Au jour le jour 277 (1977)

Il pleut sur la pluie et j’ai tant besoin d’eau pour raisonner ma peine, des vagues d’urine chaude balayent les trottoirs, et l’envie de vous dire des mots à ne pas dire me secoue comme du jonc dans le vent débité ;mon passé aux rouages d’herbes et de nonchalances brûle du feu des prairies étranglées de soleil et du cri des grillons, chaque larme des anges est une veine qui s’épanche, qui va dans ma poitrine, y dévoue toutes ses ronces, celles des ravines et de mon corps qui ne vous convient plus.


Putain de chienne aveugle au sortir du brasier, elle tangue avance et roule de ses sourcils aux talons hauts, j’ai mal de ses élans, pendulaire agité des soubresauts de nasse…elle est le slogan gras des affiches de ce jour « j’ai le pouvoir de durer »merde à cette délicieuse éternité, avec ses seins de fermeture, de zips, d’éclairs, d’archipels et de cirques, avec ses fesse de chardon bleu dans le cuir de leur peau, avec la houle de ses hanches comme consigne à tenir, avec ses yeux gainés de houille et ses cheveux café.. il me faut à présent lui présenter ma peine, mon nom,mes répugnances et mes rigueurs pour un compte imparfait.


Des poignets fins de sang aux cuisses des tiroirs, étagée comme dahlia, vestale comme la chienlit, tu veux cramer mes veines en canaux de tendresse, mes angles et mes cris ;ô belle endolorie, étalonnée de chair, de torts entretenue, ronge mes os et mes dents, insulte avec tes mains, ce corps contagieux planqué dans un miroir…


Au palais qui porte ton nom, tu souriais fiévreuse de ces colères en toi, tu t’accordais à l’heure, aux départs et aux hommes, tu aimais tous les jeux, équivoques d’équinoxe, tu gesticules encore…dans ta ville endormie tu t’agenouillais sur les pavés gras, tu disais que la terre était ton noble amour, tu m’embrassais hautaine sur la pointe des pieds le front et les paupières, fourrais ta langue dans ma bouche, répétais que jamais tu ne te répèterais…sous ton pull de soldate, tes seins polis comme un midi, guirlande de chair tendue, oiseaux à ma portée me fouissaient des gestes d’ensorceleur…plutôt que de monter un soir les marches du Sacré Cœur, nous avons parcouru les venelles du premier, cicatrices médiévales, l’ombre et ses moribonds recrachait tous ses crimes…


Tu m’aimeras comme une animale, je te lècherai comme un chevreau, assis, debout, couchés, moule aux doigts du mitron, pain chaud des retrouvailles ;nous aurons chair avide au soir de nuits de noces, des coupes et des compas, des coups de poings, de pieds, sur nos têtes et sur nos os, et des envies de bête pour saccager nos frondes…


Court circuitée Juliette, tu jouais à fâche fâche, d’autres te disaient folle….chacun pour soi ce jour dégringole sa souffrance, ces escaliers géants qu’on gravit avec des crampes…amère vie, vacuité, cordages de déraison, tu serres de nouveaux corps émigrés en des espaces de perdition, grands comme des pyramides, défilés où tu pourras valser, fille blanche et océane…


Neuf j’étais ta seule histoire, ta raison, bref, l’amour te remuait…aujourd’hui d’autres te reconnaissent, te saluent, crachent sur nos retrouvailles, salopent nos réconforts.. et voilà qu’il me vient des états de chien, de renard et de loup, des maux de tuiles et de toitures…j’ai la passion si rare, qu’il te faudra ô fille des cargaisons, une nouvelle décence, de nouveaux devoirs, et des appels au téléphone pour dépêtrer mes vieilles somnolences…


Te voilà là offerte, étonnée de ces hommes qui te gardaient à vue, Marthe des juillets lourds, des nuits de tête à tête…tu cognes dans mon sang, rebelle de haute haleine, patientes dans mes os que plus rien ne concerne, ni toi ni ton bonheur que tu élèves seul pour ne rien partager.


Elle sur ses hauts talons, moi pieds nus sur le sol, ses seins sous son polo, ses fesses pour le trafic des mains de branque, bouche de poulpe aux poignets tailladés, aux rouges cicatrices, éternité douteuse de son métier de pute, de la sotte dialectique. elle, elle râle, salive, voit plus grand, puis dit des conneries, ivresse des tempes qui s’encochent, et la température d’une aurore boréale…


Métronome de boudoir avec des notes contre la pluie, l’odeur des mariés, des mariages, des marécages, et la lie du bonsoir.. tu dis assez de cul ,assez de poudre, assez des ancres et des encrages.. il fait clair comme dans un gymnase où des garçons et des filles aussi cons que la goutte, boivent du lait, mange des pommes et ne se soucient que de leur quinzaine…


