Au jour le jour 288 (1977)



Mais bon sang
Dans ce fleuve
De lampes aux yeux piqués
Pourquoi jetais tu donc
Des almanachs à rire
Des paroles à pleurer
Ce qui me consolait de mes grouillantes peines
Et tous ces vains prophètes
Des siècles oubliés
Piégés en leur dessein
Qui manquaient de scandales.
J’ai la passion des bêtes
Et des voix qui s’inclinent
Cette voix qu’est la mienne
N’éclaire que mon chemin
Tous mes déserts sont de chaux vive
Coupe gorge insatiable
Au cœur de graine froide
Je n’ai de connaissance
Qu’au milieu de tes nuits.

La nuit étalonnée
En longues maladies borgnes
A ses flancs de dormeuse
Traîne des retrouvailles
Et des voix sourdes d’eau
Je ne sais des dépouilles
Que les paillasses froides
Les zéniths à quérir
En base de bleu de gris
Mais voilà qu’il me faut
Des milliers de symboles
Pour des résurrections
Au temple des propos
Amoindrie par tes cris
Les horloges palissent
Et s’époumonent
Les vieux ne constituent
Que des tessons ardents
Vivent les chairs impures
Et le microsillon
Hélas les assassins
Ont les épaules lourdes
Et des veines trop bleues
Pour ne rien supporter.


Comme tout est invisible, nous voilà roi ou dieu, risquant tous les scandales ;aux bistrots gris des soirs, je préfère les palais, artères doublées de feux, de furies et d’oiseaux, là le sang m’est une victoire qui n’affole qu’à demi, mais puisqu’il faut un âge, on finit centenaire pour n’avoir pas douter.


J’avais quinze ans de pierres et quinze ans de délits, les femmes à tête nue me marquaient de leurs doigts, je penchais pour ces nids, joyaux des arbres morts, où silencieusement les billes devenaien,t perles, ô mon adolescence, des altitudes de sel, tu relâches ces oiseaux mal épris de ce monde.


Le petit homme du mensonge
Qui tempête tous les soirs
A des maux de poitrine
Et s’endort sous la table
Il joue de l’harmonium
Dans le sable des rivières
Puis s’endort alourdi
Les yeux lavés de ciel
Sur les hautes montagnes
Où saignent des grillons.
Il m’est un grand pays
Où nous serons prophète
Avec des mains de sel
Et des yeux de gravier
Les femmes qui sont le bruit
Quand la nuit les disperse
Nous sècheront de larmes
Pour ne pas trop douter
Quel dommage pour les chiens
Qui ne sont que la terre
Et l’unique danger
Je sommeille dans un amour de plaine
Il y a sous la pluie
Des granges où grille le grain
Une enfance savante
Qui voyage à l’envers
Une terre étoilée
Un verger de chair bleuie aux vents
Et une femme qui sent le vin
Après s’être brossée les dents.

Quand sont barrés nos yeux trop lourds
Il nous arrive des rencontres
Comme un vol de bourdons
Comme des cantilènes
Comme de saintes manières
Comme des années sous terre
Que faire alors
D’un clair désordre
Où il fait bon douter
De ses faîtes de ses crimes.
Jeunesse un jour où l’autre
Je te bibiterai
Tes paradis latins
Et tes éros centers
Nous monterons en croupe
Nos nuits habituelles arçonnée garçonnée
Dans les réduits de ma mémoire
O ma pauvre jeunesse
Dans un décor de menthe et de lilas.

La neige est imprenable
J’ai faim de nos rencontres
De tes pitiés osseuses
De tes sillons obscurs
Du large de tes ans
De tes désordres
Des nuits rompues au sel
De tes mains assassines
De tous tes paradoxes
Qui tremblent sous mes traits.
Je crée dans mon désordre
Une ville à courte vie
Aux habitudes de pendaisons
Une nuit de feux de crimes
De confidences et de déchets
J’interdis les adresses
Les noms de lieux de rues
Il nous faudra nous perdre
Nous perdre et condamner
Ces mannequins de bronze
Qui parlent dans le vent.
Inquiet de ta beauté
Et de tes privilèges
Je te réserve des parfums
Et des arômes d’arbres communs
Tu es cette ombre de sable fin
Avec des mains de sortilège
Pour ne venir en aide
Qu’à ceux qui ont tant vu
Le printemps et ses chiens
Saigner en des vergers
Où l’herbe déménage.

Tu garderas en tes mains blême
Le dur labeur de tout frotter
Les lampes aux songes de miracles
Les parquets en lune ocrée
Tu garderas en tes paumettes dix mille morts
D’origine terrestre ou maritime
Quelques fleurs à branchies
Tendrement ordonnées
Des rêves d’herbes cousus
Aux tremblantes liqueurs
Les plaintes des marécages
Les neiges violacées
Des adieux de pinson
D’étourneau éternel
Précieux précis fugaces
Et une indifférence
Pour les chambres du ciel
Je t’aime au fil du sang
Pauvre pitié vermeille
Les aux revoirs
Sont en repos
Et les colombes touchent ton ciel
La mort est en automne
Nul ne peut la prévoir
Sinon dans le sommeil
Imprenable tumeur.