Au jour le jour 142

Au grand jour, la force des questions porte le nom de malice, et les baigneuses qui sont des héroïnes, tantôt claires, tantôt sombres, jouent les saintes nitouches, l’absurde comédie de vivre ;ce sont aussi elles qui nous bercent, qui se jouent de nous, qui rient à nos faces, et ces reines d’aubes, au premier tourment, cherchent un julot, un ami, pour s’affirmer dans un décor où il faut parler, être au meilleur de son temps, dans la geste d’une inconnue qui a survécu à ses plus mauvais rêves.

Aux simples remarques, les déclamations et les déclarations suivent, nous viennent aussi des ciseaux de langue pour rétablir sereinement le réveil des pères aveugles, prédestinés à nous tourner le dos ;quant à la grande lessive du cœur, au nettoyage des carreaux, à la rencontre fortuite de deux sourires, qu’ils restent ce qu’ils sont :deux torts, qui à l’heure de se taire mettent leur impudeur bien en vue, pour des voyageurs égarés et qu’on a rendu sourds aux derniers échos de l'ancestrale rumeur d'aimer.

Tout ce qui est destiné aux avantages de la parole s’ouvre à des fous, en sourdine, et les petites chéries, ces seuls êtres qui écrivent des poèmes en secret le savent .Pour vivre ici, il faut du savoir et de l’inquiétude, du savoir pour fruiter ses déveines, et de l’inquiétude pour alourdir son pas dans le sens du dormir ;il y a tant de choses auxquelles il faut rester fidèles, que les supplices du coucher sont des banalités de fossoyeur.Comme il est tard, que nous sommes trop légers, des soldats casqués, bottés, avec des fleurs dans leurs mains chantent des hymnes qui ne vont pas à nos désirs.Les dimanches il y a cette lourde nécessité d’attendre, cette anxiété à se soucier d’un ciel dévasté, que tout repose dans de la clôture et de la roture, c’est pourquoi nous vieillissons, que nous ne pouvons, nous ne voulons plus sortir, regarder les argiles et les murs sans passer par la rage de cet âge, où la fièvre est d’une subtile connaissance ;et ces deux là qui restent couchés et que nous voyons emmêlés pour des certitudes, nous rendent à nos vingt ans, avec plus de folie que si nous étions restés des enfants soumis à l’étude et à la retenue..

Aux nécessités de la vie, les enfants répondent par des jongleries et des farces, et le sommeil n’est pas dans leur convenue. Ils se promènent, ils sont manœuvres, grutiers, mineurs de fond, boxeurs, noctambules, et leur cœur est d’une rare félicité.Ils ont l’art de la danse ,sont sensibles, musiciens d’eaux ,de pluies, de grêles et de tonnerres, et dans leurs mailles ,le reflet de toutes leurs séductions est un cantique, une louange, une sainte image qui entre et sort de leur dissipation aux heures du soir.Dans cet air noir et sombre ,au moment où croupissent et vieillissent les bergers dans leur pâture, ils cherchent une fin, une réalité sans définition, et nous, nous la leur donnons pour leurs jeux équivoques. Leur paresse d’être et de devenir ,n’est que la conséquence de ces nuits où ils ont rêvé d’écrire des proses en draperies sonores pour des filles désargentées, avec un langage clair,et pour sortir de cet automne où d’autres ont donné rendez-vous à un public mort de n’avoir rien entendu ;ce sont d’ailleurs eux qui restent nos seuls amis, quand nous traversons des haies, pour les rejoindre sur les sentiers de leur précocité en grappes de souvenirs, et que nous n’avons plus…