Au jour le jour 279 (1977)

La femme à laquelle on s’attache
On la retrouve un soir
Couchée dans la baignoire
Elle est nue indifférente
Il nous vient alors en tête
Un petit crime si léger et si poli
Que le poison des jours
Fait le tour de la raison
Lance des pierres
Sur ce qui bouge
Se meut encore
Dans nos mémoires
Pour une exécution
Des ordres d’insoumis
C’est là dans cette république de rats
De schizophrènes qu’est notre place
Et nous en pleurons.


Celle qui me dénonça avait un cœur épais comme le lait des vaches maigres, elle s’ouvrait haut les veines sur de l’asphalte nue, courait dans les montagnes étranglées de soleil, ouvrait ses bras aux joies aigres des colleurs d’affiches, celle qui me dénonça, sans jamais regarder en arrière, était femme de blé, d’agate, de rivage, et d’une pauvre beauté pour mériter son nom.


Imaginons un secret, grand comme un dé à coudre ,lourd comme une purée de poix on le tait, on le retient dans sa tête pour ne jamais le divulguer, mais voilà que ce secret se met en boule ;son monde est bien trop vulnérable, et le secret parle, il parle si fort et si bien qu’on lui paye un avion pour visiter tous les pays.


Déjà au mois d’avril, il plonge dans les étangs vosgiens habillé en scaphandrier, elle, elle le guette sur les berges boueuses, écartelée entre deux ciels ;puis c’est un corps qui exulte à la surface, éclate à la lumière, et elle ,blanche de s’abandonner dans ses bras humides qui savent une autre existence.

A toi qui voyages
Au plus loin du dedans
A toi écho de porcelaine
A toi je promets
Le sable l’eau le sel et le papier
Comme dix mille abandons
Qui signifient le ciel
Autant que le naufrage.
Je m’attache à te préciser
En ce midi
Où toute chose est verticale
Si familière
Et si lointaine
Que seuls comptent le vent
Les roitelets et les bleuets
Le vent pour les versants
Les roitelets pour les saisons
Et les bleuets pour ton éclat.


Elle tombe de haut
Dit des salades
Se conifie
Je la battrais
L’éreinterais
La courberais
Hélas je ne suis qu’un baudet
Avec des mains de vaisselier.
Elle disait souffrir des télescopages
On ne fait pas une femme avec des miettes et du papier
Un soir avec de l’argent bien propre
Elle se procure une nouvelle vie
Parmi les voyageurs les touristes et les curistes
Depuis ce jour elle se fane
Ne répond plus au téléphone
Moi ça me fait grand mal
De la savoir occupée aux sales besognes
Que j’en oublie mon imparfait.

Le jour qu’elle entre dans ma vie
Qu’elle s’ouvre
Me montre tous ses cultes
Qu’elle met ses beaux habits
Qu’elle se saoule de mon vin
Qu’elle me questionne
M’apprend ses heures de nuit
Décide de mon sort
Se projette dans des insoumissions
Le jour qu’elle..
Ma fortune est à vos pieds
C’est un grain de café
Grand comme une pyramide
La pyramide est sous terre
C’est une autre Babylone
Quatre heures
Nous déjeunons
Le Tibre s’ourle de djinns
Avec ses papillons rouges
Puis nous dormons
Sur le divan.