Au jour le jour 219

Dans mon labeur, je suis un laboureur ou un laborantin qui plus on les regarde, plus ils ont les yeux pers et personnels, comme des plantes, qui trempées dans l’eau en deviennent sédimentaires et médicamenteuses, conçues comme de  célestes nourritures. Quand ma pensée me pousse à tort à croire en toutes mes sottises et sornettes, je me vois tel un végétal indigeste, qui se mettra en boule pour ne pas aller aux lèvres savantes, et parfois, c’est mon corps tout entier qui entre dans la peau de ce laborantin ou de ce laboureur, qui ont en tête des idées de nénuphars, de noyades ou d’enchantements… 

C’est dire, c’est peu dire que le plus, même s’il pêche par son mécontentement, ne finira jamais de nous enquiquiner, car le plus enquiquine autant par sa bouche, que par son idéal de vie qui est d’être sur une estrade, montreur de biceps et de poitrine triomphante, avec lesquels il peut soulever un quintal de terre, voire un shetland poilu comme un  sobriquet, je dis qu’il ne faut pas que le plus se compte en millénaires, qu’il ne doit pas devenir vieux, ça nous gâcherait bien des choses, entre autres la vue et la vie, du moins c’est ce que je crois, et ma croyance bien qu’elle soit souterraine et impropre à être montrée, vaut bien qu’on la considère comme une dame patronnesse qui en a …

Le cheval de Troie est un immense quadrupède avec des yeux fantomatiques, des sabots pour aller voir Hélène, un corps d’arbalétrier en mille fois plus gros, tout ça pour exagérer ses sentiments guerriers ; le cheval de Troie est aussi un cratère fumant, où des hommes en grand nombre s’aplatissent pour prendre le moins de place possible  et s’emparer d’une ville déjà meurtrie, qu’ils voudront empanacher avant de terminer dans la bière. Tous les soldats sont capés et ne rient pas, mais est il besoin de se planquer dans un canasson avant que d’aller au carnage, ils auraient pu entrer dans la ville cachés dans un cercueil, le travail en aurait été facilité, le bois aurait était de la même essence, toujours est il que Troie et traîtrise font une forêt pleine de maléfices, de mauvaises engeances dont le conflit a bien eu lieu… 

Sylvie est sans simagrées, entendez par là qu’elle ne geint pas, est pleine d’une peine qu’elle n’énonce pas, qu’elle sait d’elle ce que je sais de moi, mes foutoirs ogivaux, mes soirées en solitaire dans les soliloques de ma pauvreté, que le commencement ne va à aucun règne, que les nouvelles impatiences sont d’anciennes fleurs fanées trop tôt, et bien qu’elle ne soit pas à l’heure au premier rendez vous, mon cœur fait pim, pam ,poum, enfants du célibat, puis pan pan, et c’est là qu’un demi dieu flûteur de son état me fait comprendre qu’elle a raté une correspondance, que son âme devant moi ne sera pas étale, aussi je rentre chez moi, prend un bain, et  consens à l’oublier dès lors, moi qui ait une mémoire de porcelaine et deux assiettes creuses en céladon qui nous attendaient… 

Je te nommerai feu, fable, ma fabuleuse enfant et te donnerai la mer pour que tu n’aies plus soif, te couvrirai de poussière d’or, te parlerai à voix basse, avec mes périls et mes entendements, te dirai la trace des anges qui passent sur les ponts en effaçant leurs traces, te gribouillerai des comptines où des insectes émailleurs de temps finissent dans les lavabos du ciel, te narrerai l’histoire de ces noroîts qui inondent la plaine de leurs chants plaintifs, tu auras cette agilité qu’ont les filles quand elles s’évacuent par les tuyauteries du cœur, tu n’iras pas sombrer dans ces cortèges où les sots et les malappris ont des cothurnes pour s’élever et psalmodier des nénies contraires à nos vigilances, et de mots en mots, nous ne nous provignerons plus d’aucune indigence…


