Au jour le jour 123
Toutes mes permissions ont nom de frénésie, et dans les bibliothèques où j’exagère mes sentiments, les voix qui me parviennent affirment que rien n’est de silence absolu, et qu’en dehors de la cohérence où s’étagent toutes les ignorances du monde, il vaut mieux qu’aucun remède ne me donne le goût immodéré pour les tomes et les volumes qui sont des respirations ou des fleurs si on les respire ou peint séparément.
Mon opinion susceptible d’être encore bouleversée, observée et contournée ne consiste aujourd’hui qu’à me distraire de mes vanités ,et quelques soient les mots que j’emploie, ma désassurance atteste qu’il y a bien là une résignation que je n’ai pas encore prononcée…
Celui qui vous retient
Sous ses lourdes paupières
N’a pas tourné le dos
D’une funeste manière
Il a gardé de vous
Toutes les constellations
Et un mal infini
Qu’il borde de questions
Il n’a pas su saisir
L’été les paysages
Ce qui venait de vous
Et de tous vos parages
Il n’ pas su comprendre
L’aveugle l’empressée
Qui dans tous ses sommeils
En lui s’embarrassait
N’ a pas heurté sa tête
Sur le même horizon
Par le hublot ouvert
Sur toutes les saisons.
A vivre irrésolu
Sous de vastes mystères
J’ai déplacé le monde
Comme un visage aimé
Et ma lourde conscience
Et toute ma volonté
Sont pleines encore du temps
Où tu me dépassais.
A vivre irrésolu
Sans disposer de moi
Tel un homme empressé
Et veuf tout à la fois
Je n’ai pu disposer
Que de paroles mortes
Sans retenir ton pas
Avant que tu ne portes
Ton cœur ensommeillé
Vers une nouvelle énigme
Vers un globe entrouvert
Par un autre que moi.
Quand le point, en sa féconde tranquillité s’accorde à la ligne, les pièges tendus par les hommes sont de deux ordres, la limite et l’ensablement.
Ayant procédé à toutes les vérifications qui sont du domaine de ma honte et de mes épanchements, j’en ai conclu qu’un cocher qui use du sophisme vaut un sophiste qui à chacun de ses carrefours hèle un cocher.
Pus enclin à sauver les apparences qu’à enseigner l’asservissement proposé et préfiguré dans chaque signe, dans chaque obtempération, dans chaque colloque organisé après la montée des marches, tout ceci pour être asservi sur des estrades de feutre, dans les lieux où l’aise est un soldat en cothurnes, je cherche avec tous mes accents à laisser mon empreinte en zones d’ombres, où les points seraient de nécessaire utilité.
Le "ni", qui est la somme de tous les moins,ceux n'ayant pas obtempéré à un dieu impassible, a des électeurs qui se sont torchés avec le vocabulaire d’un charretier. J’entends dire que l’apparition du"ni" est due à un délateur qui organisa l’arrestation d’un poitrinaire que l’on crucifia, et qui désarticulé eut la force de crier que l’on mette à sac toutes les bibliothèques, toutes les échoppes, les lieux ceints de barbelés où les noms de proscrits de maintes engeances étaient tracés à la craie, pour qu’on les oubliât au plus vite
De toutes les épitaphes, je retiens celle qui a soutenu les voyelles, et qui se couvre de sang, lorsqu’on s’en approche d’un empan ,la juste distance entre cette autre et moi, cette autre, enveloppée d’une mantille et qui assiste chaque dimanche, toute en distraction à la mort de la bête.
Quand le cœur est admirable, d’innombrables glaives l’amplifient et le percent. Iréna Del Sarto, jeune garçon qui discernait le bien du mal, fut poignardé sous un porche, et remarqua que deux lobes distincts s’espaçaient dans sa poitrine en le rendant infatigable.
Tout convergeait vers une double réalité ; soit la mort ne lui était pas encore échue, soit dans la splendeur de ses décisions, un dieu à l’indéterminable grandeur l’accabla de nouveaux ventricules. Des jours durant la balafre ne se referma pas, et l’on put distinctement observer les chairs disjointes qui se gonflaient séparément.
