Au jour le jour 345

A rêvasser encore
derrière  de diurnes filles
l’air s’est jauni
dans la chambre aux tulipes
je n’entends plus ta voix
d’enfant serré qui dort
dans ma fraternité
et le sang s’effectue
à ses deniers ressorts
le froid mord l’absolu
de mes consternations
et je vois au ciel sombre
l’automne aux pieds noueux
coupable d’avoir peur
coupable de rentrer
qu’en moi-même interdit
aux étranges fumées
je mets un voile aux yeux
qui voient pourrir l’été
me renverse sur le lit
comme on va aux fourrés
débusquer soit un lièvre
soit une autre mariée.


La  voix destinataire
aux rayons électriques
arrive d’un tribord
au front criblé de trames
c’est une voix livide
avec des éléments
destinée aux loisirs
des beaux  enterrements
et celui -là qui meurt
il arrête de cracher
ses poumons sa misère
dessus le portefaix
la scène est audacieuse
au visible midi
le son du fifrelin
dévore l’égalité
de ces sons inférieurs
qui ont fraternisé
voilà que la terre s’ouvre
on y jette l’horizon
et la tête d’un cheval
qui a gardé ses dents.


Nous à la valeur de nos soupirs
nous corrigeons
nos gestes précieux
et les assemblées générales
s’enivrent dans les communes
en commémoration
d’une bête imprimée
sur l’oriflamme dorée
qui pèsent anciennement
toutes les académies
une reine scorpion
se conduit mal
et d’hortensias oranges
dans son nouveau pays
elle arrange les allées
des parcs infleuris
de chiffres et de chiffons
et indifféremment
moi ma mère est morte
d’avoir lancé sa cervelle
contre le cours du temps
d’autres font de même
mais la fenêtre est close
rien ne sort de leur demeure
si ce n’est l’idée
d’un temps primaire
avec des hippocampes
aux tempes blanches…


Je sévirai par tous les moyens
à ma mesure disponible
par le seringat et la seringue
les jours décomposés
la nébulosité sur la Neretva
le tabou interrogatif
sans négociation
le bouche à bouche
la menace du couteau
de l’amour absent
je sévirai
en aiguilles fines
pour les poignets bleus
des filles efflanquées
d’une jupe coupée court
conte les papillons noirs
 de mes envies
je sévirai
avec mes leviers mobiles
vers le soleil mollasson
qui rougit mes épaules
et mes clavicules
dans le souvenir
d’expertes mains…

C’est un amour de chérubin
qui a de grosses émotions
de belles érections
comme l’ennemi des lois
se remet à l’allégresse
a des fusils et des revolvers
des balances également
aux inutiles victoires
j’attends de voir fondre les métaux
de toutes les tours du monde
et regarder se jeter des ponts
tous les beaux bruns
lasurés d’un soleil circonscrit
comme la fin du thermomètre
qu’on se foutait au cul
avec aux lèvres
l’amertume du foie de morue
bon pour notre avenir
comme le disait les vieux
après le coup de la poire
et le grand vide  des croyances.

*
Je joue aux dés
dans l’avenue
l’avenue est passante
elle sent le tabac
les maisons sont des sangsues
avec des grilles vertébrales
je force mon ami
à mettre deux sucres
dans son café
dans les escaliers déserts
il y a  des odeurs
de tétanos et de naphtaline
la mer est toujours à l’ouest
c’est ce qu’on m’a dit
et j’y crois
aujourd’hui
je vais bouffer des patates
façon tapette à mouches
celles de mon potager
j’ai encore à la bouche
la friandise de ta langue
ton amende est trop amère…


Contentez- vous de prendre
les experts pour des imbéciles
les épinards par la barbichette
et par la queue
la chèvre de Monsieur Seguin
qui est un objet sexuel
pour le loup qui s’avance
selon certaines lois
cela personne ne nous l’apprend
pas plus que le tailleur
qui mord le sein droit
de la couturière
qui vient de Boston
retrouver un soldat français
en âge de lui mentir
contentez -vous de  mettre le couvert
de dresser la table
du bon  côté du nombril
des invités de marque
qui sont des mâles ingrats et sauvages
cela m’arrangera
je n’aurai plus à éponger
le col étroit
de leur insipide légèreté.


Est-ce à moi de vous dire  quelle mesure va au printemps et prend part l’automne, si ce n’est ma propre voix dans la corruption de vous avoir assommé  des mots d’inattentif avec son drapeau d’intimité porté trop haut et trop vite, du moins c’est ce que vous pensâtes,  je me retranche de vos interférences , de vos    beaux objets équivoques avec leur seconde vie  à ma vue altérable, j’écris que je ne veux plus écrire, mais de bas en haut et inversement, et ceci dans la perfection de mes sens et de mes idées, tout me porte au grand charroi de la diction, avec sa chair de lait aussi surprenante qu’un choc thermique, ne me tenez pas rigueur d’avoir été un homme qui n’a pas su retenir, se contenir, qui n’a pas su se retirer au bon  moment, j’ai une grande gueule, je klaxonne au volant et pour du n’importe quoi, je déferle de doutes,  et me fout de tous les sifflets dans la brume des matins et des soirs…
.


