Au jour le jour 218

Il arrivera un jour où les postulants seront poussés jusqu’à la porte de sortie, celle par où ils sont entrés en artilleur, en pointeur, en tirailleur, un flingue au ceinturon, un autre entre les dents, entré aussi en scaphandrier, histoire de voir si les eaux sont aussi profondes qu’on le dit dans les bains publics ;ce jour là j’aimerais être un homme d’issue, un secouriste qui ne leur tendra pas la main, leur crachera au visage sa morve de belle fin, de bel adieu, là je serai avec en bouche une flûte à bec, une flûte à pan aux résonances de canonnades pour une fin de distinguo, vous me demandez ce qu’est un distinguo, eh bien un distinguo est un homme qu’on distingue, mais mis au pluriel, parce qu’il parle l’italien l’espagnol, le breton, le javanais, que ce n’est pas un grammairien qui va voir sa grand-mère avec des dés à coudre, et rien qu’à cette pensée me vient une frénésie, une fièvre montante, quelque chose comme un herpès que je leur refilerai pour une autre résolution…


C’est une brave cloche qui en bave pour un carillon d’étoiles , de douces résonances, et plonge ses notes aigues dans le midi ,histoire qu’on lui ouvre les voies de ce seigneur qui sont dit on, impénétrables ; comme le seigneur se tait, reste atone, dans cette inertie qu’ont les hommes sitôt qu’ils sont bien  nés, la cloche cherche à partager son tintamarre avec un patapouf, un baldaquin gros comme une erreur judiciaire, un badaboum de l’espèce la plus saugrenue, tous ont un cœur énorme, mais l’énormité du cœur suffit elle à en cacher sa noirceur ?Non !Finissons ce portrait sur le parvis d’une église romane ,où je ne serai pas en sandales et où j’emmènerai mon aimée s’interroger sur les cintres et le tympan, parce que je sais qu’elle voudra bien entendre un drelin et un gredin aller au même concert.

Fumer nuit gravement à ceux qui boivent du thé, du café, sont athées, ne se hâtent pas, ne mettent pas la main à la pâte, pas plus qu’ils ne dépêchent leurs pas dans celui des autres, bref, enfumer le jour, avec sa nyctalopie, cela ne peut que vous pousser au dehors, par un temps à ne pas mettre un cubain dehors, un cornard dans le chèvrefeuille, pas plus qu’un connard laqué à la lecture ou dans un fauteuil à bascule. Moi je continue à voluter avec volupté, dans différents lieux de planque, chiottes, vespasiennes, latrines, closerie des lilas et autres, là où on ne  croise que des individus à sa ressemblance, des mollusques qui feignent d’être polis et vous saluent avec des yeux au beurre noir ou des beurk… 

C’est beau un beau mariage entre une chèvre et un bœuf, dignes représentants des ovins et bovins qui courent dans les couloirs à la recherche des palmes académiques, tous deux après la nuit de noces, tirent à boulets rouges sur les types sans concordance, ceux qui sont à odeur de naphtaline ou de napalm, qui connaissent les trompettes de la renommée ;oh oui, c’est beau un beau mariage ;un beau mariage c’est une paire de mollassons qui va s’entretenir dans une alcôve et narrer des sornettes, de celles qu’on entend par-dessus les estrades, dans les salles d’opération, dans les cliniques privées où les moribonds ont déjà une odeur de bleu de bromothymol ou d’iode avant que le chirurgien ne les ai vus… 

Je suis sujet à des prémonitions qui ont la forme de la mer quand les chevaux bleus écumants de rage et d’orage hennissent tels des onagres de glaire pour la course aux embonpoints, là où les cimetières sous la lune s’emplissent d’odeurs cartilagineuses et carnées des fins de siècle. Oui, parfois mes prémonitions sont concentriques, ordonnées tel des meules de foin, comme un forfait bien accompli, une forfaiture non divulguée à ceux qui se bidonneraient de sa singularité, de leur glabreté. Non, je ne dois pas ces prémonitions à une façon d’avoir cru que la vie s’ordonnait à partir de mes rêves, ou parce que me juche parfois sur un promontoire d’où je vois l’existence telle quelle est, dans ses approximations, ses fumisteries, ses disgrâces hautaines, mais simplement parce que je ne leur cours pas après et qu’elles s’imposent à moi comme l’évidence d’un temps où une femme en espadrilles me dis que mes tempes grisonnantes sont les reliefs d’un âge qui a du savoir…


