Au jour le jur 357

Plus j’ai perdu en vivacité plus j’ai gagné en crépuscule, dans cette geste apurée de solitude, la déchirante suprématie des mots m’a davantage écœuré que si j’avais du pathos à toutes mes embouchures.

De même que dans mes excès d’alcool, le ciel m’apparaît comme la chape de tous les cercueils, la terre m’est le ferment de cette déraison qui s’ourle de tous mes dégueulis.

Rien plus que d’attendre ne m’embarrasse, et embaume mon existence de toutes les odeurs roturières qui s’élèvent des allées d’un cimetière.

J’ai sacrifié à l’amour cet apaisement que j’avais quand par goût de la discrétion, je m’endormais dans les fougères, après avoir honni chaque jour de ne pas en savoir davantage sur l’amour.

Toutes nos garanties sont de surface, et la parole, fut-elle  donnée, n’est qu’un flux d’ardeur qui monte au ciel sans révéler la grandeur de l’absolu qui l’engendra.

Veule parce que sans conviction aucune, mes commerces avec l’homme valent par cette conscience, et rien d’autre.
 
Lorsqu’on a erré une nuit entière dans une ville aux volets clos, l’existence toute entière nous apparaît comme un vaste cimetière qui se réduirait au cerveau d’un dieu mort d’ennui.

Les unités m’affligent, la parité faute de me reposer m’emmène aux périphéries du désespoir.

J’ai très tôt su que je serai un indisposé sans le sens des proportions.

S’il me fallait passer le restant de mes jours à inonder le désert de mes larmes, quelle entrée dans le pathétisme de la matière !

J’ai été inondé d’ennui.

Peut-on parler avec les hommes, sans que leur présence ne brouille les principes mêmes de cette solution qui nous endorment d’eux !.

Il arrive que les choses aient tant de poids, qu’on dirait des planètes mortes embaumées par nos funestes certitudes.

Je me suis consolé de mes erreurs en les anoblissant.
 
Plus j’ai voulu être profond, plus je suis resté en moi, malade de toutes les surfaces, de toutes les vanités.

Trop excessif, je concède aujourd’hui m’être poussé dans la désolation pour m’impressionner, et voir combien tout ce qui est ultime peut correspondre à Dieu.

Une fois que l’existence devient commune, il vaut mieux y frayer.

Vivre est un mode qui va de la fatigue à l’aveuglement, en passant par les formes extérieures que prend l’hallucination lorsqu’ on se veut réaliste.

Le temps est dissolution, et l’ennui, dissolution suprême.

Que faire, quand séparé de l’envie d’exister, tout en appelle pourtant à la barbarie de l’amour, à un monde agité, et plein de toutes les musiques sur lesquelles nous avons mouillé des mouchoirs, et fait nos commissions ?

Mon besoin de banalités obscurcit jusqu’à ces anéantissements, seule bienveillance qui ne soit ni ma décharge, ni mon naufrage.

Le désespoir, c’est l’expérience du centre de toute vie.

Toute œuvre invente un nouveau monde qui se régénère en elle.

Toutes les exigences de mon corps se font en dehors de la parole, je me tais et je suis, mon salut est dans ce tassement.


Laissons croire que la force est grave, mais gardons nous de juger cette gravité comme des élans vers Dieu.

Légitimons les tares et les infirmités, que les fous soient préférés aux chanceux, que les chanceux soient préférés aux miraculés et les miraculés aux moribonds…

Vivre prive de sommeil, j’ai toujours été un guetteur inconstant anéanti par sa charge et ses implications.

Comme je n’ai pas su démêler le bien du mal, je n’ai affronté que des individus que je considérais comme des êtres dépravés et débiles tant ils exécraient les manifestations spirituelles…

Ayant trouvé un asile pour me reposer et estimer mes actes, je me suis résigné  à de petits sommeils d’où j’ai proscrit Dieu…

Je ne cherche à affronter la vie qu’en obsédé du sens, le peu de temps où j’ai été en joie, je l’ai dilapidé tant je redoutais son caractère obséquieux.

Ma santé trompe mes sensations, je ne cherche d’extension que pour pousser mes actes dans la création et la récréation, l’affrontement aussi, qui tous augurent du mal d’un prisonnier de service…