Celui qui donne
le premier baiser
comme une chose inévitable
on le nomme Judas
il nous revient en face
le jour de l’exécution
il a des deniers en poche
il est allé aux putes
viveur vivant quoi
cet autre qui est sur la croix
il est de la race des hommes
et la traîtrise
de celui qui le livra
au peloton est pardonné
Il s’adresse à son père
en haut du plus que haut
il parle d’abandon
le ciel se fait noir
la terre tremble
est secouée de toutes parts
les esprits deviennent spirituels
quelqu’un frappe à ma porte
j’enfile mes pantoufles
une femme m’embrasse sur la bouche…


Les siècles sèchent sur le papier
aux étranglements étroits
à nos mains de chancre
que la marée
caresse en coupes sombres
les éponges gèlent
et rendent aphones
les mariés multicolores
qui chantent sur les toits
l’ardoise y est fine
les mariés tombent au sol
on a mis le feu à la maison
les moellons sont déjà
des pierres au cimetière
pour les premiers murs
je lis un conte de fées
à ma fille de cinq ans
un oiseau cogne à ma fenêtre
c’est une feuille de  buvard
tachée par l’encre sèche
des souvenirs
et des méduses empourprées
qui sont dans le jardin
à dormir dans un siècle mort


Combien et tant de fois  dans la même prière j’ai  prononcé le mot furieux de Dieu et combien ses servantes toujours sentimentales ont parlé de son absence, j’ai mis le feu à ses bissectrices, à ses bazars et bijouteries, dans l’air du soir j’ai cramé le  chœur des cathédrales d’où s’élevaient tous ces vieux refrains  disponibles sur les missels,  brulé ses fournils d’où sortait la pain rassis de nos péchés et blessures, puis pris un aspect confus,  j’ai balayé l’immensité de l’espace devant moi avec mon corps jaune, pris pour peur en chaque saison humide ou sèche, j’avance masqué,  silencieux sur une route que longent des rails, il est minuit et je veille, il ne passe aucun train…


Dans chacun de mes mouvements, happé par une distance sans nom, je m’éloigne des hommes dans la perfection délibérée d’un qui aurai saisi  leurs facultés infectes, leur fatuité et leur nature.


On peut autopsier un corps tout comme un livre, les deux donnent sur la puanteur d’une charogne.


Je ne me suis chargé  que de l’irréparable, j’avance dans la misère humaine.


Je n’ai pas de de motif pour vivre dans ce monde, qu’y fais je, l’ignore, et c’est que j’ignore, je l’ignore bien…


A chaque fois que je me retourne sur mes pas , je me vois tel un baudet avec  des charges et qui ahane..

Les rois sont fainéants, les citrons pressés, les brebis galeuses,  les cercles  infernaux, le ciel est bleu comme une enclume, ma petite cylindrée fait des miracles, je pars à la campagne rencontrer tout ce beau monde…


On trime, on construit une maison, on fait de  la marmaille, on traîne les pieds, on se retrouve à la fin  de la vie avec une pierre en bouche, du sel dans les yeux, ah qu’elle est  belle l’existence quand elle est devant soi…


Les années passent, certains méritent d’y passer mais ils y restent ; et la plupart est con,  quant à moi qui suis de ceux- là, je n’ai pas le temps de m’arrêter sur ce que j’y fais, je m’y emploierai une autrefois.


Mon jardin est lumineux, on ne sait jamais, une femme pourrait y venir, ma chambre est lumineuse, on ne sait jamais, une femme pourrait y  dormir, l’intérieur de corps est lumineux, on ne sait jamais, une femme pourrait y entrer,  quant au reste ça fait un petit bruit de fuite ou de flûte, et ça il ne faut pas en parler...


La vache folle broute au ciel indéfini un bol  de nuages blancs, les nuages donnent du lait, de la crème, des yaourts, ça c’est le côté beauté de la chose, bien, mais on apprend que les nuages bleus sont gris, ça change la donne, alors se ravise , on vomit le tout, saloperie d’herbivore.


Le bruit que fait  la grammaire est rond comme un  sagittaire ou un  scorpion, le bruit que  l’orthographe est également rond, quant au bruit que fait  l’âme, ça pourrait faire  penser à une pensée de Dieu, mais comme Dieu et bien qu’il soit partout ne connaît aucun son, on se dit qu’il faut tout passer sous silence.


J’ai jeté des graines de tournesol au vent, le vent les a délicatement clairsemé, l’été venu mes tournesols furent telle une mer   au jaune étincelant,  le protocole aurait voulu  que le paysan les coupât, je m’y refusais, vint l’automne, vint l’hiver, mes tournesols sont toujours dans l’or, que c’est beau le temps,  que c’est beau l’avenir….