Pourquoi, pourquoi les sicaires n’ont-ils toujours pas des gueules de brebis, et les brebis des gueules de loup, pourquoi les primevères ont-elles autant de feintise et de fainéantise que ma tendresse, pourquoi ma tendresse n’est elle pas de la couleur de primevères ? Pourquoi ce que j’ai donné ne m’a pas été rendu, et ce que j’ai rendu était au plus dégueulasse de mon désespoir, et ce que j’ai donné à nouveau n’a pas été considéré, pourquoi ce que je crois comprendre, je l’oublie aussitôt, et ce que j’ai méjugé me bouffe tout en intérieur, pourquoi celle qui se poudre et se met des mouches au visage ne figure plus dans mes attentes, si ce n’est pour un attentat, pourquoi ses yeux lui mangent le visage et elle ne mange plus dans mon salon, pourquoi ceux qui me regardent avec défiance, sont ils prêts à m’arracher les yeux, et moi les pissenlits par la racine, pourquoi ?... Y a-t-il plus nervuré que moi dit le chêne au frêne, tous deux perplexes, et circonspects dans leur âge et de celui-ci ; moi dit le chêne, j’attire les porcs, leur patrie est à mes pieds pour ce que vous savez, les truies les suivent dans leurs besognes de goinfre, moi dit le frêne, j’ai des fruits d’héliport, que font les nervurés là dedans, je n’en sais fichtrement rien ,mais ils y sont, aussi faites en ce que vous voudrez bien en faire, une simagrée dans un laboratoire, une prise de poids sous l’arbre à sel ,vous bleuir les veines avec des stylos qui montrent des culottes de dame rondelette quand elles montent aux échelles appuyées contre les grands feuillus… 

J’ai en souvenir l’idée du poudrier et du coudrier, le premier ma mère en usait pour me punir de tous les bienfaits que je faisais des journées durant, en tabassage adroit des dorsales, de l’école buissonnière, à l’école du jupon, le second lui servait quand elle partait à la ville lécher les vitrines, ou que sais je encore, peut être à la foire aux épices ? J’ai gardé de ces deux consommes proches comme des cousins ordinaires, le goût pour les psalmodies, les paradis poudrés ,la propreté des sentiments, la sapidité pour la canaille, le canasson ,la canneberge, et j’en passe, toutes ces suaves conneries sont dans ma mémoire comme des victuailles nécessaires, comme une enfance révulsée et qui  ne veut pas se sortir d’elle-même, d’ailleurs pour aller où, si ce n’est vers les sages femmes débutantes et qui ne savent expulser de la vie que lorsqu’elles sont assistées et encore ?...
Pourquoi faut il prendre le taureau par les cornes, et la licorne par les sentiments, pourquoi les pigeons voyagent ils avec du papier buvard dans leurs ailes, et ne se rencontrent qu’en compagnie de ces caillettes qui ont bu l’amer lait des amours obligées, pourquoi le métropolitain passe t-il sa vie sous terre sans que Vulcain ne lui foute un coup de trident, étant obligé de déplacer ses forges, pourquoi les épousailles sont elles bleues le soir des noces et sordides le lendemain, violacées par l’ennui dans la semaine qui suit, pourquoi écrire à longueur de temps ses langueurs, quand le temps est à lui seul la plus extrême des longueurs et langueurs, pourquoi les hyènes et les chacals ont-ils des protocoles d’homme et des costumes rayés, pourquoi ?


C’est un vieillard de cent mille ans qui a des serrements de poitrine et des saignements au cœur, des sermons et des serments dans son âme pour apprêter nos avenirs, ce vieillard, c’est l’orthographe, qui ne s’est jamais fourvoyé dans des mauvaises députations, qui a bu le jus de la treille, s’est ouvert à la grâce des amours et à la disgrâce de celles qui n’y étaient pas entrées, qui joue du féminin et du masculin comme on met un fifre en bouche et ne pas courber le dos, qui fait dans le singulier, le pluriel, ces petites lingettes humides qu’on balance dans les chiottes une fois qu’elles les ont astiqué, c’est un vieillard à qui je dois obéissance, moi qui ne suis pas le premier à vouloir le saluer proprement quand je le croise dans un hôpital psychiatrique..


