Au jour le jour 135

Moi qui vous aimais si fort, si chaud, si mal, je disais que rien de vain ne nous arriverait. Je vivais en plein dans ces heures d’arrière cour qui me coupaient du monde ;j’avais le poing serré contre le cœur,et le cœur jusqu’à votre domicile. Ces rues que nous connaissions comme des pentes en posture, voilà qu’elles s’adressent à la colline…Je pense à ça aussi, je vous interdis de songer à me régler d’avance.


Certains des gens que je connais profitent de me voir malade pour m’injurier, or je les sais irrespirables, puants comme goudron, mauvais comme chiendent ;que me vaut cette haine, sinon cette femme qui est riche d’elle en permanence..


Comme tu me démesures chaque jour davantage, je te réclame des artifices. La nuit venue, il faut que tu te déshabilles et t’offres nues aux mains de sel ;ni cri, ni larme ,ni peine ne doivent nous alarmer, le silence doit t’être familier ;il faut bien te punir de tous mes esclavages, petite femme déjà d’autorité que je ne sais par quel bout l’apprendre.


La nuit construit pour moi des palais de givre, ô mon amour humide comme les champs aux aurores, parle moi de ce que j’attends. L’ombre avec ses architectures chancelantes et son ciel de mosaïque, m’ouvre une vie nouvelle ;pourtant j’ai la passion si froide qu’il te faudra des mains inaltérées pour élargir dans ma tête les sillons de mes vieux rêves.


Le livre poussait. Les livres ont besoin d’espace et non d’accolement ;au moindre frisson le livre se dénoue et parle, il parle de ce qu’on aime entendre, une fois que le livre a parlé, il faut le refermer doucement, c’est une histoire qui recommence.
J’avais négligé une attente, l’attente se fit bocal, le bocal prit froid ,le verre cassa, l’eau s’écoula pour inventer un nouveau monde, le monde éclata de douceur, et tout recommença aux lendemains de givre.


Sous ce soleil de plomb comme j’ai pitié de toi, toi qui dans ces maisons paresseuses et sans âge te déshabilles, éteinte de toutes tes pierreries ,nonchalante et froide pour des yeux de derrière les vitraux, de derrière nos terroirs, comme j’ai pitié de toi, ma petite maladie.


Mon cœur était un passereau paresseux, sans mélodie, sans charme, sans ramage ;je le chassais un soir, l’insultant à tout rompre. Un jour, le retrouvai dans le corps d’un autre, frais comme une camomille, léger comme un papillon, vif comme un levraut, lui me maudissait ;je pleurais alors cet ancien élève du fond des premières classes.