Au jour le jour 168


À cinq heures du matin on en fait toujours trop, on est peintre, écrivain, besogneux, on a du charme, on a des désirs, on définit le monde avec des nouveautés, on se taxe de jeunot alors qu’on est un quinqua rompu de jaunisse et un cœur qui bat comme le fruit d'une ville sans concession, l'homme et la femme dont il est question ici vont durer jusqu'à leur mort, or la mort elle est dans l'embarras,le quotidien, l'errance, les relations, la radioactivité, les monstres incontrôlables  de l'hiver collé à nos peaux, dans les étés lorsque les forêts brûlent, alors cet homme, cette femme se déplacent d'une unité à une autre, puis d'une vie à une autre vie, d'un jour au second, et s'aperçoivent qu'il n'y a pas de vérité, qu'il n'y a pas d'autres qu’eux dans leur existence, ils la sauvegardent pourtant,  en eux-mêmes, puis se taisent et meurent.

Ce qui reste chaud longtemps, c’est l’amour quand il n’est plus, un peu comme une de ces plaques  en céramique qui nous crament vingt minutes après leur extinction, la brûlure elle est là, s’est posée en nous bien avant la rupture, elle est déjà là dans les premiers élans, le premier baiser, la première oeillade, elle est immédiatement à la fin d’être à deux,  mais cette cause c'est déjà une mort prématurée, peu importe le nom qu’elle a, le visage qu'elle possède, d'où elle provient, et où elle va, je sais que c'est la mort et notamment mieux connue sous le nom d'amour, et lui qui se croit  élu contient déjà le poids de nos mots d’adieu, comme lorsqu'on nous rentrons dans une baignoires et que l’eau déborde, oui l’amour c’est ça ,c’est un étiage ou un débordement et rien d’autre,et qui durent,qui durent.

Je crois que la sexualité admise entre une femme et un homme est d’un abord immatériel, chacun  contrôle l’autre dans ses déclinaisons, ses faussetés,ses paroles,c’est d’un  premier savoir,  et chacun se satisfait pour un moment de ces saisissements, lorsqu'il en est plus ainsi, que les mots deviennent  anciens, vient aussi la décision de la distance, le véhicule de la pensée veut la vérité, il s'enlise dans les corps, et les récoltes seront des enfants morts, mais aussi de la méconnaissance, c'est dans ce domaine là qu’était déjà le mal du premier jour,mais chacun s’est tu, l'envie est à présent  de débrider la bête, de la mener  à la vie matérielle, celle qu'ils avaient omise dans l'amour, puis viennent les rations,le vin amer,le pain rassis, le tracé de la maladie du départ, et chacun en  reste là pour toujours.

Construire en la première
Version de devenir
Un homme estimable
Au visage aimé ardent
Ouvert aux tremblements
De la connaissance
Construire d’une main tremblante
De nouveaux voisinages
Une vive intelligence
Qui voyage toute en noir
Vêtue d’une étole d’étoiles
Et d’un corset précieux
Construire sur la croyance
Ce qu'il faut essayer
En dehors du soupçon
L’amour nu et dressé
Dans une autre descendance
Construire un homme tremblant
Du prestige de la vie
Et à aucun moment
N’aller dans la clarté.
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Je tiens le flot de vivre
Dans des intempéries
Je suis creuséUn composé
Sédimentaire
Je m'appuie contre les nuagesJ
e resteLe long des murs chargés
De plomb et de chaux
Je n'ai plus qu'un désir
D’aveugleUne nuit à offrir
À celle qui s'est bougée de moi
J’attends derrière un rideau
Qu’une présence le traverse
Qu’elle vienne à moi
Qu’elle me suive
Qu’elle me saisisse
Mette les mains dans les miennes
J’attends une collision
J’attends et j'attendrai.
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Aujourd'hui la chambre est vide, je me fonde sur une nouvelle solitude, un travail en fait, la solitude c'est une pièce sombre où l’on planque si peu de soi-même, on se demande à quoi elle sert, j'aimerais avoir un autre penchant mais pas en réduction, quelque chose de vaste, de plus grand, un peu comme un immense environnement, mais je ne progresse en rien, je fluctue de la surface à la profondeur, parfois je trouve une île et j’y accoste, c'est un cinéma, un bistrot, une rencontre, et mes sens me rachètent de vivre dans une mauvaise régence, la nuit vient l'indécence des souvenirs, une démonstration d'un qui marche seul sur une berge et qui se dit que son corps pourrait flotter dans les eaux saumâtres, mais il y a trop de bancs de sable et trop de rochers auquel il pourrait  se cramponner.

Il y a une quinzaine d'années j'ai acheté une grande maison, mon père s'installait dans les jours qui suivirent cette acquisition, sous chaque fenêtre il y avait un radiateur en fonte et la première chose qu'il fit c’est de couper l'eau, de déboulonner chaque radiateur, de les péter à la masse, la fonte cassa comme du verre dans une espèce de frétillement, son sac fini, il jeta le tout par la fenêtre, aujourd'hui il se chauffe à l’électricité, ça me fait penser à l'amour, en fait on l'assassine dès le premier jour, peu importe les moyens qu'on utilise, il y a des présences qui semblent se correspondre, mais on se dit que le mieux est dans le lendemain, et le lendemain on est déjà dans une zone de turbulences et on y reste.

Pour éviter la foi

De dormir en toi

Je m'évapore je m'enflamme

Je monte à des barreaux

Qui vont aux nuages

Des beuveries

Ma paresse va à l’encre

Au matricide

A la mélancolie

A tant vouloir l'oubli

Je suis dans une épidémie

De fausses allégresses

J’investis des espaces

D’où j'observe

Le ciel avec ses angles immenses

Ces hauts lieux déserts

Ma parole ne donne plus

Qu’un nouveau comble

A un corps désolé

Livré à la douleur d'être seul.