Au jour le jour 119

Et pour ne pas nommer ce qui nous vient de l'usure, nous assistons nos corps comme de funestes étrangers qui se détachent d'un pays où ils ne furent pas conquérants. Il faut surplomber la vie, et la regarder comme si nous comprenions qu'elle n'ira, ni n'aura de sens que dans le tragique. Probe jusqu'à l'absurdité, je me serais tant défait pour m'anéantir d'un médiocre silence où se réduisait tout mon esprit, et qui ne tenait ni de la philosophie, ni d'aucun but..



C'est une fille de carrefour et de village qui adresse à ses favoris des lettres obscènes qui ont la rudesse d'un lad où d'une mécanique mal huilée ,quand passent au ciel un air d'orchestre avec ses sons discordants, des oies cousues d'habits tristes, elle s'attaque à tous ces coquins sur un pas de danse ,et à grands coups de seau et de vieux usages elle leur jette à la face des coups de chienne rompue aux ordonnances, sans que son échine délicate ne frissonne , elle qui ressent la musique comme un champ d'injures et de blasphèmes, un refuge froid où elle ne dormira pas, là voilà  qui ne fête plus que douloureusement ses vingt ans, commentés par des jocrisses, des ignares, et des sots..


D'abord ce furent les premiers abords aux nobles sentiments qui vont de la bouche à la rose dans les proportions savantes d'un tableau conçu pour des aveugles aux confidences de glossaire, de gradés sans régiment, puis il y eut ces tenues plus basses, sexe, rires, caresses nerveuses affleurements abrupts, comme des jappements de chien battu aux dégoulinantes progénitures, les délectations adroites à coups de semonces et de moignons nous aurions pu les éviter,  être égaux si l'un de nous n'était tant farouche ,tout aurait pu s'arrêter là mais la véritable nature d'une femme que rien n'effraye ,que personne ne retroussera déroute aussi bien le sympathique inquisiteur que l'inquiet qui renonce... 

Et de nos savantes exagérations sont nés les formes, les figures, les nœuds, de nos corps destinés à la renfrogne, à l'épaisse égalité des commandements, nos nouveaux occupants vont à la glandouille avec des baïonnettes, les yeux tristes et à demi clos, et tous les sésames, toutes les séances et séquences d'exister finissent dans la chair rancunière ,pourquoi toujours tendus vers le fond, les versants abrupts, les hommes que n'atteint pas le fard, nous humilient avec leurs museaux et leurs masques de hyène, quand roulent et s'écoulent de nous les souffles de la haine, faut-il avoir des codes ,des lois ,des édits pour ne pas serrer les dents et crisper sa mâchoire, ou plutôt que de se raidir dans un silence de bafoué qui gagne sur nos commandements aller vers les pactes ou sur les remparts...


Nous frôlons de nos mains des filles rauques et caillouteuses à qui nous voudrions jeter un sort, ou  envelopper dans du coquelicot, elles ont des visages tels ces cerceaux blottis contre les vitres, et des serre têtes qui leur font des mines de couturières arriérées, pourtant ce sont elles que nous retenons dans ces soirs d'orage, lorsque la pluie ,vient démanger nos poignets et quoique nous ne soyons plus immenses, nous serions prêts à d'équivoques jeux, ceux qui maintiennent en toute chose la décence des poupées sans nœud et sans frayeur, aussi pour ne pas oublier que nos doigts sont gourds, piqués nous ramenons vers elles nos chiens, nos boucs, nos puanteurs sans que chacune en soit outrée... Subterfuge de l'existence, elle nous oblige à être et on ne peut plus que traiter avec nos cellules et nos neurones... A intervalles réguliers, j'écoute mon cœur s'emballer, plein de ce sang sous tension, qui à juste titre rappelle que la santé ne peut se dissoudre dans l'entretien d'un organe qui a du sens... 