Je vous laisse à de fines observations sur les pouvoirs qu’eût le jeune péon.
Lorsque le libraire Pierre Dupin entra dans sa sombre échoppe, le MERCREDI 12 juillet 1933, ses mains caillouteuses touchèrent une nouvelle fois les livres impénétrables et les fac-similés, quand il voulut extraire un tome d’une de ses étagères, il constata qu’il lui était impossible de le retirer, et qu’à chaque fois qu’il tentait notoirement de le soustraire au rayon, ses doigts s’engourdissaient dans une douleur jamais ressentie.
Il renouvela son geste, et fut peu à peu saisi d’un singulier malaise, à présent il ressentait une froide brûlure comme s’il tentait d’appliquer ses paumes jusqu’à la face d’un mort.
Quand les hommes ne fléchissent pas dans la démesure, l’inanité est érigée en règle ; la vie toute entière n’a plus recours à aucun examen, l’illusion est violette comme le visage d’un mort, la matière du sommeil s’aliène à l’insomnie, à l’amnésie.
Disposé à l’irresponsabilité dans laquelle s’est diminué mon peuple, je suis comme un soûlard sans distinction enclin aux mêmes propensions. Mon existence dès lors qu’elle s’organise dans le présent s’envenime de tous les couchants que la fatigue tourne en démonstration, et dans ma chambre où la langueur ressemble à un fruit desséché, je me couvre de bandelettes pour éviter les brûlures, pour penser mes blessures.
Quand à l’heure d’exister
Chacun cherche sa voie
Et tous les doux mensonges
Venus en sa maison
Il faut bien qu’un vaisseau
Balayé par le vent
Avec son équipage
Avec sa cargaison
Ouvre ses larges baies
Où s’est tracée la vie
Plonge dans la ténèbre
Jusqu’à la chambre ouverte
Où tous les candélabres
Incurvés de lumière
Laissent filer les rêves
Construire à l’heure où vibrent
Les murs de la maison
Le chambranle ciselé
Des portes du grenier
Un univers géant
Avec ses aiguillons
Ses avenues baignées
D’une fraîcheur de printemps
Construire dans sa misère
Ce qui résistera
Aux vents, aux nuits, aux ombres
Lever sur cette paix
Un chemin, un passage
Une impensable vie
Avec ses légers pas
Ses manèges, ses toisons
Ses seuils grandis au jour
Pour un plus grand que moi
Construire et reconstruire
Avec d’autres syllabes
Tous les beaux mouvements.
Dans l’attente, ce travail aux expressions d’un visage envahi de honte, je tiens dans le poids d’une vie passée à deux sans en avoir dévidé le sens ; cette attente d’une main maladroite et souffrée ,elle est encore là aujourd’hui, et nulle autre manière d’interroger l’absente ne me vient, que de tailler des phrases, leurs parts de brouilleuse transparence.
Ici, au bord de ces sorties de routes et de vie, celles que j’ai longées les soirs où l’alcool m’avait amoindri ,me viennent encore ses regards, ses prodiges ,ses continuelles justesses et justices.Je n’ai pas prétendu autrement, que ceci, je suis un homme en modification, en cours de rattrapage, modulaire ; mes contradictions de trop de nombres, de trop de mots ne lui ont rien appris, si ce n’est ma prétention à grandir, mais que celle-ci n’est plus dans son espèce, n’est plus dans ses espaces.
Quand on ne sait durer
Dans sa chambre défaite
Il nous faut regarder
Par la fenêtre ouverte
Voir les arbres couchés
Par un vent de passage
Et les larmes couler
Au plus haut des parages
Il nous faut des douleurs
Ecarter les colères
Poser son front ridé
Sur le carreau humide
Sur ce tableau tenace
Tous nos restes d’enfance
Du ciel échevelé
Nos belles arrogances
Puis revenir intact
Vers l’obscur salon
Prendre le livre clos
De toutes nos saisons
Comme un faiseur d’orages
Dans l’été qui se tend
Blondi par des foyers
De pelures et d’ornières.
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