Au jour le jour 137

Dans une tribune libre , je suis toujours  sans appel entendu, il faut que j'en finisse avec cette dérive, elle est tout en organique,en matériel d’inacalmie, à mon insu, c’est une gestionnaire qui fait profit de moi, en me devançant sous forme d’enfance,qui gère mes dépenses, mon air, mon alcool, mes pilules, mes femmes, mon ciel d'effrayant, dans ma vie ça s’est toujours passé comme ça,   ça  a toujours été comme ça dans tous les âges, dans mon corps qui était là que je le veuille ou non, voilà pourquoi j’ai décidé de la démolir physiquement et socialement, pour être debout,  progresser, régresser, ou faire le mort, je vais donc vers le milieu ou l'extérieur du monde, j'avance, je suis dans le retrait, je m'efface,je fais marche arrière, et j'en passe, puis c’est la nuit, claire, transparente et je n'y dors pas, j'y ai mes passe-droits.

C'est une route que j’ai prise très tôt un âge où pour diverses raisons on se  voit en résident secondaire, honteux d’arriver d'ailleurs, puis on oublie, mais mal, cette route, c’est celle du foudre,de la flore,des herbes qui rendent fou,  entreprise insensée d’où il n'y a pas de retour, nabot appliqué à regarder les traces laissées, chiffrables, lisibles, il est trop tard,j’y suis,je m’y suis mis,cette route c’est l’ivresse, c’est un petit suicide familier, frontalier qui est là, c’est l’employé le plus propice à faire me oublier ce que je suis,ce que je commets sans vouloir commettre quoi que ce soit, elle m’aide à m'échapper, à redoubler d’écrits pour une chance à venir, c'est du moins ce que je crois, je l’appelle pour faire de l'enfournement, cette route, c'est l'alcool, on passe de l’état  liquide à l'état liquide, rien d'autre, bref on pleure avant et après boire, c’est tutorial,tutoriel,c’est une danseuse qui se met nue devant moi ,une tutrice quoi, on y tient pour communier et communiquer en nous, et puis on s'emploie à être instinctif, inexact, social, enfantin, et sa ça sent déjà la mort.

À l'immédiat désir

Tenu à l’approche de la nuit

De la cendre à  la cendre

L’homme seul l'anoblit

Partagé de silences

De sueurs et de peurs

Il ramène à son torse

Nos anciennes couleurs

Précises à tes coutumes

Tu es mon cher combat

L’aube aux dorures de soufre

A l'espoir engagée

Et tes accusations

En droites voilures

Ont déferlé en moi

Comme un violent ressac

J’attends tant d'entreprendre

Dans mes nouveaux sommeils

Une nette apparence

Désignée pour l'amour

Que tu tins dans tes bras.

Je vois je vais je vis

Je m’arrache à mes liens

Dans les bains d’azur

Points salués de rires

J’attends et je salue

Les longs regrets salés

Jetés dans les éponges

Aux trompettes de la mer

J’avance fendu d’ennui

Au prévisible naufrage

Et toute mes déchirures

Sont des branches voyageuses

Impatient d'inquiétudes

Aux odeurs de la menthe

Je m'oblige aux excuses

Pour te renouveler

Septembre choisit pour moi

Ta gloire et ta patience

Et le vent qui grandit

Donne sa forme aux arbres

Et aux Saintes images.

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Vais je encore traverser

Les steppes par temps d’orage

Trouvé l’antre du loup

Et son aveuglement

Vais je franchir le seuil

Des maisons aux présences

Établies aux communes

Des temps éblouissants

Vais je voir à nouveau

La neige et ses plongées

Vers l’étrave cinglante

Et y comprendre enfin

Combien je n'ai pu croître

Sans toi nue renversée

Sur le lit torche blanche

Où nous ressemblions

Aux cordes et à l’archet

Je passe un col un gué

Un tunnel vertical

Je  monte vers le ciel

Au refuge idéal.

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Parfois je prends  un mot

Au rosaire de la peur

Je le soumets au souffle

Des blanches cariatides

Ce mot tremble et s'agite

Il veut être parole

Mais la parole est morte

Au travail d'exister

Il lui faut beaucoup d’ordre

Beaucoup de volonté

Et tant je la dessers

Tant elle ne s'y soumet

Alors tel un fusil

Qui n'a qu'une seule cartouche

Je donne au mot ton nom

Pour m'approcher de toi

Est frappant ma poitrine

Détournant mon regard

Le mot prend son envol

Comme un oiseau blessé

Brisant ses ailes au vent

Et ses pattes au cimier.

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Une autre fois encore j'étais le même, devant le fait accompli, le fait accompli c'est une porte close contre laquelle elle appuie son corps, elle veut de la distance, respirer dit-elle, faire ce qu’il lui reste de jeunesse, en fait une séparation, moi qui voulais des enfants, un portique, un jardinet, planter des géraniums, ça vous fout un coup en pleine tronche, c'est une toute une merde que ce machin là, alors on redevient petit, un homme en réduction, on en chialerait  presque, ça fait partie de la vie, c'est du moins ce qu'on dit, comme tout ce qui est soluble dans l'eau, sans que cela soit un mystère, le lendemain on est au pied d'un immeuble de six étages, on appuie sur la sonnette et c’est un réveil matin qui vous répond.