J’aime à savoir, à retenir et à vous dire la fulgurance de notre première rencontre, aussi je vous ai fait des mots qui disent en substance qu’il s’agit d’un beau cérémonial, ceci tient dans ma mémoire comme un immense reposoir où vont se nicher des oiseaux et des singes à queue annelée, je n’ai pas oublié la tiédeur du temps, l’âge qui m’était presque venu d’être plus seul encore que si j’avais traversé un enfer en dodelinant ma tête de gauche à droite pour trouver l’exacte issue, de cet instantané ,j’ai eu de belles pensées pour voir en mes nocturnes jardins s’éveiller un peu de ma conscience et des herbes magiques, et tant pis si les accents se sont à nouveau débinés, ceux de mon ancienne langue, il me reste pour demain et après demain un clavier pour vous écrire des stances, des billets doux comme le prénom Raphaël, cet ange démesuré qui me veillait ,au dessus de mon lit, peint en sépia sur du carton bouilli ; dans cette petite causerie, vous me retrouverez, vous comprendrez chaque propos, chaque touche délicate, et vous direz, lorsque vous lirez ceci avec un peu d’étonnement, ah oui, je comprends… 

Etre soi c’est déjà bien difficile, alors être soi additionné à un autre, quelle complexité, c’est de l’ordre du déménagement, et les déménageurs sont des brutes péteuses de porcelaine, ils rompent les pieds d’une chaise, celle d’un prie dieu, l’accoudoir d’une causeuse, et là, hop, je n’ai plus rien à dire, je me tais, me terre, tout ceci je le tiens de mon observance de la vie, je dis observance parce que ce mot a quelque chose d’exquis, d’intangible, d’intelligible aussi, la devenance quant à elle ,est plus légère encore, éthérée et sensuelle, elle parle de ce vers quoi nous allons évoluer dans cet autre additionné à l’autre, ce mot est doux comme un tapis de laine angora, il peut aller au monde avec sa peinture fraîche sans qu’elle nous barbouille les mains, si vous conjuguez, adjoignez les deux, vous obtenez un chapelet, des nœuds aussi, gordiens, marins, géorgiens, puis ce sont des géorgiques qui nous viennent aux oreilles et on finit dans une église à cercler des pierres blanches avec un bout de fil trouvé dans un caniveau… 

Plus je m’enfonce dans l’homme, plus mon enfance à une voyelle près devient méfiante, plus elle se confond avec la torpeur, la lourdeur de ces étés où je saignais du nez après une trempe de soleil gras, usant, lourd ;c’est là que j’avais un mauvais sommeil plein de drames et de sortilèges qui accaparaient mon sang et mes songes, mes habituelles latitudes n’étaient plus dans la logique du sourire, elles avaient des degrés en pente dans ces soupentes où des monstres protéiformes bouffaient des victuailles avariés ou des enfants morts nés ;ce sont là aussi mes contrariétés, tout comme m’est en nostalgie cette fille pas encore fissurée, de dix ans, qui allait au tableau d’un peintre à la palette multicolore, et qui souriait tant elle croyait qu’un oiseau était esquissé, qu’un nénuphar chantait de ses crocs en jambe de crapaud, ou même qu’un hérisson avait donné ses poils au pinceau afin que la toile se hérisse du bonheur d’être vue de façon poignante…


Mes inconvenances, on ne peut que les observer à la loupe tant elles ont de l’éducation, eh oui, mes inconvenances ont de l’éducation parce qu’elles ne rotent pas à table, ni dans les ascenseurs, pas même dans les prisunics, encore moins dans un congrès, ces lieux où les édiles sont édifiants parce qu’ils on recours à du vocabulaire haut placé, mes inconvenances n’ont pas les ressources de  leurs demi-sœurs, vous savez ces demoiselles bien en embonpoint qui font la queue là où ça leur chante, entre une démangeaison et un prurit du côté obscur de la chair, mes inconvenances ont un repos lourd, aimable, c’est dire que je les garde précieusement dans mon sommeil, et lorsque je les met en boîte, ce sont des boîtes aux onguents et baumes grandement parfumés ,dans des boîtes aux belles tavelures ,aux gracieuses ciselures, et si elles ne s’y cantonnent pas, je sévis, oh oui, je sévis rougement… 

