Au jour le jour 316

Sortis de la douleur, de quelle crasse obligée pouvons-nous témoigner, sinon de toutes les conciliations ?

La douleur serait une recomposition de toutes mes faiblesses, que ma faiblesse même me mettrait dans toutes ses directions.

J'ai détourné des désirs, tensions ineffables, à des fins ostentatoires, à des suicides entachés de vivre, sans les complications inhérentes à l'esprit qui s'abaisse.

Chaque heure m'est une fatigue qui perle verticalement dans le sens de m'allonger.

Tant tout pèse, que mes équilibres sont de l'ordre d'une dernière miséricorde où j'articule de l'existence pour des élans inconsidérés.

J'aurais réduit ma vie à des obligations, et jusqu'à la maladie, mon corps n'aura été que le portefaix de ces représentations où ma déficience était la seule incertitude qui vaille qu'on la considère.

Lorsqu'on est seul à l'égard de soi, les autres ont déjà disparu à jamais, ou se sont éteints, mais si près de nous, si près...

Je dis parfois des mots qui témoignent de ma terreur d'être, et se posent dans l'obscurité des hommes pour des vertiges qui accablent leur condition.

Etre un évènement dans les imperceptibles soubresauts de la conscience, quand elle cherche sa place parmi les morts.

La mort je la vois comme la seule intimité qui tienne un commerce dans un bordel, et s'arrange de celui de ses latrines.

Il est vrai, qu'en apparente réserve, j'ai voulu me reconnaître des avantages que seule l'hébétude réhabilite par ses muettes contemplations.

Autant dire que le verbe est si haut, si fort, que c'est la seule musique dont l'aide violente se consomme sans savoir.Ma dernière bouffée d'oxygène aura le goût amer d'un poison définitif.

Ma vitalité, je la dois à ce corps qui se questionne en démentant continuellement les farces de l'existence, celles où l'on se piétine soi-même.

Minérales, mes incertitudes ont grandi par dessus mes douleurs, jusqu'à l'apoplexie, en passant par la contribution de toutes mes purulentes matières à réflexion. Nous exagérons ces innocences muettes qui se traduisent par du rêve, s’irisent en lui,

jusqu’à ces réserves où nous jouons à des abandons, pour des inconforts aussi froids que si nous regardions le ciel avec nos yeux gelés, pour n’y voir que des chérubins qui salivent et qui bavent.

Tout ce que j’ai conçu dans mes afflictions n’a pas supporté la clairvoyance de mes pairs, et s’est éteint dans la même indifférence qui se noue à mes entrailles et me brouille avec moi-même.

Personne ne m’excusera d’avoir été un homme qui ne tenait à la vie qu’en passages, comme pour parodier des éternités douteuses figées sur des lignes et des toiles.

Sachant que tout se perd, je n’ai gardé qu’un semblant de lucidité pour cet allant qui va de la tentative à la fatalité, pour des moments institués comme des régences.

Devenir gentiment rudimentaire, par l’abstinence et la dérogation.

J’ai chiqué toutes mes résolutions pour m’échouer parmi les hommes, sans déborder et sans emploi.

J’aime et je le camoufle, cette parité m’est tenue pour une astuce dont j’use, ne voulant pas être compté au nombre des menteurs assermentés.

Je resquille dans l’impudeur de toutes ces réalités, et le paye des années plus tard dans les funérailles de l’affect…

Où serais-je à mon avantage sans être finissant ?

Ce besoin de tout perdre, de n’être pas éclairé, de vaciller, il faudra bien qu’immanquablement il concerne le monde.

Impulsif, je serais resté indemne si une seule de mes idées ne m’avait mis hors de moi.

Attentif, appliqué à moi, rien qu’à moi, et dire que je me dessers tant sans y prendre garde.

De sorte que jamais je ne sois un exemple, je me dois de résider ailleurs que dans un lieu commun.

Toutes ces années où agonir a eu mes rendements, et où je n’ai prié que par déception.

Survivre à toutes les faillites, à toutes les déceptions, et ne plus se compromettre avec les pharmaciens.

Accès de fièvre et de fureur ;ne pas guérir, ne pas prier, et toujours ignorer que la douleur tient du savoir et du repentir.

L’ennui me confère cet air de religieux déçu, qui plus il regarde vers Dieu, moins il veut s’en approcher.

