Au jour le jour - 190

L’aube est là une nouvelle fois si ancienne pourtant elle traîne en elle les gonds rouillés qu’elle ramène à votre porte à votre assistance aux appuis que vous mettiez sur mon chemin et qui ajoutaient à mon allant tout le poids de mes sottes démesures j’ai cru que donner me grandirait j’ai cru que donner était réjouissant il n’en a rien été vous ne vouliez rien accepter je n’ai plus aimé me réjouir donner est devenu une idée de vol introduit en moi pour d’autres inconséquences c’était se soumettre à ce réel sur lequel je ne savais ni peser ni insister je n’ai plus aimé volé je n’ai plus voulu me soumettre à quoi que ce soit saviez vous que dans tous mes abords il y avait une avancée vers vous une demande une quémande il y avait de la prodigalité de la souffrance celle de retenir une place parmi les hommes peut être ne l’ignoriez vous pas je n’en sus rien ce rien me devint un lourd héritage pourquoi ai-je fait tant de mauvais usages de tous mes actes de ma parole et de mon corps je paye encore aujourd’hui ma propre méconnaissance la vôtre aussi…



Votre voix parole proche pour ce qui se prononce s’étire dans l’existence et lui donne ses intentions ses inflexions à présent qu’elle s’est tue rien n’est abondant rien n’est clair je suis dans l’épuisement tout ce qui s’échappe à mes yeux me revient la nuit pour me rouer comme si tous les livres que j’avais lu se déroulaient dans une course de mots et de mensonges qu’il me faudrait rattraper y voir la trace infecte de mes crimes de mes belles souillures celles qui disaient que j’étais un autre que moi quand ça me démangeait du côté qu’on a le plus de mal à bien élever dans ces heures qui se suivent qui déplient le tapis rongé du temps plus d’absolution je me suis arrêté sur l’éphémère nécessité d’être un vieillard de plus tôt un homme de plus tard vous vos sommeils s’établissent dans la paix les miens dans l’imposture d’un faux devenir je reste en mise à jour j’y consens j’en conviens il ne peut en être autrement tout ce qui m’interrompt n’est que glu et silence je suis pris de mots qui me pèsent qui me lassent je vais contre eux et contre vous c’est ainsi qu’est mon salut joué contre votre vie et non la mienne…

Un accord vous est donné il porte en lui ses parts ses monceaux d’hier de la terre du travail le sel qui fleurit aux bouches savantes ce réel que vous étiez le voici en ancrages en échappées de distances qui me rapprochent de vous mon bel amarrage quand après toutes les courses en solitaire je revenais ivre de nuit d’altitude de morne civilisation je vous hélais alors mon archipel mon bac pour aller au gué pour vous rejoindre sans offense et sans offensive vous êtes encore en moi comme toutes les couleurs d’une existence qui ne s’éteint pas comme la brûlure du lait qui repose sur le fourneau ce vert d’émeraude comme en optique regard celui qui ne se coulait pas dans les octobres d’ombres et de pluies saumâtres vous étiez aussi de ce bleu des marais qui fume ses carnets de jours pour en faire des journaux qu’on mettra aux mains des voleurs qu’on s’y noie aussi sans avoir su attendre le violet de mon désespoir mais vous êtes ailleurs je le sais le contiens ce qu’il me reste de rancœur est obscurci par mon sang je veux me colorer d’une joie admise sans la folie brouillée de mes pauvretés extrêmes…

Comme pour un rachat une nouvelle séduction mes mouvements se sont faits dans la circulation oblique qui va de l’aorte aux ventricules elle est lente sourde lente lourde sans effet et sans détonation loin de vos appartenances mon devoir à présent est dans un lieu calculé qui n’est pas le mien là où d’autres femmes marchandes d’habits et de leurres m’abritent pour me poser aux lèvres des baisers méthodiques c’est ainsi que je suis devenu un intermédiaire entre mon désir et le leur toute la panoplie d’une surveillance contraignante rien que je ne puisse commettre à présent et qui vous irait comme une belle ordonnance mon paradoxe réside dans ma crédulité je ne me contente plus de mes faiblesses je les prononce comme de vieux modèles qu’on a pris soin d’épouser me voici donc friable cassant sec je vis dans une privation argentée elle ne me suffit qu’à augmenter mes vides et mes fumeuses excellences d’homme esclave de son ennui tous les sens qui me convenaient que vous différiez de moi pour un combat dans l’enceinte ardoisée les voici qui ont des méthodes d’examen et de féroce esprit…

Je veux aujourd’hui et pour m’attitrer par mon propre jugement ne plus me présenter à vous dans mes hémorragies dans l’hommage ou la croyance que je vous vouais nous sommes dans une équité de gloires et de mensonges nos troubles sont identiques mes humiliations sont réparties tout comme le sont les vôtres dans un temps de fièvres et de harangues convenez en mon intention était d’être immodéré pour vous prononcé précis comme un canon de revolver un chant plus haut peut être dans la force que je mis à mes ouvrages il n’y avait qu’un froid calcul une sévère persévérance de votre assurance si aiguë j’ai retenu une femme mal remplie de son cœur qui ne convenait plus à mes sentiments qu’à sa conscience n’allaient plus que mes friponneries je ne veux pas qu’elle me parle à présent d’un ancien amour haïssable qui ne préjugea pas de ce qui allait advenir de la sentence une inconvenance aussi qu’à cela ne tienne je vais dormir pour atteindre à d’autres souvenirs…

Maintenant que nous sommes deux retardataires qui ignorent le recours et la reconnaissance ne s’imposent plus à moi que le sommeil mon enfance au milieu des bêtes mes nuits contre le flanc chaud d’un chien couchant brûlé de cris de déchirures je veux prendre congé de cette honte certes en décrue mais qui est encore une barbarie me mettre dans le regard de celles qui ne vont pas dans le divin pour s’y déverser en fausses prières en obscurcissements comme il faudrait vous transformer pour abattre vos résistances plonger votre âme dans l’eau qui suinte des petites mains versées dans un bathysphère je ne peux plus être attentif à vos mots a vos gestes seul argent de poche qu’il me reste et quoique vous m’êtes une carte maîtresse je ne sais plus jouer à dix contre un au pelotari de cette existence qui de toutes parts me met sur la touche vous vous restez digne inaltérable moi je m’ordonne dans le silence où je me détends sans rien toucher sans rien de terrestre à méjuger davantage…

Le bleu du ciel est toujours bleu je ne veux pas qu’il en soit autrement le bleu du ciel c’est l’aveu et l’avent de notre amour c’est la formule que prennent la pierre le feu l’eau aux mains des lapidaires c’est la couleur de ma maladie à ne rien vouloir montrer c’est la couleur de mes persuasions celle de l’encre qui témoignait de vous salive sueur mêlées dans l’improbable lit des communions hâtives aujourd’hui encore avec l’application d’un élève étourdi de songes d’appels inentendus je buissonne je me cache du monde pour mieux m’encadrer dans mes sombres peintures cette absence qu’est la vôtre m’ouvre à des toiles de bure à des toiles aux impatiences d’enfant qui réveille l’ancien écho de votre présence qui m’enserre de toutes parts pour des rectitudes des angles des droites qui dansent de funestes musiques déchirantes sitôt qu’on les entend que rien ne vienne se mélanger à cet abandon que rien ne vienne me décider à ne plus me soumettre à cette pauvreté qui m’est dévolue ordonnée comme un alignement de lits d’hôpital comme cette réclusion où je reconnais que mes errances et mes erreurs valaient par leurs formes allouées et que vous n’aimiez pas…