Au jour le jour 262 (1977)

Moi te livrer nue
Aux fauves du songe infect
Te perdre dans les forêts
Doublées de marécages
Te sacrifier aux dieux
Faiseurs de tort et de désordre
Aux fers aux nœuds à la paresse
O fille sans équivoque
Encore légère d’adolescence
Je chante si haut ton nom
Et j’ai pourtant le choix

La nuit qu’elle nous arrive après un film de Fassbinder, on a envie de la flinguer, de lui balancer des cailloux, mais comme elle a l’odeur du temps, on sait qu’on doit partir avec elle en excursion ou en exercice, puis quand il pleut, on rentre à pieds tous les deux sous un parapluie ,et on se dit que jamais il n’y aura de lits jumeaux.

Les unes plus jolies que les nôtres, le cœur à découvert, les seins comme des épis inaccessibles, lointaines, belles dans leur indisponibilité, et pour nous les rêves dans des enclos, le corps coincé, les yeux qui se dérobent, mon dieu quelle connerie tous ces réveils étoilés.

M’étant habitué à moi, j’ai fait le vœu de m’habiter. Comme j’ai oublié de croître, il grandit en moi de fausses assurances, des orphelins de père, des acacias des acajous, et même des habitudes de vivre. J’avoue qu’il m’est difficile de me marcher dessus, mais d’un treizième étage, on peut se surprendre soi même.


Maintenant que ton nom
M’est comme une pâleur
M’est comme un grain perdu
M’est comme un terne éclat
J’ai pour rançon des habitudes
Légères basses et mal aimées
Je voudrais avec mes mains
Atteindre ton visage
Et ne parler de toi
Qu’en termes de belle offense

S’ouvre le cœur comme une noix
Te voilà effrayée
Il y a des choses
Que l’on explique pas
Un voyage douloureux
Une peur étoilée
Un matin bourdonnant
Pour une petite distraction
Puis finit la rêverie
Te voilà somnambule
En plein dedans la nuit

Ici à cause du silence, on ne se tutoie pas. Les filles sont publiques, les lavabos vernis. Dix d’entre nous, ont fait leur service militaire, quant aux autres et aux femmes qui parlent espagnol, ils disent avoir connu Barbe Bleue, Romain Rolland, et les Folies Bergères aux heures les plus belles.

Tombe la nuit comme un ennui, les routes sont mouillées, les chevaux ont la charge des onagres, certains marchent aux côtés de leur mort, la chair est un caprice, la furie est constante, il n’y a que dans les rêves tristes qu’un petit homme aux mœurs bien légères ordonne les musiques les plus limpides.

Je riais de ses caprices, elle me tenait tête avec parures, grands espaces voyages et bijoux. Puis un jour tutti frutti, zob, zob, pour de nouveaux enchantements. Je pleure dans mes torchons humides cette ancienne amie aux yeux verts qui y est pour quelque chose.

Elle s’allonge tempétueuse, sollicitée qu’elle est par des rêves de steppe, de savane lointaines, louve ou chienne des plaines journalières, des trottoirs lessivés, des ambassades du cœur, où elle se tourne et se retourne dans les draps du dimanche ; ses défenses intérieures ne sont plus que de l’eau, de l’eau ou des regrets ou quelque chose comme ça.

Sa tête sur mon épaule évoque des retrouvailles et des voix d’eau de pluie. Ses yeux effacés au crayon gris du soir s’attardent sur des noms, Jouve, Perret ou Villon. Plus tard dans la violence de nos mensonges elle me dira ses provocations, m’appellera chien, salaud ou fou, et seuls nos retours en arrière nous feront rire ou pleurer, ou le tout à la fois.

Je débrodais un dictionnaire ;ce dictionnaire est un vieux livre qui se souvient d’avoir bouleversé des lecteurs, ses pages sont des crinières dentelées comme des écorchures et s’écrivent de la manière suivante…dont la plus familière est celle que je viens de commettre.

Elle me parlait des saisons mortes, des rues sous la lune rousse, des jours ou l’on fait l’amour pour oublier les rues et la lune, c’est fou ce qu’on apprend d’une petite pute qui sent autant la rose que le latin...

Bref ,tout arrive, on s’la touche, on en mouche, on s’tape la queue, les yeux sur de vieux magazines, on rit ,on pleure, on fait les fous, quant au sex-appeal qu’il reste ce qu’il est, les quarante cinq balais de Judith Collins.

Toi partie, moi resté ;celle qui me chauffe les pieds secoue aussi les serpents pris dans mes couvertures, elle me promet des jours de porcelaine et de papier ;toi partie, je lui restitue ma confiance, je dis que maintenant je goûte une différence...

Elle vivait dans les nuages sa vie de vols, de ciel et de marées, coiffée comme celles qui sourient dans les magazines ;à présent elle fait le tour de ses jours entre deux aéroports, quand elle était légère dans ses vêtements de deux tailles de trop...

A la fin de la fin, tout à la fin, arriva le grand tout, pimpant comme un coquelicot, cabossé comme carrosse, rosse comme une sorcière, moi me dis je, je pourrais n’en faire qu’une bouchée avec mes mains d’incendiaire.

M’aorte le temps à la gorge, aux mollets, aux chevilles, m’aortent mes vingt ans sur les routes et les gravières, sur des chemins de boue, de cette matière faite pour dire les mots ;je crois encore à la fécondité étant pourtant bien loin de tous ses parallèles :ma vie dépend toujours de moi...

Elle balbutie les paumes ouvertes toutes ses déconvenues, ses yeux de chienne aveugle raturés du soleil d’autrefois cillent encore ;qu’est-elle, elle et sa vie si souvent hors de course, loin des espoirs clos en ces chambres de bonne ;les hommes sont sa seule histoire, ce pont jeté sur le vieux monde, sur ce continent confié aux formes informes, les hommes sont le fruit de sa terre, qui font qu’elle n’a plus faim et sa soif étanchée, les hommes seuls et ils le savent…

On s’est léché les babines, miré l’nombril, tapé la queue, lapé du champagne sur les cuisses des rousses échevelées, vu les marées, largué les amarres, joué d’la clarinette dans d’affreux bouges les samedi soir, fait du pipeau, croisé les bras,sucé la bouche des gourmandes, écrasé sur la face des walkyries honteuses les mains et les framboises, et puis on a été intérieur, intérieur, intérieur jusqu’au fond de nos os…

Une vie imparfaite comme l’orge le blé en moi couve ses maux de plaine ruisselante. Les tessons de la pluie et des marées montantes sillonnent mes artères et mon sang bien trop bleu ;ô femme parallèle, de toutes les encoignures, saoule moi, abats moi d’un coup de revolver.

A la maternelle les lions sont des caramels mous, touti froutti,puis zob, zob, zob, les pissenlits sortent des cinémas avec des barbes de père noël.