C’est un arbre à plumes qui marche avec l’élégance d’un gratte papier qui n’en met aucun à la une, en laissant ses feuilles dégager un parfum d’orange, de jasmin, d’encens, parfois de chimie, entre l’iode et le césium, odeurs qu’ont parfois les hommes qui binent, font pousser des patates portugaises, des carottes sans arôme artificiel des choux raves piquées chez le voisin ; c’est un arbre que j’emmène dans ma chambre, qui me suit dans mon salon et ma salle d’eau, il prend parfois la forme d’une bougie, d’un ostensoir, d’un colifichet, d’une fichtrerie, lui qui aurait pu produire de beaux fruits juteux, il a voulu me devenir aussi précieux que cette femme qui met de la poudre sur ses joues, de l’ordre à ses cheveux et du baume là où il m’en faut… 

Comme je partais à la chasse aux adjectifs, je tombai sur le moins fréquentable, l’adjectif infréquentable, avec sa gueule de lieutenant avachi, ses airs de faux derche qui s’applique aux torcheries, il a une odeur de suie, de pleurs obligés comme ceux des mater dolorosa payées pour chialer et qui chialent mal vraiment mal, bref l’adjectif infréquentable n’est pas dans mes signifiances, aussi je m’en écarte comme d’un énergumène qui vous atchoumerait en pleine poire sans s’excuser, il faudrait même que cet adjectif passe son chemin, car si je le croisais à nouveau, il pourrait lui en cuire, vraiment lui en cuire…


Quand je décline le mot « Putain », j’entends la pluie avec ses souffrances aigues gicler de toutes parts sur des passants qui corrigent les routes, les trottoirs avec leurs pas de sourciers malchanceux, et des façons d’insectes grégaires qui déménagent vers l’été, là où les arbres ont des écorces qui bouchonnent à nos bouteilles de vin, de cidre, ou à la bouche de tous ces pèlerins, voleurs de stances et de siècles, qui vont à la voilure et cela nonchalamment. Quand j’entends le mot « Putain », je reste debout, je ne titube pas, car je la sais auguste en noir, en bleu en blanc, et cela dans bien des manières, care elle peut aussi se servir du verbe « Pouvoir », sans que nous n’ayons rien à en redire, car à la troisième personne, ou dans un groupe de tiers, la putain est à ma convenance, sans qu’aucun juron ne me vienne aux lèvres.  

L’injuriée, cette fille qui n’a pas toute sa raison, n’a jamais commis d’adultère et jamais n’en commettra, cela elle me le confessa dès son plus jeune âge, et j’en ai gardé l’écho, celui qui aurait voulu parfaire son vocabulaire en lui répondant avec des mots inconstants, lourds, mais qui n’ont pu la toucher en profondeur. Oh, je dis, méfiez vous de ces hommes qui auraient voulu la garer près d’eux pour l’entabler, ave leurs idées de chasse et de jeûne, avec celles du strapontin ,du vilebrequin, ce ne sont que des êtres aux bases besognes et convictions, je dis cela par savoir et par habitude, d’ailleurs rien que d’y penser, j’ai en tête de devenir un type moins décidé qu’eux, un mec qui ne se vautrerait que dans l’idée d’un grand rien dont ils ne s’empêtreront pas…