Aux fantaisies fleurissantes que le nord ordonne pour des yeux obsédants, tout s'irise d'une infecte dignité, là aussi sont nos anciens maîtres avec leurs habits vermeils, ils sont à l'heure de l'apoplexie et de la mort, et le vieil apparat est une vrille d'air, un harpon que nul n'agite si ce n'est le vent, qui d'autre que nous ne rêve d'un nouveau sommeil, avec des consentements et des clefs de survie ,sous l'herbe de nos chambrées, sous le ciel là où la démesure est pierreuse  tant de cancrelats se referment sur des coquilles vides, aux faces de concierge ivre, et si nous disputons au jour ses fastes et ses lumières ce n'est que pour les flétrir à nouveau aux extrêmes finissants..

Nous regardons les violentes saisons consommer jusqu’à nos plus vives actions , et nos fils ouverts aux promises vont avec d’autres femmes qui pourrissent leur éternité d’apprendre et d’étreindre, ce qui leur est du est loin de la vue des hommes, qui pour se venger dressent contre eux d’inflexibles plantes qui les avarieront des entrailles aux visages, rien de ce qu’ils voulurent ne fleurira plus dans les vergers ,ne les apaisera, quant à tout ce vert, ces émeraude ceintes au front d’un diable sérieux, ce ne sont que de fausses pierreries pour de fausses épousailles. Les objets sans fond et sans lumière accrochent du vernis brûlant à leurs hontes et de leurs colères montent de la terre au ciel de jeunes pousses qui feront des signaux au jour et des adresse à ces mêmes filles qui ne les aimeront plus, c’est pour cela que nos fils jettent au vent  leurs peaux et leurs charognes d’humain.


Où meurt l’obscur travail ,nos humeurs sont des paysages clos ,les fenêtres sont hautes, et l’enfant dans l’attente de l’adulte est fait pour devenir un passager sous la pluie, les absurdes répétitions de l’existence, les musiques, les marées, les mariages, c’est pour ces autres qui ne viendront plus s’encombrer de nos vieilles connaissances, de nos vieilles mémoires. Ce que nous retenons dans nos mains n’est pas un pain rompu pour le partage, la chair des filles et tristes hélas et nous avons trop bu de vin amer à leurs lèvres d’absences ,de souvenirs, elles se sont d’ailleurs retirées dans d’autres lits, d’autres vestiaires, où le temps est une blanche calamité, nous ne lapons plus qu’une vie vide et sans distraction, nous nous endormons comme des mouchards dans des draps qui ont pris la forme de celles que nous aimâmes, trop fort et trop mal. Nous voulons atteindre à ces visages pour que nos méconduites ne soient plus de la couleur du chagrin et de la peine, mais comme rien de beau ne nous vient, nous restons des hommes émouvants qui vont à l’usine sous la tempête ,manifestement courageux mais insuffisants.


Et les heures si anciennes nommées latines dans une autre langue tendent à se perdre dans le temps de ces jolies filles aux mantilles fraîches comme de jeunes pousses ,destinés à la fraude et aux riverains, avec la lourde nécessité de ne pas les cueillir, c'était ça aussi le culte de la porcelaine, celui de savoir que rien n'est une carcasse avant mille ans. Quand les alois des jours s'établissaient dans les déchirures, nous ne nous soignions pas, nous attachions nos chevelures à de grands chevaux malades et attendions que la mort nous prenne .Voici que nos bêtes ne sont plus nos favorites, qu'elles sentent la naphtaline, qu'elles évoquent des chansons tristes, des images qui ne consentent plus aux contentements.

Ce qui nous vient de l'esprit, en obscurs travaux d'approche et de force , on le doit à ces renégats qui sont trop tôt devenus vieux, et qui s'adoucissent de leurs anciens crimes...

Les écorces et les écorchés ont des odeurs de goudron, leurs doigts sont gourds et lourds, lourdes à porter aussi leurs larmes et leurs armes. Quand l'hiver s'est épandu en coutelas et en sinistres hauteurs, les gibets sont des totems appuyés contre la montagne, la saumure s'écoule de nos chants et de nos poignets, tout est nœud en nous couturé de toutes parts par des compagnons à la barbe noire, la vermine est devenue mélodieuse sur les ossements des morts qui dorment dans leur sombre bouillie, les herbes nous affaiblissent, elles nous font divaguer à hauteur d'homme, de bouilleur de crus, et pourtant chacun de nous veut prolonger le contact de la plume et de la soie, voilà que nos désolations nous font plus amers encore que si nous avions traversé un enfer avec la gorge chaude.