Au jour le jour 205

Je me représente chaque espace, chaque place comme une phrase, une formule qui de ses profondeurs laisse apparaître la dignité d’une littérature qui n’est ni de feinte, ni d’oubli, cette part de chacun, peintre, marchand, boucher, étalagiste, est aussi une chair intacte qui n’ira pas à la ruine, et tous mes sens sont des informateurs à qui je vais soumettre la cause et son sentiment. Maintenant que les mots me sont de funèbres cachets, mon air est vain, plus sérieux aussi, plus complexe d’un vide de second plan, je parle sombrement de toutes les inflexions de mon existence avec excès et précipitation, celle d’un trieur dans la faconde d’un juriste désordonné, ave solennité et entregent, puis mes doutes et ma paresse reprennent le dessus, et plus rien n’est honorable…

La sainte en un jardin

Elevée en fontaine

Est en gerbes de sel

En herbes de chagrin

Elle dort contre les roses

Une étoile à son front

Avec des pleurs immenses

Comme autant de chardons

Au tableau blanc de vivre

Tu regardes la morte

Avec en ta mémoire

La messe et ses fossés

Avec ses chants jetés

Contre le temps la vague

L’image pieuse posée

Au mur blanc de ta chambre

Et te vient la marée

Des anciens souvenirs

Du ciel où elle monta

Pour enfin s’accomplir

Dans l’adieu et la grâce

De celle qui destinée

A une sainte mort

N’eut comme autre poussière

Que de voir dans nos yeux

Mouiller la terre entière..

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O visage bienveillant

De la femme si proche

Tu es mon cher arroi

Est mon astre limpide

Comme en monceaux de roches

Et tendres déicides

Et tu restes dans l’assise

De tous mes devenirs

Contre mes rêves froids

Et mes chères nostalgies

A me dire tes moissons

Tes ajours substantiels

Ajourés de moi même

En un autre essentiel

Ces mots qui vont venir

Comme des fruits moins amers

Nous serons renversés

Sur la table guerrière

Sur l’étal frontalier

De nos corps à distance

En ces vastes contrées

Où nos corps maladroits

Se retiennent de dire

Et l’avers et l’endroit

Toi si ténue tenace

Tu sais me retenir

Contre ton sein gerbé

De tendres démentis

En odeur de jasmin

D’ambre et de céphalées

Quand je pleurais acerbe

Des anciennes blessures

Advenues en cieux mornes

Comme une couverture

Où je divaguais ivre

De ne pouvoir tenir

Dans ma gauche et ma dextre

Que de faux repentirs

Que tu n’as pas jugés

Autrement qu’au regard

De cet arrangement

Qui vaut nos chers départs…

Comme la vie à la pierre

Touche au fond de nous même

La ruine est le silence

Vermeil de nos nuits

Chacun poursuit vaincu

Un nuage à la mer

Qui a son origine

Aux dianes éclatantes

Pâture est mon pays

Et pâture est ma vie

Exil est ma naissance

A cet arbre qui tombe

Qui n’est pas défini

En orbes et en ramées

Comme dans d’autres pays

Et toute cette peine bue

Auprès de ceux qui rêvent

D’un parent idéal

D’un ami de piété

N’auront commis que d’être

Entre le crime indigne

Et sa belle élégance

Que de rester en veille

Pour voir dans les distances

L’éclair et l’étincelle

D’un mort né sous la cendre…