et la pub c'est la lente disparition de soi, aspiré par les soubressauts de tous ces effrontés qui croient briller plus que d'autres, interloqué par les tours de passe - passe et la mitraille des arguments commerciaux...

Comment donc ai-je pu franchir allègrement ce monde des idées où pourtant je barbotais un peu, n'est-ce pas?, pour aller me perdre aussi résolument dans des eaux si troubles ? Vanité des vanités que celle du reptile qui se sent pousser des ailes !  Pourtant ce temps-là est un purgatoire, j'en suis sûr. La conscience de la peau sèche que l'on laisse derrière soi dans une mue aussi pénible fut-elle, reste une jouissance de la mort dépassée et un appel béat.

 Tu sais que cela fait trente ans que je rêve de monter une Galerie d'art et que je suis infoutu de franchir le pas ? Pourquoi donc suis-je autant collé à la glaise ? sans doute à cause des trous dont je te parlais il y a quelques temps et que j'aime tant. Reste à savoir ce que je veux y cacher. Moi-même sans doute, dans une ultime chute. 

Tu me rappelais que j'aimais bien les points de suspension... C'est vrai que j'en abuse. Ce sont en fait trois petits trous, un tir groupé au milieu de la bidoche des mots !

 C'était la réflexion du jour:) Je voulais t'en faire part car c'est en train de me bouffer la conscience et lorsque je côtoie certains spécimens sur mon lieu de travail c'est encore plus douloureux.

Voilà, j'ai voulu te parler de ma nausée de ce soir. 

Je t'embrasse,

 

Daniel

Daniel bonsoir,
Si je n'étais pas dans une espèce d'aphonie, d'autisme, de quarantaine, je t'appellerais ce soir,je suis dans l'immense inquiétude de ne pas savoir la couleur de demain, ma réclusion ici est de l'ordre de l'ergastule dans une vaste maison, je m'endors tous les soirs sur le canapé-lit du salon devant la cheminée, en errance dans mon crâne, là où tout blanchit, bientôt chenu, chêne ou vieillard,, ou quelque truc dans ce genre me fout la trouille, je m'aperçois que le courriel, mail, c'est une place publique, je ne veux m'y montrer, quoique ,est parti maladroitement, ne suis pourtant pas ivre, de plus je fais mon coquet,ne mets pas mes lunettes,tu vois le tableau, ouvre une galerie , j'ai de quoi l'alimenter...
Je t'embrasse.
Joseph

Mes chaussettes sèchent devant l'âtre....

Joseph,

Sois tranquille, je devine tes angoisses et cette peur du lendemain je la connais. Mais n'ayons pas peur du partage. Il se fait dans la nuance et le non dit. Rien ne sera volé par les crieurs publics...et surtout pas tes chaussettes... :)

L'espace qui se dessine entre nos mails est plus subtil que la place publique qui fait peur car elle est vide et que jamais nous ne pourrons la remplir. 

Laissons le temps au temps. On peut se voir soit à Nancy courant mars, soit chez moi, soit chez toi (en TGV c'est très rapide). J'aimerais te présenter ma tribu mais dans le même temps je n'ai pas vraiment envie de commencer par là. Prenons le temps de nous voir tranquillement comme si nous nous rencontrions par hasard. Sans histoire accrochée au cou. Ce sera le meilleur moyen pour ne pas être obligés de froisser nos pudeurs respectives.

Que nous dirions-nous au téléphone que nous ne nous sommes déjà dit ?  Le téléphone n'est pas un très bon allié pour ceux qui ne partagent pas le quotidien.

Je ne veux en aucun cas bousculer ta capacité à te raconter. Moi-même je ne saurais pas par où commencer ni quelle partie de moi cacher.

Sois rassuré.

Je t'embrasse,

Daniel

 Daniel bonjour,

Après avoir passé près de quatre jours sous le plaid devant la cheminée, entre quelque chose qui tient de l'autisme, de la léthargie et de la mélancolie, j'ai décidé de faire un peu de vélo,manque de bol au bout de trois kilomètres, un pneu creva, me voilà poussant la bécane sur le chemin du retour,ferai la réparation demain,je te l'ai dit, ici c'est une mort à petits feux, et ce ne sont pas les cachetons que me refile le psychiatre et cela depuis une quinzaine d'années qui m'aident, il y a des jours où les jours ne comptent plus,où mon goût à la vie est plus pupille que minime,et lorsque je te parle de peur, c'est ce côté "Pèse nerfs" tu vois de qui et de quoi je parle, le temps se prête au jardinage,je procrastine etc...

Je t'embrasse avec tendresse.

Joseph

Joseph,

Quatre jours sous le plaid ... cela me rappelle quarante jours dans le désert...mais ce héros-là, il marchait aussi sur l'eau. Est-ce aussi dans tes cordes ?

Je vois dans tes échappées une même volonté d'évasion(au fond du lit ou en vélo, c'est la même chose, non ? la même mise en scène de  la crevaison..mais en vélo c'est bien plus drôle).

Même tes mails ou tes débuts de confidences tu les prolonges souvent par des écrits plus riches et impénétrables, tissés comme une poésie des profondeurs...comme si tu invitais ton pauvre lecteur à te suivre dans tes fuites abyssales... sauf que je suis en apnée derrière toi au fond de l'eau :)

A propos de la crevaison qui m'a fait sourire...Il y a deux ans j'ai traversé une période compliquée sur plein de sujets et autour de moi les machines tombaient en panne les unes après les autres. C'était sidérant. Une amie astrologue m'expliquait alors que si tout est énergie, alors notre état d'esprit génère autour de nous, sur notre environnement, comme l'écho de ce que nous portons en nous. Le monde est notre miroir. Entre le sujet et l'objet les liens sont étroits. Je pensais à ça à propos de ta crevaison...Prends-le comme un clin d'oeil.

Ceci dit, j'aime t'imaginer poussant ton vélo. C'est plein d'élégance et loin d'être la chronique d'une mort annoncée. Dis-toi que tu aurais pu rentrer à pied ou pire ne plus retrouver ton chemin dans un soudain accès d'amnésie. De toutes façons tu devrais inviter ton psychiatre à faire du vélo avec toi...histoire de le mettre dans le vent.

Je pense à toi et te souhaite un joyeux dimanche.

Daniel

Daniel EGLOFF