Au jour le jour 220


Sourds aux théâtres de nos chairs qui font plus de bruit que les paroles crayeuses prises au coeur des pierres, nous avançons vers les manufactures du sentiment en nous mouvant comme des lombrics gras de leurs austères latitudes, la raison dans nos paroles est une maîtresse sans ordre, méprisante, arrogante, médisante, animée d’un faux naturel ;nous entendons venir d’autres bouches que ce qui est de l’ordre de la sentence, à chacun de dire autrement ce qu’il y a de dangereux à être immobile, inattendu, un dégoût grossier va à nos anciennes droitures, et si nous avons décidé de nous taire, il nous vient une terrible respiration faite de trop de retenues, de trop de drames, de trop de sursis, nous voilà honteux, gras, retors comme si nous avions bu notre propre sang.


Les points de vue que nous sommes ont des esprits repoussants, et notre corps fait des efforts de rhétorique obscène pour nous conduire dans le mot, la phrase qui n’a pu la faculté de stopper l’avenir est une vieille maitresse acariâtre de trop se pourvoir impunément de ce que nous fûmes, entre le monde et son pétrissage nous vient une effrayante jeunesse faite de fausses et infectes jouissances avec d’irrespectueuses manières, j’en veux pour preuve que cet amas d’objets désuets et sans âme, accumulés, sont des ordonnancements mal figurés qui ne correspondent à aucune œuvre sincère, pas plus qu’il ne va à l’éveil de nos sens. N’est plus primordiale que la façon dont nous allons bien vivre notre mort, sans l’effort d’être, sans l’effort d’y penser, sans ami qui viendra comprendre et nous soumettre son dernier vin de cène, cela seul est encore à définir comme l’étant d’une nouvelle rigueur, celle d’un hiver mal entravé de l’âme, qu’il faut considérer ainsi le ferment de nos facultés à ne décider quiconque à venir s’agenouiller sur notre froide dépouille, je ne pousserai pas plus loin cette analyse.


Pourquoi ose t-on à nos avides bouches ouvrir porter ces corps que ne limitent que nos distinctes extériorités ?Ce que je sais, c’est que vous donniez forme à ces mouvements qui allaient vers vous d’un proche et d’un lointain où les actes naturels me heurtaient. Au fait que j’écartais mon visage d’une caresse ,d’un petit éclat de main advient cette phrase » j’ai eu des peurs inconcevables » elles me reviennent  parfois en grande taille dans leurs costumes grossiers, elles vont-elles viennent elles ont la propriété de ne pas aller dans l’oubli. Je veux que regardant par l’arrière n’y retrouver que deux choses, l’une pour vous, la paix, l’autre pour moi, de l’oxygène.

Je veux qu’à votre ressemblance quoique, je fasse je le fasse dans le chant que mon corps tout entier, fusse vainement s’abrège de ce noir si ancien qu’il parle une langue aux rauques consonnes. Je ne suis pas un obstiné de la parole, elle n’exprime que mes petites fantaisies de vie de beauté et de souffrance, pourquoi voulez vous qu’il en soit autrement ? Mes suspensions de voix valent votre épuisement à cette éloquence dont vous usez régulièrement pour des séductions dont je connais les méandres , et que vous avez exprimées pour m’atteler à vos souvenirs. Qu’il existe des combinaisons à vouloir vous garder je ne les trouverai pas, je descends dans ma cave pour un vin qui sera un incrément de vous à ma bouche fautive.


Ce matin c’est un réveil reconnaissable à vos attitudes, cela se réduirait à quelques ressemblances d’hier s’il n’ avait qu’un soleil froid, une pluie dessous la pluie, brodures dans un ciel où les hauts vols ne sont plus des certitudes. Ce qui va de la femme à l’homme, j’en pressens la distincte impudeur ,tout fuse tout est indigeste j’écoute mon cœur battre sous votre domination ,j’y suis sensible, mais couché, debout ,j’ai le poids d’un homme, toute une chaîne de complaisances à mon égard, c’est dire que je raisonne mal ,c’est dire que je comprends ,et tous les éléments de ma vie par écarts et par bonds auront le temps de me faire sceptre ou objet ,je le sais, j’y vais, j’y consens.

La mémoire n’est jamais souveraine c’est une poche décousue aux mains d’esclaves, de reptiles ,de bêtes captives qui veulent la rendre terrible et sensible pour donner à toutes choses le goût d’être rompue contemplée membranée. Un fois encore ma mémoire me lasse , me déchire ,c’est une coquille vide, un marteau sans maître ,un objet indéfini où le  langage s’est altéré afin que je le rende incompréhensible. C’est par les mots , en eux, sous leur domination que je vous écris ,que je me mets dans le  plaisir à vous les faire parvenir. Tempétueux , tendre ou méconnaissable mon vocabulaire m’ordonne de trembler de me taire, d’émécher mes cheveux afin que vous reteniez que si je mentais ,je mentais vrai..