Ma clémence est sourde, aveugle, unijambiste, c’est une clémence qui va mal, mais cela ne m’empêche pas de divaguer avec elle d’aires en aires, comme si j’avais du déplacement plein les rétines et des livres à perdre ; lorsque elle veut se donner à voir dans cette nudité qu’a le zouave quand l’eau lui mouille ses mollets, elle va enjamber un pont grée de voilures et de ferrailles et attend que l’ombre de la nuit la recouvre pour se jeter dans l’onde. Moi qui la vidange mensuellement, je sais qu’elle consomme trop d’huile, trop de benjoin, trop d’héliotropes, tout en m’informant que c’est dans l’air et la couleur du temps, bref ça me fait grand bien de posséder une telle clémence, je sais qu’elle s’inscrira dans mon cortège funèbre, à la fin, tout à la fin…
Des anges lassés passent, l’ange est une apesanteur tant circule dans son sang l’âge d’or des enfants morts d’une lover dose, l’ange peut aussi être un roitelet, un ramier, un oiseau bienveillant, piailleur dès l’aube dans les frondaisons bleues, quelque forme aussi entre un cormoran et un faucon pèlerin ; nous ne les regardons plus. Pourtant ils ne sont pas à blâmer tant ils ont fait du bon boulot, celui de ne pas nous laisser aller au précipice, celui de ne pas trop renoncer à la prière, non les anges ne sont pas corvéables comme on peut parfois l’entendre, ils sont affables ,peut être un peu mous et moites, mais ils sont là dès notre première heure, à le juste place, au dessus du berceau blanc, une fois que l’ange a éternué, ce sont des flocons laineux et ouatés qui tombent sur nos peaux, et nous pouvons nous endormir dans le duvet tiède de nos :lits, doucement, doucettement…


C’est à voix basse que sel et poivre ont des conversations de convives qui s’attardent sur des brassées de poudre ; je vous souhaite de les entendre nous parler de leurs goûts respectifs, l’un pour les sales hiers, l’autre pour les poudrières, les fleuves d’étourdissements et d’éternuements, que tout ceci vous paraisse sans intérêt ne me trouble pas. Je m’en explique ; vous ne prêtez plus attention à ce qui mérite qu’on le regarde de près ou de loin, vous fuyez le quotidien pour des d’autres élévations d’herbes et d’effluves alarmantes, vous ne vous appliquez plus à la loupe, mais à la duperie, vos aïeuls ne vous importent plus, ceux qui, sont nés de naguère vous donnent des leçons dont vous n’avez cure, bref, vous roulez vers l’avenir avec les yeux clos, et tant vous y encourage… 

La terre, si elle était carrée, qu’en serait il du vent, de l’eau, ,du feu, de l’éther, de la limonade, je vous le demande ;eh bien, il en serait du vent comme de la résonance, rien qu’un bruit d’ahuri qui pense tout haut, de l’eau comme une fadeur inaltérante, de la limonade comme le roucoulis d’un feutre sur un parquet de paille, de l’éther comme d’une poudre  à éternuer. En dépit de cela, nous nous endormirions sous des étoiles bleues, dans l’ovale de notre nature, avec des filles légèrement vêtues, que père et mère veulent forcer à un mariage forain, il en serait toujours pareil avec la rotondité du sein des femmes, tout en tissu de chair savoureuse sur lesquelles nous mettrions des suçons comme des poinçons de terre carrée…


Dans mes bas reliefs fleurissent des sourires de jeune fille nubile que des hommes de trente piges, qu’ils portent allègrement, veulent empoisonner en leur mettant une bague au doigt, et un doigt dans l’œil, ces bouquetins ombrageux, ont parfois des jets de lanière cinglante, colorées comme les élytres d’insectes doués des privilèges d’un temps où ils ne dureront pas, respirent je ne sais trop comment des suavités à peine prononçables. Voici le commentaire qui suit. Voleurs de stances, de prières et de saisons, taisez vous, laissez au silence toutes ces demoiselles avec leurs ailes blanches, laissez leur additionner des étés et des automnes, des sonates et des aubades, cessez de comptabiliser leurs retenues, jusqu’à ce qu’elles deviennent des papillons de nuit qui iront ambrer l’or des lampes.