Au jour le jour - 237
C’est un autre jour
Qui s’avance à moi
Avec son sang noir et épouvantable
Les diables ont des visages facétieux
Ils vont dans les squares
Pour y faire de la musique
Un tintamarre obscène
Pendant que des filles nubiles
Arrachent des membres
A leurs poupées sales
Qu’elles jettent
Dans l’alignement
Des herbes au vent rougies
Ce serait une hauteur
Que de les atteindre
Mais en hiver
Je ne suis pas d’un bon naturel
Aussi j’ai en perspective
De respirer
De m’abaisser petitement
Pour ramasser des pierres
Que je placerai
Sur le cœur
Des ingambes
Vieilles et malades…
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Cette même
Qui a un journal dans les mains
Une certaine volonté
A être sur des photographies
Plus indifférente
Que si elle n’appréciait
Que le temps de la pose
La voilà
Qui fait son temps avec moi
Elle ne commet pas l’erreur
De toucher à ma chair
S’habille toujours de noir
Puis saisit
Une épuisette dans ses mains
Pour une houspille ou du houx
A reprendre aux arbres nains
Afin de l’éprouver
Je sais qu’il me faudrait des cestes
Et savoir
Si mon corps tout entier
Y résisterait.
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Par là où jeunes
Nous avons appris
La caresse ingénue
Nul autre visage
Que celui de la rencontre
Ne nous a amené au jour
Plus vifs qu’à dix ans
Que ce couteau délicieux
Qui ouvre le lapereau
Qui rondement découpe
La viande étincelante
Pour la porter
Aux mains d’un malade
Aïeul qui est encore
Dans le vertige
D’un ancien pays
Où l’herbe est folle
Guérisseuse aux dents de lion
C’est pour cela
Que nous devons encore
Avec nos cœurs
Qui trop ont étiré d'elles
Aller sur les sentes
Et saigner dans les orties
Pour ne pas oublier
Nos enfances
Comme des ignorances tues…
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Après l’écrasement de son pouce
Pointé vers le ciel bas
Comme une traînée de poudre
L’ourse lécheuse d’étoiles
D’orties et d’ortolans
Avec sa flûte à bec
Alerte les anciens dieux jumeaux
Des fusibles qui ont pété
Sous les voûtes inviolables
Les fusillades frétillent
Les cadavres prennent
Des airs d’horloger à la retraite
L’effraie part en navire
Croiser les grandes croches
Dans l’erre inviolée d’un chariot sentencieux
On a droit au regard
De tissus de soie
Jetés sur des écrans
Les ombres s’approprient des lézards véreux
Plusieurs visites ont lieu
Dans un temps qui nous est étranger
Puis dans un hôpital champêtre
Là ou s’égouttent des parcelles de nuit
Mon oncle
Avec ses paluches de pelures et d’orangers
Vient s’enquérir
De toutes les invisibles formes…
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Entre la terre et toi
Ma raison est d’être
Dans la tiédeur
De cet homme inconnu
Qui n’a pas souffert
De sa sensible conscience
Toi qui dis
Que les hivers sont
Des injures indigestes
Entends le saule prier
Le chêne retentir
La fontaine s’iriser de gel et de givre
Chacun est de sa propre couleur
Le défenseur inaltérable
Chacun a la certitude
De ses feuillaisons à venir
Rien n’y résistera
A la liberté de devenir
Tous ont une place
Ainsi je serai près de toi
Comme pour un simple bonheur
Tenu serré
D’une seule main
Oubliant l’autre
Avec laquelle je t’étranglerai
Ou t’étreindrai…
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Aux moments pleins de feux
D’étranges stratagèmes
La plus sainte à mon cœur
Reste toujours la même
S’est couvert de nos nuits
D’un diadème écraigné
Et son errance est vaine
Du berceau à la bière
Et nul ne sait son présent
Sonore et retenu
A sa bouche violette
Comme un cadeau pressé
Si ce n’est l’homme qui vient
Avec son ciel brûlant
Recouvrir ses paupières
De sel et de safran
Ces herbes souveraines
Etablis dans les creux
De nos vieux souvenirs
Comme des encens terreux
A ces faces qui crient
Des hourras des haros
Ne va plus l’enroulée
Qu’est cette femme insoumise
Et tombant à genoux
Devant le saint autel
Où un autre s’établit
Sous la pâleur du ciel…
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S’élèvent encore au passage
Le long des granges étales
Les herbes bleues l’ariette
Avec leurs souffles tièdes
C’est du fond des saisons
Que jaillissent en grappes
Nos souvenirs d’odeurs
De blé de jonc d’avoine
Et à nos chers enfants
Avec leurs cris de guêpes
Nous disons le séjour
Radieux de nos aînés
Et des mutineries
Nous apprenons le son
Et toutes les gestations
Des jeunesses fécondes
Qui nous séduisent encore
En battues d’inquiétude
Quand le regain encore
De tous nos cheveux tièdes
Retient les fenaisons
Les retards et les fêtes
Quand aux naseaux humides
De nos chevaux cagneux
Nous mettions un baiser
A leur flanc disgracieux
Où vibrant aux manèges
Des ombres fabuleuses
Ils relevaient la tête
Aux étranges musiques.
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Bleu blanc bleu
Avec du mystère
Dans sa dégaine
Tout le village en rit
A quinze ans
Lorsqu’on est plus vierg
Tous les présages
Tous les mensonges
Sont mal acquis
Elle boîte
Elle claudique
D’un amour fou
Trop cru trop fort
Qui lui vaut
Cette peur inextricable
Moi pour ne pas sombrer
Dans la nausée des furieux
Des élans qu’elle soulève
Je vais vers le nord
Je vais vers le sud
Où tout tend
A lever la légende
De cette même fille
Qui d’un grenier à l’autre
Qui d’un guerrier à l’autre
S’éprend de la vie
Sans ses échafaudages...
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Quand les fleuves
Avec les femmes jetées
Dans leurs ports
Dans leurs anses
Dans nos peurs aussi
Bûchers fleuris de sang
Avec leurs naufrages
Leurs bréviaires
Tout l’attirail de nos violentes saisons
Nous semblerons paisibles
Alors pour oublier
Leurs liens et leurs mouchoirs
Qu’elles serrèrent dans leur poing
es lieux où nous pérîmes
Entre la lie le bonsoir
Les bringues qui nous déchirèrent
Nous irons pèlerins
Sur les cendres et les herbes
Avec nos frères et nos aînés
Avec ce dieu terrestre
Qui de son vaisseau
A baissé les canons
Pour des musiques
Aussi légèsre
Que des étranglements.
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Non rien
Sinon dans cet air qui brûle
Qu’une inquiétude
Le parfum des heures anciennes
Modelées sur nos présences
S’il pleuvait
Que nous nous couchions
Que nous fouillions dans nos ventres
Toutes les pilules à digérer
Tiendraient entre nos doigts
Ici aussiIl suffit d’un seul regard
Pour parcourir l’espace
D’un seul oiseau marin
Pour infiltrer nos veines
Pourquoi alors
Fidèles à nos débords
A nos gestes de cire
A nos joies de comptoir
Nous gâtons
Avec nos funèbres chants
Ce qu’il nous reste de cette nuit.
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