Aux antiques accidents de ma singularité ,j’ai adjoint l’excessive impuissance de vouloir faire deux choses à la fois, et mes époumonements,  cette époque de ma fausse liberté, mes sont  devenus une vieille fille glabre qui a des attitudes de vierge qui ne se signe plus, impure tant de se gausser de mes inepties. Qu’elle chante avec ses justes couleurs n’est plus de mes conditions, il me semble m’être transporté dans un corps étranger dévolu à de faux charmes, que des femmes exagèrent pour me mettre dans leur lit. Mais lorsque l’amour travaille à dénoncer nos enfances ,qui ne serait malade de ce même amour qu’il faut renverser, piétiner, cracher sur sa froide dépouille ,pour qu’il serve à nos constructions nouvelles.

Je suis né du temps où j'étais fait pour l'existence ,vinrent les sciences, de la capacité, un savoir, quelque coutelas aussi dans les poches pour souligner quelques infamies. Ce temps-là venait à mes fenêtres dans les limites exactes du jour et de la nuit, je les tenais pour une digestion élaborée puis de l'âge n'est venu, humide ,gras, pressé ,impalpable, l'homme qui se voulait œuvre de bien et de chair n'est pas un  indigent qui accumule de savantes horlogeries .J’attends la puissance du langage des jours , des mois ,des saisons qui s'étirent et s'abîment dans le cours des parlottes entendues sur toutes les lèvres, je ne peux assurer une substance que dans cette cambuse où les aliments pourrissent dans de grandes corbeilles.


L'avenir c’est notre temps en action ,et vous avec vos énigmes vous me vouez aux réponses inutiles, je ne réponds pas à l'ennui en vous estimant je, ne veux pas disparaître sans avoir élevé à votre vue dans la nudité, l'obscurité tardive, les sottes valeurs d'un jour contrefait par d’autres mains, au moment précis où chaque mot est une invention, je me dois de vous rappeler que je ne dédaigne pas vos inclinations, à vos profondeurs, sachez aussi que je sais me déguiser ,dessiner des gestes et des contours sans lendemain pour des prises blasphématoires .Ce n'est pas mon lot , j'y verrais une agitation imbécile qui ne me distinguerait pas de la bête, sinon lorsque j'aurais touché jusqu'à le vouloir,un sexe comme du gravier froid.


L’oubli soucieux des signes qui se dérobent à lui, tu sais le contenir, il est issu d’une nuit froide quand les chiens ont heurté la pierre, c’est d’une jeunesse en loques qu’il te parvient  ,d’un séjour harassant parmi des hommes de mauvais port, il est majestueux, visionnaire, il t’a soumis à ses détentions ,à tes propres défaillances. l chuchote à ton oreille de ne pas être dans les retardements, de mettre des miettes sur la table, sur le feutre du salon ,il te mesure, il t’écrête, il te mange avec la vigueur d’un Saturne dévorant sa lignée. L’oubli est un frondeur qui balbutie du bruissement, celui des lares qui ont ensablé ton foyer, il est sur toutes les feuilles amassées ,confuses de mots mal entretenus, il est ton masque, ton orgueil, il va prendre ton goût, celui de ton vin et de ton pain, celui des tes journées d’absente. L’oubli, c’est d’attendre que la nuit ne soit plus reconnaissable à ses belles attitudes, cela tu le sais, cela tu l’oublies. 


Je me suis embarrassé d’une aube d’automne, rien ne bougeait sur le parvis des églises, mes pesants héritages, les voici à tes yeux, mes radeaux, mes méduses, mes chemins d’orties et d’ivresses tu les retrouves ici en mauvaises matières. La lumière est une enfant malade dans l’enceinte d’un improbable Dieu, où le combat de l’ange et du démon valent des paternités sans nom. Ainsi se joue sur les grèves du fleuve, la demande et la grâce, la houle blanche avec ses mythes de charbon et d’anthracite, là l’immobile absence circule avec ses lois. Sourd aussi ce matin avec ses bourrasques, ses pluies, le lent parcours des processions du sens. J’ouvre en moi le veilleur avec ses bourgades, ses bourgeons qui ira brailler dans les publiques criées ,pour qu’en ton corps entretenu n’y entre personne, pas de ces imposteurs qui s’harassent de fausses beautés, et qui rient de ma tignasse. Maintenant j’enjambe la montagne, je vais affronter un tyran avec des armoiries qui me rappellent une langue ancienne dont je n’ai rien oublié…

