Au jour le jour 215

En guise d’excuse je vous dis que je vous aurais bue et bouffée à tous vos étiages, même chargée d’ânées et d’années je me serais soulé, édenté à votre corps, mais les efforts comme les fous rires ne furent pas à vos ceps, ma vigne est un domaine comique aux odeurs contrefaites où vont s’abreuver des souillons, c’est une histoire de degré, l’alcool pour la philosophie, les mots pour le silence, après il y a toujours un trop plein à évacuer, dans les latrines, ou les balancer à la face de l’autre, parfois  des bouquets savants naissent dans l’artifice de deux corps unis, il en va de même dans la séparation, mais vous si blanche, si souvent bienfaisante, connaissez vous la prudence de se taire, de se terrer, d’être en vie dans le mutisme, de n’ouvrir son cerveau que pour nourrir l’aimée, mes notes ont pris feu trop vite, et de mes amours violentes avec vous me reste en bouche le mot….

L’abandon est un sage avec une tête d’onagre, le ciel a beau péter les plombs à sa face, il n’irait pas chercher d’autre lumière que celle de son esprit, il n’irait pas aux piécettes d’or d’un firmament plus lointain éclaboussé de bleu roi ou de certitude, je connais bien cette position entre la charogne et l’attendrissement, tout cela mâché avec légèreté ça vous fait le poids d’une vie, c’est ce qui me valut d’être au point le plus haut seul avec ma solitude, ma sauvagerie, votre perte c’est ce qui m’oblige à des renouveaux, m’oblige à de cinglantes verves avec celles qui m’entendront, m’attendront, moi puant le silence peu après avec mes digitales prises dans un papier buvard, je vous le dis ici, tirer un enfant de son ventre n’augure rien de bon, l’y laisser encore moins, il s’avérera fou, coureur de fond, collecteur, auxiliaire, scaphandrier, mousse , en fait il deviendra un homme, et c’est bien là qu’est le gâchis.

Donnez moi de créer le réel moins intensément que s’il était venu sous le vent ou de ma ténèbre, à mon verbe qui n’est plus autre chose qu’une gerbe avec son système de cloques et de spasmes, de durées périlleuses, que voulez vous que je rajoute de charnel qui n’ait était déjà bouffé des yeux, pris dans des mains roturières ou rejeter par delà un esprit en mal de véritables identités. Vous qui n’êtes que dans la logique des assassins qui passent devant l’inclassable justice ,les poings liés, bavez vous, mordez vous par habitude, ou êtes vous de cette race endormie à une langue ordonnée, limpide, brûlante. Aussi chers docteurs, hommes d’ordre et de loi, censeurs à la rase tignasse, faiseurs de torts et de rognures, chers salopards ,restez où vous êtes, suspendez vous à vos informes formes, restez dans vos angles, gardez vos alibis, allez à vos bêtes immondes avec les mains pleines de savon et qui vous rognerons ce qu’il vous reste de chair et d’os..

Je ne cherche pas à rétablir dans ce monde les beautés suppliciées et délaissées ,celles des anciens siècles et qui tombent à nos regards dans les musées, ficelées comme des poupées mortes avec d’effrayants sourires à leurs saintes faces, pas plus que je ne veux spontanément aller à l’activité humaine. J’ai faim et soif d’un reclassement, entre ce qui est perceptible et aussitôt déprécié, la mort en somme, et un sommeil bien propre, aimable, doux, où ne viendra dormir que celle qui sera sans besace et sans viatique, et qui comme un oiseau qui pépie se mettra à ma bouche gourmande. J ‘ai refermé mes yeux sur le temps qui a hérité de ma somme de taisance, de mes efforts à le déconstruire, mais voilà que j’ai l’âge qui se réforme, qui se referme sur mes plus belles respirations, que mes os et ma  chair pour des raisons indifférentes aux tournures de ma vie cèdent à des nettetés que je veux porter à votre connaissance, peu me chaut donc d’être seul dans une chambre que nul écho n’atteint, c’est déjà assez d’incuber une absence, celle d’être vivant aussi, je veux en rester là…

L’inertie m’arrive nue dans une macération d’orifices vermoulus ,putrides, par où s’est défilée, s’est extraite ma nudité. A rester aux extrémités de mon être, je n’ai rien fait qui puisse résider dans la déférence des hommes, aussi j’attends ,triste et escamoté cette mesure d’herbages et  de cils qui s’inclineront sur mes hésitations, mes autorisations .Ce que je convoque ici est dégauchi à mes souvenirs, minime, à peine perceptible, mais précieux parce qu’il ne peut en être autrement .Avec ma tête lourde d’encombrements , d’élucubrations ,avec ses habitants qui ont été moins immenses en moi que cet espoir, cet espion, ce prophète qui signent des pétitions, j’ai perdu mon temps à des contemplations insignifiantes ,à commenter des meurtres sans commanditaire, et si j’existe encore  ce n’est que pour réveiller ces chers vieux fantômes avec leurs tics et leurs breloques ,pour qu’ils évoquent des rapports outrageants faits contre le monde .Mon crâne est plein de parricides , d’arrangements faits avec la mort, je ne veux remmailler  personne, je n’ai pas d’agilité, et  tel un automate sans clef  je me mets à table, et parle, parle ,parle…

Que penseriez vous d’une violente rencontre, celle de la logique et de l’ordre ,de celui qui veut s’excuser de n’avoir d’autre patrimoine que de ne pouvoir quitter son cher pays ,avec cette langue arriérée, gutturale, voici donc un usage entre le couteau et la transparence, une piste qui conduit à l’immédiate libération des sens, à la trajectoire charnelle d’un corps contenu dans une identique personne, pas parsemé mais en déliquescence. Je veux savoir pourquoi les chiens sont si multiples et nous entendent, pourquoi leurs maîtres ne laissent pas de carte de visite, sinon l’embout de leur canon sur la desserte, signatures d’assassins à l’esprit bas ,vil dérangé. La vie qui s’étrangle au milieu d’elle-même est-elle à sa place , ou se borne t-elle à des goulets d’étranglements. Sur l’horloge de la mortalité, celle des statistiques ,rien n’est plus parfait ni perfectible ,pas même ces docteurs qui nous entendent aller à la foi des hommes de bonne volonté ,qui nous écoutent dire nos vies limoneuses dans l’aval de nos vingt ans. Je suis d’un double constat, un dans l’insistance d’être toujours debout et habité, libre aussi, le second d’être embourbé, inanimé, ne me restera bientôt plus que du sable sous les paupières produits par des massifs coralliens dont la science se saisira pour des explorations d’abîmes et de précipices…

J’ai vécu dans le blé l’agate et à l’hôtel

N’ai ouvert aucun coffre pas forcé de serrure

J’étais deux au départ dans l’entente charnelle

Qui va de moi à moi au moment le plus pur

Mes doigts furent violets et sourds à mon enfance

D’un mutisme forcé suis revenu impair

Rauque sali contrefait mais rêveur outrageant

Avec dans mes maraudes des sciences et des enfers

J’ai une traînée de sang à ma bouche grinçante

Et des économies de larmes bon marché

J’irai encore sourire à la lèvre dolente

Où les mots sont reproches ventouses apprivoisées

Une partie de mon temps est un temps de distance

Une autre s’est absoute à mes regrets frondeurs

Qu’une seule me fasse signe et j’aurais la constance

De cet homme qui dort dans de nobles douleurs…