Au jour le jour 212


Quand le cœur est admirable, d’innombrables glaives l’amplifient et le percent. Iréna Del Sarto, jeune garçon qui discernait le bien du mal, fut poignardé sous un porche, et remarqua que deux lobes distincts s’espaçaient dans sa poitrine en le rendant infatigable.Tout convergeait vers une double réalité ; soit la mort ne lui était pas encore échue, soit dans la splendeur de ses décisions, un dieu à l’indéterminable grandeur l’accabla de nouveaux ventricules. Des jours durant la balafre ne se referma pas, et l’on put distinctement observer les chairs disjointes qui se gonflaient séparément.Je vous laisse à de fines observations sur les pouvoirs qu’eût le jeune péon.

Lorsque le libraire Pierre Dupin entra dans sa sombre échoppe, le MERCREDI 12 juillet 1933, ses mains caillouteuses touchèrent une nouvelle fois les livres impénétrables et les fac-similés, quand il voulut extraire un tome d’une de ses étagères, il constata qu’il lui était impossible de le retirer, et qu’à chaque fois qu’il tentait notoirement de le soustraire au rayon, ses doigts s’engourdissaient dans une douleur jamais ressentie.Il renouvela son geste, et fut peu à peu saisi d’un singulier malaise, à présent il ressentait une froide brûlure comme s’il tentait d’appliquer ses paumes jusqu’à la face d’un mort.

Quand les hommes ne fléchissent pas dans la démesure, l’inanité est érigée en règle ; la vie toute entière n’a plus recours à aucun examen, l’illusion est violette comme le visage d’un mort, la matière du sommeil s’aliène à l’insomnie, à l’amnésie.

Disposé à l’irresponsabilité dans laquelle s’est diminué mon peuple, je suis comme un soûlard sans distinction enclin aux mêmes propensions. Mon existence dès lors qu’elle s’organise dans le présent s’envenime de tous les couchants que la fatigue tourne en démonstration, et dans ma chambre où la langueur ressemble à un fruit desséché, je me couvre de bandelettes pour éviter les brûlures, pour penser mes blessures.




Quant à la fumée, la fumisterie qui sont une respiration, une variation du feu, elle tient de notre superstition du très-haut autant que de l’artifice.


Parfois inconsolables de leur nature, les magiciens au prix d’énormes efforts cessent de jouer des tours aux hommes en évoquant le hasard, (forme remarquable des dés quand ils chiffrent un zéro pointé)les circonstances ou leur propre compagnie.Je tiens cela d’un vagabond féru de science et de logique, qui détournait les pièces sans que l’on s’en aperçoive, ce qui lui évita la tôle.Bien que la joie lui fût inconnue il gardait cette dignité qui nous échappe dès lors que nous sommes « nous », démarchait d’une leste main, preste, légère, quelque obole dans sa pacifique retenue. Quoi que je fusse médisant, je garde en esprit qu’aucune sentence ne lui vint de ma part, et que dans ce temps infini où j’attends moi aussi un retour, un retournement de vie, je vois que nos mondes rendent les murs trop hauts, trop vertigineux, mais je n’ai pas peur, j’ai fait de nouveaux exercices, je peux te, vous, contenir, sache le, sachez le, ne l’oublie pas, ne l’oubliez pas…


Comme les ignorants, les elfes de l’ex se ramifient entre eux, le monde est devenu un chantier où d’infernales divinités vont et viennent en s’entretenant sur les tournures que prennent les heures en mauvaise compagnie, sur un avenant moléculaire à rajouter sur une feuille de soins, un alinéa, vertigineux axe du paragraphe euphémiste, qu’un directeur des sciences hormonales évoque comme un nouveau vestige mis à nu dans une des caves du Vatican à domicile.


En leur compagnie prenez garde à vos prodigalités, ils en feraient du compost, à ma rencontre ils sont d’une ténébreuse hérésie, je garde le sentiment que ces blasphémateurs ne peuvent se commettre et se reconnaître qu’en leurs propres lieux, les latrines ; qu’ils ignorent jusqu’à l’essence de la freine, l’odeur de la volture, que ces monstres secondaires, difformes, s’ils se reproduisaient donneraient vie à de la désenvie, mais Dieu est là, un vilain ne peut progéniturer, et d’y penser me ramène à ma vraie nature, celle où je me loue, me voue à la domesticité des herbes et des arbres, fût ce en entrant dans la peau d’un faon ou d’un fanfaron.

Puisque tout se confond

Dans vos blanches lumières

Le fard le fond jetés

Sur vos pâles paupières

Que l’or de l’encrier

Vous est tant inconnu

Que tout dort enroulé

Dans ces sombres hivers

Que jusqu’à la corbeille

Et jusqu’au cendrier

Rien ne témoigne plus

De mes lassants passages

Je reste seul sujet

Vieilli démesuré

Dans ma saison ouverte

Et que j’ai refermée

Aux passages d’hier

Sur une autre rancœur

Qui n’a pas nom de vous

C’est de mes sombres touches

Que j’endors des baisers

Comme un homme qui prie

Sans rien recommander.