Nous aurons des fiertés, des grands frères pour les bleus, des faits divers, des aubes grises, fait le tour et le détour du verbe, des yeux pochés, une bouche à cran, novembre aux dieux sans thème et décembre aux mouchoirs, des femmes comme jeux de paumes, des femmes comme pour longtemps, des gestes pour retrouver les belles tonalités, des alcools, des couteaux, des choses à l’intérieur et puis des terrains vagues pour ne pas y rester…


D’abord ce fut une femme orvet, avec des cheveux rouges, cheveux de terre et d’horizon…malgré l’enfant qu’elle eut de moi elle me maudit jusqu’aux décembres…à la fête du village on lui jetait des pierres, c’est moi que l’on touchait…la nuit venue avec ses inconstances et sa nuit, avec ses hontes et ses pitiés, je pense à ce visage clos dans une chambre étouffante où elle défend sa vie avec son petit corps…


Mais bon sang
Dans ce fleuve
De lampes aux yeux piqués
Pourquoi jetais tu donc
Des almanachs à rire
Des paroles à pleurer
Ce qui me consolait de mes grouillantes peines
Et tous ces vains prophètes
Des siècles oubliés
Piégés en leur dessein
Qui manquaient de scandales.


J’ai la passion des bêtes
Et des voix qui s’inclinent
Cette voix qu’est la mienne
N’éclaire que mon chemin
Tous mes déserts sont de chaux vive
Coupe gorge insatiable
Au cœur de graine froide
Je n’ai de connaissance
Qu’au milieu de tes nuits.
La nuit étalonnée
En longues maladies borgnes
A ses flancs de dormeuse
Traîne des retrouvailles
Et des voix sourdes d’eau
Je ne sais des dépouilles
Que les paillasses froides
Les zéniths à quérir
En base de bleu de gris
Mais voilà qu’il me faut
Des milliers de symboles
Pour des résurrections
Au temple des propos
Amoindrie par tes cris
Les horloges palissent
Et s’époumonent
Les vieux ne constituent
Que des tessons ardents
Vivent les chairs impures
Et le microsillon
Hélas les assassins
Ont les épaules lourdes
Et des veines trop bleues
Pour ne rien supporter.


Comme tout est invisible, nous voilà roi ou dieu, risquant tous les scandales ;aux bistrots gris des soirs, je préfère les palais, artères doublées de feux, de furies et d’oiseaux, là le sang m’est une victoire qui n’affole qu’à demi, mais puisqu’il faut un âge, on finit centenaire pour n’avoir pas douter.


J’avais quinze ans de pierres et quinze ans de délits, les femmes à tête nue me marquaient de leurs doigts, je penchais pour ces nids, joyaux des arbres morts, où silencieusement les billes devenaien,t perles, ô mon adolescence, des altitudes de sel, tu relâches ces oiseaux mal épris de ce monde.


Le petit homme du mensonge
Qui tempête tous les soirs
A des maux de poitrine
Et s’endort sous la table
Il joue de l’harmonium
Dans le sable des rivières
Puis s’endort alourdi
Les yeux lavés de ciel
Sur les hautes montagnes
Où saignent des grillons.

Il m’est un grand pays
Où nous serons prophète
Avec des mains de sel
Et des yeux de gravier
Les femmes qui sont le bruit
Quand la nuit les disperse
Nous sècheront de larmes
Pour ne pas trop douter
Quel dommage pour les chiens
Qui ne sont que la terre
Et l’unique danger
Je sommeille dans un amour de plaine
Il y a sous la pluie
Des granges où grille le grain
Une enfance savante
Qui voyage à l’envers
Une terre étoilée
Un verger de chair bleuie aux vents
Et une femme qui sent le vin
Après s’être brossée les dents.


Quand sont barrés nos yeux trop lourds
Il nous arrive des rencontres
Comme un vol de bourdons
Comme des cantilènes
Comme de saintes manières
Comme des années sous terre
Que faire alors
D’un clair désordre
Où il fait bon douter
De ses faîtes de ses crimes.
Jeunesse un jour où l’autre
Je te bibiterai
Tes paradis latins
Et tes éros centers
Nous monterons en croupe
Nos nuits habituelles arçonnée garçonnée
Dans les réduits de ma mémoire
O ma pauvre jeunesse
Dans un décor de menthe et de lilas.


La neige est imprenable
J’ai faim de nos rencontres
De tes pitiés osseuses
De tes sillons obscurs
Du large de tes ans
De tes désordres
Des nuits rompues au sel
De tes mains assassines
De tous tes paradoxes
Qui tremblent sous mes traits.
Je crée dans mon désordre
Une ville à courte vie
Aux habitudes de pendaisons
Une nuit de feux de crimes
De confidences et de déchets
J’interdis les adresses
Les noms de lieux de rues
Il nous faudra nous perdre
Nous perdre et condamner
Ces mannequins de bronze
Qui parlent dans le vent.