Au jour le jour 235

Au rire qui s’étend

A la soif d’un grelot

La course de nos ans

Est une patrie froide

Avec tant de mourir

De partir agaçants

Qu’on ne sait plus souscrire

A de brûlantes grâces

Qui sont aux mains de ceux

Qui retiennent leurs émois

Et leurs lourdes peines

Comme autant de sanglots

Si nous n’avions la crainte

De devenir celui

Qui dort serré en nous

Contre ses guenilles sales

Nous serions dans nos ans

Au doux soir des désirs

Animés de chaleur

A traîner jusqu’au ciel

Pour des saisons de vie… 

Les nuits sont des jardins

Où se hâtent nos pas

Pressés d’aller au feu

Comme on va au combat

Nos songes ont des odeurs

D’anis de camomille

D’oranges aux goûts fruités

Comme des antiquailles

Mais la glace nous est rouge

Et rouges ces portiques

Brûlés à l’ordalie

D’un fer qui a blessé

Nous ne savons saisir

Au plus haut jour tendu

Que des brasses de coudées

Et d’infâmes certitudes

Que du froid nous revient

Jusque sous les paupières

Et tout devient plus sombre

A nos sombres manières……

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A toi qui te délivres

De tes chiens orageux

Venus pour nos courser

Dans le tonnerre des cieux

Je dis le temps poussière

Et poussière les nues

Qui s’abattent sur la terre

En cendres contenues

Et nous marchons alertes

Serrés comme des nonnes

Aux vêpres de la nuit

Pour de saintes prières

Que nul ne retiendra

Dans ses fraternités

Si ce n’est celui là

Qui de sa chair profonde

A soustrait sa misère

Comme d’une eau profonde

Pour la jeter au ciel

Dans les creux du réveil

Où il s’est vu maudit

Tout autant qu’éternel…

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Nul jeté à ton sein

Bleui dès son enfance

Par les jeux imparfaits

De dire et de donner

N’est ce vain riverain

Au plus haut jour qui danse

Et grêle d’une souffrance

Qu’il n’a pas annoncée

De sarcasmes turpides

Pour une sécheresse

Dont il s’est obstiné

Et de le voir larvé

D’effrois de larmoiements

Je me sais aussi nu

Que lui dans ses serments

Moi qui voudrais pudique

Aux décisions impures

Retenir à ma table

Chacune des forfaitures

De ce monstre fielleux

Qui laisse ses empreintes

Comme un enfant qui passe

Dans une noble enceinte

Et qui crache sur Dieu

Toutes ses révélations

Faussement retranchées

Au bréviaire sans nom…

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Pauvre en ce plan doré

Où se coule ma maison

Je suis cet absent ivre

Devant un mur de chaux

Où nul écho ne rompt

Cette monotonie

Qui va de vivre à vivre

Sans être démuni

J’avoue qu’en voyageur

Qui change de pays

Je soupire et me lasse

Des gués et des passages

Tant à mes propres yeux

Je suis impropre et sage

Tout en ne serrant pas

Ce qui me fut commis

Je sais qu’en ma demeure

Nulle raison n’adviendra

Et voir ces longues routes

Qui vont dedans la plaine

Avec ses bas usages

Ses gorges souterraines

Me fait percer l’écho

Où retentit ton nom

Et de ce cafouillage

Extrême et vibratile

Je me mets à ce nombre

Où sont tant de victimes

Ces morts dont le visage

Est proprement le mien

Tout gonflé de veuvage

En de mornes matins

Quand les saisons de pierres

N’eurent pour édifices

Que de vastes cimetières

Tout remplis d’immondices…  

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Pampres rouillés qui dorment

Dans la lumière bue

Vous ramenez à moi

Au service d’un jour

Des serrures et des clefs

Dont je n’ai nul besoin

Où je distingue l’ouvrir

Et moins le renfermé

Les restes d’un amour

Qui dominait mes nuits

En des contentements

Et de chaudes insomnies

Quand le corps violacé

Piquant à ses jointures

Se chargeait d’autres chairs

En d’immenses parjures

Et de ce naturel

Immonde et impeccable

Je revenais en moi

Jusqu’à ces vêtements

Paletots idéals

Pour aller sous le ciel

Prier qu’en terre natale

Me revienne l’essentiel

Du dormir à ma place

Dans le lit du mystère

Où l’homme s’acoquine

Avec la glèbe entière…