Au jour le jour 136

Au stade de la santé absente

Le grand bonheur est sous la cendre

La pluie offerte n'est plus de soif

Plus en avoir d’avantages

Les visages inconnus

Expulsés contre le ciel

Montent aux cuvettes de l'enfance

Avec leur croûte de sel

La poussière limpide

Des pas d'amoureux

De nos pattes d'animaux

Se terrent contre les cailloux

Aux angles vifs

Et nos visages

Ne chantent plus dans les tavernes

Chacun s’est clos

Délimité

Dans la somme des sommes

Et la droite semaine

Est un axe mal orienté

Derrière le pisteur que j'ai été

Vont des enfants

Aux empreintes plus vastes que les miennes.

Comme s'il fallait  que je sois toujours tiède, j'ai une architecture qui ne va pas aux jardins du ciel, je ne marche pas aumodèle, les faits extérieurs me sont des archéologies, d'autres facteurs interviennent qui m'éloignent des hommes, ils ne me font pas rire, ils mentent, passent par des ratières et n'y sont pas obstrués, moi oui, tout ce que j'ai intégré en curiosité m'est venu des femmes, elles sont toujours dans mes rez-de-chaussée, je n'ai pas à monter dans les étages, elles n'ont pas cherché de la hauteur, la caméra, l'objectif, elles n'étaient pas d'un bloc noir et concentrique, je m'en suis approché comment on le fait pour voir un tableau avec au centre un visage et une famille autour, et de plus il est prouvé qu'elles ont de belles phrases, qu’elles les ont dites, qu'elles les diront encore.

L'alcool c'est de maintenant et d'hier, je bois parce que je n'ai pas de Dieu, que je veux remplacer ce monde par le mien, il est plus intelligible, plus simple, on  peut le dater, l'atteindre, l'alcool c'est une façon de me saisir de la vie et de m'y préparer, de m'y opposer, de la proposer à d'autres,à elle en particulier, celle qui fut dans ma totalité comme on va vers la mer, rapidement,ou voir un beau paysage, je bois pour être dépassé dans les mots et par les mots, pour les relier à l’humanité ,les faire resplendir, et si je n’y arrive, pas je bois davantage, frénétiquement, je laisse alors  dernière moi des pistes où rien ne commence, du moins rien de moi, de ce fait je bois encore, jusqu'à la logique de boire qui est une conclusion de chacun de mes gestes, de chacune de mes paroles, jamais dans la colère, et jamais dans un au-delà ou rien ne commencerait.

Ça commence toujours par de la précipitation, quelque chose qu'on fait trop vite, qu’on jette  dans les flots, ça, c'est la vie, parce qu'on n'a rien à y gagner, sinon mensuellement, ça s’appelle  un salaire et ça fout la  trouille, du moins à moi qui suis  du mauvais côté de l'achat, quand l’âge vient, c'est d'abord un instant chaud, on est enfant, on va vers adolescent, on va bander, chercher des filles, puis on est pris dans le bain d'être adulte, au début c'est comme le mode d'emploi d'une robinetterie, c'est facile, l'eau chaude, l’eau froide, et puis ça devient du chinois, un immense foutoir, un grand baratin, de la solitude, des mauvais souvenirs, de la douleur retenue, les unes sont parties, celles qui reviennent on ne les aime plus, c'est ça qui nous fait hommes et femmes, ça nous rend pas l'existence aisée, d’ailleurs on le sait dès le premier jour.

L'adoration des mages est une absurdité, c'est en fait une adoration d'images, celle qui sera une icône autant dans une église que dans une maison sale, cette irréalité nous l'avons prolongée pour en faire une manifestation de nos mensonges, d'ailleurs c'est ce que nous aimons, mentir, nous mentons dans les dîners, aux femmes que nous rencontrons, nous mentons à la sympathie, aux amis,à la douleur, à pépé le moqueur,à pépé le Moko,à un  idiot,au  mensonge même, avec un bâton rouge dans une main et dans l'autre un tisonnier, allez savoir à quoi ils serviront, mais ils serviront, ils serviront à frapper dans le mensonge, celui de la séduction, de toutes les séductions, d'ailleurs elles commencent par un mensonge et finissent comme tels.

A toujours ressembler à une prison mon corps est devenu 'immatériel, je  vois, je me déplace, j’ai des envies, fais la vaisselle, vais en ville,dans les bistros, mais tout ça c'est de l'ordre d'un combat, celui d'un malade qui a décidé d'être sourd et aveugle, c'est-à-dire de ne rien attendre de beau, je doute que ceci arrive, tout  est déjà sale, les saisons, les nations,l’âge , notre civilisation, certains le savent mais ils te taisent,en cela je le ressemble, ils me répugnent, je me répugne dans leur entre-temps, ils se superposent à moi dans des concerts exagérés, puis ça fait un vaste séjour pour les morts, ça devient encombrant, on le sait, c'est comme ça, on continue,un peu comme lorsqu’on entasse des objets pour en faire un vaste jeu de construction, alors on cherche ce qui est là,sous nos yeux, là,et qu’on ne trouve pas , c'est cela la signification de la vie, elle est là,elle a toujours été là et dans rien d'autre, bref on s'accumule.

Chaque jour est l'écriture du maintien de la vie, l’écriture c’est une question d'idées et de muscles, un peu comme une euthanasie active, on écrit pour crever ou parce qu’on crève déjà, la musique, les familles, les amis, la colle,l’alcool,les somnifères n’y sont pour rien, le seul soulagement ce sont les mots, ces mots qui dépendent les uns des autres, qui y sont associés, qu’ils soient  propres ou impropres selon qu'on ait été souillé ou pas  ; l'écriture c’est 'un déménagement et un emménagement, ce qu’on ôte d’un côté de sa tête, on l’obtient à  l'autre, si on se barre de par là,on arrive par ici,dans l’exténuation, on est proche,on est lointain, c’est une  absence,et alors ; écrire c'est de l'ordre de l'organique désorganisé, on écrit parce s’est convié à vivre ou mourir, parce que ça a du sens ou n’en a pas, mais on s’en fout, écrire n’est pas une fonction,ce n’est pas une feuille de route obligatoire, voilà pourquoi on s’en tape , même si on a un lecteur.