Au jour le jour 337

Je vois la nuit aux tours contraires
sous tes yeux de porphyre
et ma main qui les cerne
est grâce à ta largesse
les chats perchés qui dorment
sur la  margelle du puits
sont aux rides de nos tempes
comme trempe à l’oubli
et nous nous regardons
dans cette obscurité
à l’or sage d’une lampe
qui ne s’est pas éteinte
ta hanche est cette arche
par où vont mes soldats
un arc sur l’épaule
une flèche à chaque doigt
et je te presse encore
avec mes jambes blanches
comme un oiseau blessé
que j’aurais ramassé
au verger où les pommes
sont tombées du fruitier…


C’est un automne de fer de vert
et de  cément
à l’identité même
de ton être vivant
prière archet ou feu
je te mets dans mes mains
 comme un homme seul qui passe
entre dans ta maison
dort sur le canapé
avec moins de besogne
que s’il  avait ouvert
un coffre millénaire
au sortir d’une prison
les nuits se font ardentes
et sous multipliées
chacun dort  mal de l’autre
et rien n’est oublié
les faits les rituels
ancestraux et qui pèsent
un siècle d’anathèmes
de rotures et d’abcès
vainqueur nul ne l’est point
pas plus qu’il n’est vaincu
je te sonde tu me sondes
c’est comme un offertoire
aux offices premiers
de nos tous premiers soirs…

Et l’horizon s’hérisse de nos lois incertaines, l’expérience a le visage de toutes les périodes où nous avons souffert qui montent vers la lune ,plus haute que les enfers ,ta tête est au sommeil essentiel, mais tu ne dors pas, moi je suis plein de toi et de cette écriture qui t’atteint lorsque tu le désires, la grâce est un intermittent autant dans le silence du jour que dans la nuit que je  bannis, de sombres années de givre t’ont  imprimée dans une faux manuscrit, c’est celui de tes hivers aux premières cendrées, j’écris pour te reproduire, te dupliquer en moi, c’est l’obscurité qui nous reçoit , nous nous endormons dans un lit que j’ai tiédi avant toi, pour une quantité de repos qui sent le menthe , les fougères et les oiseaux…

On atteint tant au cœur
que la bouche se méprend
n raison en odeur
et jusqu’au vert giron
qui sont aux yeux liquides
une arrière une arrière saison
où  se sont établis
des animaux sans nom
le premier qui les voit
a une image fine
qui colle à même la peau
et contre ses rétines
et celui qui regarde
au-delà des distances
il est déjà trop loin
muré dans le silence
moi à te regarder
éperdu de mes sens
je me sens dans la dextre
d’un célèbre gaucher
qui tient d’une main un colt
et dans l’autre un collet…


Nous commettons encore
dans nos lointains appels
le crime d’être connus
aux mains habituelles
et le ciel parapet
aux jours tremblants  qui tremblent
est comme un archipel
rouillé le désespoir
et celle qui rira
le fera dans le noir
moi qui ait tant marché
avec la tête haute
aux traverses des bois
dans les laies les futaies
j’ai des pointes à mes doigts
mes lacets secs m’entravent
je me maintiens debout
mais je n’avance plus
la lueur n’est pas bleue
à la docile mer
et tu t’endors en moi
qui évacue sa faim…

C’est le premier enfant qui sort de l’école qui est aussitôt dans les bras de sa mère, bien serré contre son cœur, combien j’aurais voulu allé dans cette allure, ma mère a toujours été dans l’absence, celle qui est un sale paquet d’ombres, de froidures, de  silences, combien  j’ai attendu sous le préau que sa main parvienne jusqu’à la mienne, et combien je pourrissais sur mes extrémités dans les premiers frimas où j’allais en classe sans gant dans la vêture crasseuse des plus âgés et qui n’étaient pas encore de ma taille, mon enfance fut un ramassis de mauvais points, de pointes hérissées  qui me montaient jusqu’à la bouche afin que je vomisse  ses occupations à m’oublier ,mais  je n’ai rien oublié d’elle, pas plus son amour, que sa folie, c’est dans  ce petit âge que je suis devenu d’un métal roide, pas malléable, la trempe a fait de moi une face cachée.