Mes pensées n’atteignent que moi dans la sévérité de mes chères contrefaçons d’étranger à ce corps qui a pris feu devant une bouche d’eau. Plus j’avance contre l’inefficace, plus j’atteins au reproche de ne pas m’éteindre, et cela m’est un mal d’idées et de recours. Voici ce que je dis dans ce présent où tous les objets de mon âme sont informes dans le faux calme de mes tentatives à abattre le réel, qu’il faut que j’ajoute à ma conscience le désir de ne pas la renouveler, de ne m’accommoder de rien, de quiconque, je ne me veux, ni ne me vois en indispensable, je n’ai pas l’aplomb de cette jeunesse sans modification qui contient l’onde et sa parole muette dans d’autres volutes, volumes que les miens ; c’est un combat que d’attendre la vie soutenue, c’est un combat que de la perdre, mes manières prêchent une forme de gourmandise désuète, je n’ai plus l’âge d’étudier…


Deux types de cargaison dans des formes opaques, couleur chair et antiquaille, l’une part pour un pays où on posera ses pieds sur les pierres chaudes, l’autre pour une contrée qui compte autant d’édifices qui s’écroulent, que de popes imperturbables, habillés d’aube sale et grise, que des communiants imberbes ont froissé de leurs mains maladroites, inaptes à tenir un missel ou un ostensoir. Ici j’observe les marins pressés d’en finir avec un fret trop lourd d’un séjour dans des cales imbibées d’eau saline, violets de cette solitude où dérivent ceux qui ne se sont appropriés aucune parole venue de la hune, l’océan leur plaque au visage, et cela habituellement, une barbe naissante, blanche de surcroît, qu’on dirait des vieillards burinés qui ont des faces contenues de ne pas rire, ils ont aussi des bras tatoués où l’on voit des filles soulever leur jupon, et qui ont des noms de couleuvre ou d’entremetteuse.

Les grincements des étiques chevaux montent à nos intransigeances, à nos molles intelligences comme les regrets d’une biennale où l’on a célébré des filles barbelées pour des feux et des ballets de paille, l’art est ce que nous savons nommer sans le  comprendre, et c’est de nos larges crânes que nous  viennent des idées pour leur prêter des corps élargis, compréhensibles de celles qui n’ont pâti de rien. Les montures ne vont donc plus au carrousel, les rênes sont des fils retors, crins de bêtes insoumises, et leurs moulures ne s’arrondissent plus aux filets d’air venus d’un ciel bas, sous leur peau, cérémonieuse de colères contenues, les animaux se glacent de nos embarras, ce ne sont plus que des créatures hennissantes que nous allons abattre d’un coup de massue, d’une balle dans la tête, dans une de ces cathédrales où la chair est à l’envi, là où le sang coule pour un cérémonial vieux de quelques millénaires, hécatombe obéissant à un dieu mortifère, dans une musique d’étranglement et de branle bas, et nous avec nos vieilles armes favorites, nous regardons ce funeste tableau, sans que ne nous vienne une larme…


Les brindilles de pierre vont aux vertus des verbes réguliers et ont  les profits de cette poussière qu’on fait entrer dans son âge, lorsqu’il atteint le moment pour des extrêmes cécités, personne n’a l’œil pour bien s’en saisir, aussi tombent t-elles brutalement sur le feutre des lits bleuis d’intransigeances nocturnes dans cette lointaine atmosphère où les corps se relèguent à des terminaisons osseuses. Devenues la forme de nos arguments visuels, la poussière est d’une nature entretenue et s’amoncelle en des formes rondelettes dans les endroits les plus exquis, les plus surprenants, les plus introuvables, là aussi où des demoiselles se donnent en spectacle dès leurs approximatives naissances, et c’est pure, haute distraction , que de vouloir les saisir comme on s’attache à enfoncer un pieu dans un cœur désolé et stérile, comme on arrache un arc à la hauteur d’un double entresol mal entretenu,il faut faire provision de poussière et de brindilles, pour que de domestiques, elles deviennent les parents immédiats qui gardent leurs belles coutumes, pour les belles personnes…