L'air qu'on étreint changé en sauterelles et sautoirs pendulaires il nous revient, il nous fait pâlir avec son lourd museau de sanglier, d'aveugle qui marche dans la neige, il s'est étendu là sous nos attelages, près des sabots de nos chevaux cagneux ,avec son taux de suie de souffre, il palpite il jaillit de sa fragile humeur, il est d'un bout à l'autre de notre corps, il suscite des mariages des enterrements, des désolations avec ses orchestres surannés,  des combats nuptiaux, il va à la douleur du lit, et du lit à la douleur, à la flamme à l'acier, à la trempe, il est mince a la traîne, c'est un adulte en cothurnes pour des messes basses, il est à la fenêtre sous les sinueux retraits du jour, il veut tenir il veut s'abstenir aussi de nous livrer ses déveines, il est coupant coupable, il se perd dans les embrouilles salines ,les savoirs de la veille et de l'avent, cet air qui nous dévore et nous bouffe jusqu'aux entrailles, je le noue aux tiges de nos anciennes antiennes, j'y mets une bannière je le plante dans mon potager .Demain c'est le vent qui dansera avec lui.


Il y aura l'apparence et la prodigalité des scènes de campagne, des secrets ,des légions ,des louanges ,des couronnes et des courants d'air, il y aura cela je l'atteste du vin ,des tavelures, du pain, des étoffes, des hermines pour les ciseler, un soleil comme une châtaigne chaude, des cartes, des mandarins des mendiants et des mandrilles, des images saintes, pas de la pieuserie, non quelque  chose de peint avec les couleurs bien là où il faut ,des fronts bleuis aux enfances de farces et d'étourderies, des cloches et des clochettes, des parfums, des forges cramoisies, il y aura en toute chose le lieu et sa distance, celle où vont les adroits somnambules qui avancent sans cesse reconnaissant et l'oiseau et l'odeur, il y aura des plumes et des flamants ,des loups aux yeux fardés, des vasques des fontaines avec leur millésime, du mica ,des émeraude, la corne verte des juments ,l'axe où tournicote l'essentiel du jour et de mes mots ,et puis il y aura vous avec les paumes ouvertes pour recevoir ce qui est lourd et lent et qui n'est pas notre âge...


Le monde est un puits enchanté apprêté pour des filles frôleuses de goberies ,de passages à niveau et à tabac, il est opaque et transparent, suspect en intérieur comme en guerre civile, et celui qui y danse, tourne autour de la providence comme autour dune femme sans rien  n'y ajourer, sans poids et sans viatique il donne ses rançons à la nuit .Moi je lui tends mes inscriptions stélées et stellaires, mes ailes, mes rognures mes instruments à vent. Souvent j’écoute l’évasion du soleil blondir des plages où des hommes blessés entre le couteau et la peur font des acrobaties. Et que de chiffres de nombres méconnus au nombre des longues dictées écrites de leçons cerclées comme les mauvaises lunes de maîtres sélénites. Tout ça pour le prix d’une ponctuation dans le temps de notre petite vie, pour le prix d’un jouet mal étreint, parce qu’ils ne se moulent pas aux baisers d’une absence. Ce moule là je le prendrai pour mesure, le serrerai dans mes bras, lui donnerai à manger et à boire, je le peindrai et le peignerai, afin qu'il aille à cette joie touffue qui fera le tour de mon monde sans les prescriptions du temps.


Que ce qui est écrit le reste, dards, aiguilles ,anguilles en roches souterraines vitesse plantée pour du braconnage ,esprit qui dort couché contre les rails, évidences ,danseuses enturbannées pour d'insipides noyades, fouilleries turquoises où se succèdent l'odeur du café ,du jasmin ,et du jeûne. Que ce qui est écrit se borne à être dégrisé, contrefait ou non ,quitte à choisir des mots, autant les mâchouiller d'abord avant que de les jeter aux hautes voltiges  ,quand vient l'heure du glaive et du vautour ,de l'homme qui mange sur une place ses quignons quémandés, qu'attendre de nous si ce n'est de se voir dans un Janus qui par ses intentions fait mine de ne rien voir ,double vue, double foyer pour le luxe de la débine, c'est notre côté suspect, ces fuites ces débandades, ces reculades et nos mots ne sont plus que des généraux anéantis qui dans leur topographie rajoutent le vocabulaire digne d'un monstre qui ne s'agenouillera pas sur sa propre dépouille.