Au jour le jour 284 (1977)


Que chacune se souvienne du clair moment de nos partages, de nos détours ,de nos mensonges, de nos vingt ans bleuis dans les filets du sang…nos chairs nues se chargeaient comme des postes à galène, tirés les rideaux de nos artères, nous jouions à la bête ,à la monture, à l’amble et parfois plus…nous voilà aujourd’hui dans un âcre ordinaire, pétés, cons, sots et féroces, à hurler solitaires nos anciennes blessures, nos anciens manifestes, ces coups de poings et d’os dans des chambres sans lavabo...

Clair dimanche métallique sur la place des Vosges, tu aimes qui t’aime, louve à tous tes étiages, dans toutes tes mesures ange roussi du charbon, émouvante impudeur à nous planter tout con sous les néons cuivrés, si rouges de leurs récoltes, de leurs éclats de ville de leurs états de veille, tu aimes qui t’aime ,louve des prisunics ;épaule contre épaule, nous nous parlons de nous…


Nous aurons dans ces terres étoilées de grandes filles folles à nous péter la tête avec leur casque d’or, de grandes filles frêles ,potences de bois de coudrier, aux peaux dures crénelées comme des encoignures, de grandes filles sombres comme des cariatides, renouvelant nos peines en tous lieux souterrains, nos soifs et nos calvaires, avec leurs rires de bêtes trop ivres, de louves cachées ,terrées en des forêts profondes, boueuses comme noyades, étagées comme épîtres. nous aurons des pudeurs d’ascenseurs et d’escaliers, des peurs de la surface, des escales à couteaux, et des yeux clos sur le monde, jusqu’à tout oublier des filles folles et saoules qui portent dans leur ventre, e chemin de nos jeunes âges…




J’entends qu’on m’aime comme plume à colt, nerf à sabot, chair à pipeau, moi osseux, bienveillant aux rumeurs de la lune, j’écris pour dire le sang des sarabandes, des tournesols, des vierges dans les vergers, le ventre des croupières drapées comme des boxeurs, j’écris pour la manière et la magie des océanes, pour la barbe des anges, le crachat des fontaines, le foutoir ogival de mon âme dévoyée.. j’entends qu’on m’aime pour ma misère de me sa voir idiot pédé, nu et le tout à la fois, pour juillet aux chandelles et décembre aux mouroirs, pour le plongeon de l’eau le long des larges berges, retenues comme les blés coupés dans le dédain, j’entends vous dire ma vingtaine et le cœur immobile comme un orage dans sa bogue…


Les assassins sont saouls de l’herbe qui les mange, épaules bleues du regret, paumes des tristesses aux sécateurs, voix de repos mal façonnée…les assassins ont les yeux froids, leurs veines les retiennent d’un écho, écu sonore dans les golfes du songe, nul ne leur réclame un prénom, ils n’ont jamais connu de femmes qui les regarderont rire ou pleurer, pleurer et rire, et leur donner leurs mains chaudes à resserrer comme un ennui…


Au cœur du cœur le sang détonne sommeille et roule, les artères inviolées cachent des ciseaux de pluie, des entrepôts de lune…écorché je regarde mousser la sève bleue de des lampes en intérieur, le soir tangue comme une femme sur ses talons perchée, m’abandonne des idées à inonder ma tête, à creuser dans la terre des étreintes de souffre, seul j’ai peur de ce voyage qu’on fait les lèvres closes…


Une fille d’âge ingrat m’écarte de ma peine, l’écureuil de ses jambes salive sur ses pas, petite pitié osseuse à qui les chiens lèchent les eaux, tu me rapproches de mon enfance, dimension claire du lait, de l’épi du blé lourd, m’écartes des en tête où se prononce l’aveugle, tenace comme l’écorce du soleil le plus haut, ténue comme un fétu, comme le temps d’une asphalte posée sur le feutre des villes, moitié de fin du mot cristal, de quel printemps est tu le brin,de quelle mémoire es tu le cri…mon équateur d’étoiles, clapotis dans les paumes, croisées des bras brisés pour des départs de hune, mon échappée de caravelles, toi si triste aujourd’hui, avec dessous tes côtes, des seins pour tes nouvelles veilles…


Au jardin clos de menthe, de fougères et d’oiseaux Marthe barrage sa vie, son cœur sous son polo, son visage de légende à me mettre en son siècle, à détourner mes pas des palmes de son sang, Marthe et ses bouquets d’ombres, ces murs serrés étroits comme des fruits au sommeil de fruits, Marthe du novembre sourd, de l’eau tirée des terres bornées et roides, Marthe qui toujours s’écoule en longs frémissements, qui échoue en mon âme et qui encore se tend, pour me tenir idiot au large de ses ans…


J’aime qui m’aime obscur au lointain de mes ans, froid comme la houille blanche des nefs sans baptistère, comme pelure de goudron, comme lieues à chaussons, j’aime qui m’aime poreux de tous mes instants saoul, vertical, immobile entre farces et vitraux, borgne pour deviner les tournesols de l’âme étoiler ces balcons où le feu emménage…