Le goût des autres plus on en a connaissance plus on veut en user.

En prise avec cette lubie de mortel, je songe davantage à ne formuler que des inepties pour n’avoir pas à œuvrer ;mais voilà que je fais, et j’ai droit aux mêmes interprétations.

Au dernier degré de respirer, je vous honnirai, j’aurai encore quelque morve pour vous.

Toutes les performances s’établissent sur les carences de ceux là mêmes qui suivront notre enterrement.

Dépossédé, mais pas monstrueux.

L'art nous met toujours dans un cercle d’illusions où il nous faut le maximum d'expérience pour en apprécier les processus et les procédés.

M’est consubstantiel tout ce que je commets pour composer  avec mes vacuités.

Il y a des mots spécifiques à chaque âge et que nous exagérons pour nous extasier de tout ce que nous avons franchi comme temps.

On peut tout imaginer de ce qui n’adviendra jamais sans en être affecté.

Adviendra que le temps nous sera intolérable, il faudra alors porter notre intérêt sur une autre forme d'étape.

La punition d'exister, seule forme originale de l'être.

Dans une bibliothèque on peut tout imaginer, même que quelqu'un ait écrit des infamies à notre encontre.

À l'éternité des figures stimulantes qui me hantent, je préfère tous ces visages inamicaux qui m'environnent et qu'on appelle les hommes.

J'ai renoncé au sérieux dès lors que j'ai senti qu'il s'agissait d'un chien voulant me mordre en préservant ses privilèges.

On a beau  réfléchir et réfléchir encore sur ce qui nous compose, aucune réponse irréfutable ne peut nous convenir, sinon une qui serait morte née.

On ne dira jamais assez de mal du genre humain, sinon dans la maladie ou la moribonderie.

J’ai connu des hommes qui ont voulu changer de nom, faute de pouvoir changer d'identité.

La nostalgie est l'exemple parfait d'une image insatisfaite qui cherche à se détendre en nous, tout en nous allongeant dans un lit en  portefeuille.

Les voix charnelles, charmeuses et charmantes sont toujours pleines de désespoir.

Soyez déraisonnables, c'est la seule façon d'avoir l'avantage sur ceux qui croient en être pourvu.

J'aime impuissamment dans mes folies passagères et en retiens mon inclination à m'en satisfaire.

L'âge nous donne toujours le caractère d'un survivant.

Qu'est-ce qui nous rattache la vie sinon l'envie de la simplifier ?

Après une soirée entre amis j'ai le sentiment d’avoir souper avec mes ancêtres.

Les meilleurs coups bas de l'existence sont encore à inventer.

Tant de livres illisibles et détestables, je les range dans une obscurité de peur d'en exécrer d'autres.

La vieillesse c'est année après année déformer la joie, pour  subir ce que nous lui avons fait subir comme mauvais traitements.

J'envisage de me devenir étranger, comment m'y prendre, si ce n'est de me laisser croire que je suis dans ce courant depuis fort longtemps.

Que faire de l'expérience d'être, n'importe quoi, oui mais bien !

Je crois que dans le silence nous faisons voler nos monde  en éclats pour en faire un enfer à notre goût.

Se fuir est facile, se retrouver l’est moins.

Nos convictions sont si précises qu'elles conduisent à de l'inconciliable.

J'ai toujours écrit des lettres comme remède à mes insuffisances, puis les ai rangées, c'est un exercice de liberté première.

On parcourt le monde pour en observer de près ce qui touche à nous,et ce qui touche à nous se confond aussitôt à notre désir d'évasion et rien d'autre.

Nous faisons tout le constat de nos journées, nous voilà épuisés jusqu'au lendemain, puis nous recommençons.

Le mot va de l’esbroufe à des avantages signalés par notre propension à en mettre un peu partout sans qu’on y soit incité.

Tous ces instants où l'on s'expose, il suffit de s'en souvenir pour vouloir se mettre hors  du monde.

Pour atteindre à l'ivresse de vivre, il faut soit être martyr, soit divaguer.

J'aime le sommeil qui me vide toutes ces présences qui veulent  m'éviter de les rejoindre.

Je me suis attaché à cette conscience qui laisse le hasard aller à l'amour, et l'amour dans la niaiserie du renouveau.