A l’évidence mûre de propos d’abbaye, je préfère l’enchère du mot à dérouler, pâle siècle chevrotant masqué comme une fille, ton ventre sec rougit d’inconstance, de baisers, du poids lent du toucher…hélas pour toi qui tend ta frimousse aux frimas, tes fourrures aux sous bois, au gel et aux hourras, qui brûles tes outils dans le violent vertige, ton nom de croix dressé n’aura pas ses calvaires…


Le jour comme un pétard éclate dans mes veines, les nœuds de mon sang clair déchire ma mémoire ;j’ai mal de te savoir au théâtre accomplie, ordonnée aux offenses, pâle sur ordonnance, confuse du bout des doigts pour dépiauter mes os, mordre dans ma chair la pâte de tous mes bluffs, prolonger mes enfances coupantes comme tessons, et compliquer ma vie levée pour des injures…


Mercredi dans l’amas des mots irrespirables, moi charbonneux et fous de souffles retenus.. ne pas laisser mes yeux au comptoir de son âme, ne pas la regarder secoué de désir, marelle d’un désespoir sur une tablette liquide, comme mes veines lourdes du compas de ces bras, des flocons de ce corps qui se tend et me perd pour figurer idiot aux magasins du sang…


Jeudi nauséabond comme des poignées de son pour des gorets assis, toi tenace, impassible pour écorcer le gel, affolé comme un lapin pris dans un phare d’automobile, je bourdonne de lapsus éblouissants de chrome….la nuit point ; l’œil liquide aux détroits des pas qui te retiennent de moi, je claque la portière de mon fourgon crasseux….demain te retrouver dans cette banlieue d’ogives, phalène dans un vitrail, éclaboussée des franges d’une autre petite vie.


Sentence du soleil dans l’ombre qui me couvre, j’ai peur de ces couleurs mollement étalées…moi familier d’encombres, fragile, flou et sot, jetant haut dans le ciel les pierres de mes orages, je te dis la soif comme paillue et la faim comme herbue….mort le temps aujourd’hui en présence de ton nom…mon ivresse indigo aux parmes du partir pour de jeux équivoques aux cuisses d’ajoncs, de benjoin, n’est pas dans tes avances, tu as dans tes yeux pers une bête qui s’avance et qu’on tue…


Tes longs bras nus de neige à tes côtes de sel, un café sans mémoire sans nom, sans étiquette ;le temps sommé de vivre pose des voyous troublants dans la rue ruisselante…jour muet, jour transi, les chiens ont le respect de leurs propres douleurs…et puis une cigarette, un haricot de flamme, la fumée qui bave, et puis une cigarette qui me fait le mal d’être…


Debout tôt, tes yeux de chienne aveugle m’empêche une lenteur, endormi aux propos des loups et des chacals, je m’assieds dans ma peine comme une brute dans un fauteuil.. voici la bête ivrogne qui jappe pour un prénom, muselle son désespoir dans ses cheveux de dogue, s’embrume se pète la gueule avec du vin de Tunisie, puis rentre saoul, seul, las, bas, tremblant comme une paupière, comme un forçat roulé de fers, avec son mal de terrassier et ses yeux de vaisselle sale salis par tant d’autres regards…


Ma chaude nécessité d’entre louve et clairon, diane du bout des doigts, je te prête des midis à soulever mon sang, armure qui te suscite des mots de solstice, de chien ou de chacal, cœur chaland aux mains qui te retiennent d’être le feu, plaine brûlante, gageuse d’incendies, lente pitié affût du testament, du négoce entre nous, et puis toutes ces distances où chacun prend sa place…



Petite pute qui te plains entre L’Hambourg et Koenigsberg, fille dorée, écharpée, bombance du portefeuille, l’arabesque de tes liqueurs s’ocre dans mes veines, tracés d’un vain repos dans des maisons de passe, à diviser pouvoir, mouchoir et chair d’épi, putain d’arrêt avec des mains pour des amours déçues, tes cuisses de fuselage font tout comme du bastringue, jusqu’à ne plus savoir combien il faut payer…


C’était ma vie, j’y étais pauvre, ton cœur s’ourlait sous tes paupières, splendide amour déçu, mensonge de musicienne, quand ton rire s’écrasait comme un tison brûlant,s ’étalait dans le froid….c’était ma vie, et j’étais sot, colt au froc pour des rengaines, détour du tout pour des rancunes, sans la corde de lin, de la paume au poignet un liseré s’étend, il rouille de lui-même…


De longues filles épuisées, neigeuses à leurs poignets poignardent des jours de noces à dormir dans le gel, chambre de bonne, discorde dans nos vacances, nos vacuités, coïncidences bouchues dans les grelots de l’âge, puis tout le tintamarre de nos propres dangers…