Au jour le jour 111

 


C'est ailleurs après les  cataclysmes de la chair qui ont été de vrais marasmes, qu'il faut se disposer à de moindres saloperies, fatalismes ,faux espoirs, honneurs déchus , déceptions ,captivités, là où quelqu'un nous chatouille un autre nous fait des bleus, alors, malaisés ou non, prenons à nos bras ce qui est le moins lourd, le moins encombrant ,je tiens cela d'un aïeul ,à base de vie et d'adresse qui disait que l'euphorie d'être peut venir d'une angine de poitrine, autant que d'une fille qui nous met dans ses fadaises .Où que je situe ma vie, viennent toujours à m'encombrer mes notes et mes mots, ceux que j'ai ramenés d'entre les jeûnets et les morts, je ne garde pas tout ceci pour désespérant, entre le faux rire d'un qui n'est victime de rien et celui qui l'est d'un peu plus, je dis simplement que je vais en petite chapelle prier insolemment.


J'ai déjà entendu qu'on pouvait fouiller dans une âme considérable qui ne fait pas sa chochotte, qui n'enlève pas son enfant malade à un lit d'hôpital, qui n'étouffe pas ses harmonieuses notes, pour cela ,il suffit de laisser sa nature apparaître avec ses entrelacs, ses marées, ses rivières, ses sorbets d'eau courante sur le feutre des prairies, mais je prends garde à tous ces pièges, à ceux de ces rats avec une queue de vilebrequin, ils en disent de ces calembredaines, ils sont d'une humanité basse et affligeante qui ne se rase qu'une fois par semaine et dort avec tout ce qu'elle a oppressé une journée entière quand elle est allée aux mœurs légères. Moi ,bien observé, je suis un semainier malingre, cinq tiroirs, deux manquent, un saurien sur l'arbre aux ronces dentelées comme des encoignures, je tiens aussi de la camisole et du maquisard, la première pour sa forme, le second pour ses hauts faits, j’ai tant de hasardeux ,de nécessité ,de bravache à revendre que je n'apprécie aucune question quant à ces sujets, je ne veux pas davantage qu'on s'enquiert de mes plantes carnivores, de mes pentes inclinées, suspendues au dessus du vide, je veux qu'il en soit ainsi...


Ce sont des créatures avec de grandes fièvres, toutes en paroles premières avec des messages à tête d'épingle, de dé à coudre ou quelque chose comme ça, un  certain ordre de fin de subtil, qu’on peut balancer dans de belles conversations, n’étant pas le premier né, ni le premier venu, on m'a dit qu'on pouvait penser à leurs bonnes têtes en noble compagnie, celle qui s'est libérée de ses contraintes et contrariétés. Bref, le débat est relancé un certain nombre de fois, jusqu’à la prise de parole d'un couche tôt qui sur le tapis, d’une main monstrueuse, convaincante, pose une hauteur d'as de pique et trèfle mêlés, tyrannie des seigneurs, nulle victoire ne nous est destinée, une nouvelle occasion de nous  rendre aux bandits manchots avec leur gueule de sphinge, nous on aimerait que ça dure, abattre des bras, connaître la suite qui va du valet à la dame, mais personne n'y consent, alors on reste sur ses gardes, puis on rentre à pieds  en s'appuyant sur un bois sombre, une canne de buis, et chez soi on appuie sur la seule touche qu'il reste de l'échiquier.


J'ai déformé mon dos à tant m'agenouiller, mes vertèbres ont craqué de toutes parts, régulièrement, d’âge en âge, quand j'ai voulu mettre au feu le négatif de mes douleurs, le feu n'en voulut pas, j’ai donc sur des clichés, ma vie à venir, sur du noir, format vingt sur vingt, quelque chose de pair, de tassements d'os en tassements de paupières et de prières en craquements de nuque, ma tête s'est inclinée, je ne vois plus ce que j'ai tant aimé fuir, je regarde la terre autrement, comme une bière ,un idéal tombeau, dont je doute à chaque fois que je veux m'élever, mais il y a pire encore, c’est ce crétin qui m'a sorti du lit la semaine dernière à trois heures du matin, un verre de valériane à la main, pour me demander si la science se sert d'invisibles leviers pour mettre les nuages en ventouses sur le ventre de nos grands mères, si elle est de cette perfection qu'on lui prête quand elle s'effeuille devant le marbre des cariatides, si elle a des actinies contre son visage, et si elle a des organes mâle et femelle à la fois, comme je n'ai pas su m'expliquer, il faudra qu'il aille dans un sanatorium..
D'après Mallarmé,


Fendez l’homme qu'à ce lieu n’y entre sans consigneQu’il  mobilise en  songe de qui il fut surprisEt qu’il aille se frapper à toutes les interlignes.


Quand un homme part, quitte sa famille et sa ville, ses amis, sa demeure, il ne salue personne, il se réjouit d’entrer dans le milieu des autres, il ne met plus sa langue en poche, il  ne regarde pas  d’un mauvais œil ce qui est  à sa portée, et bien que réticent à la civilisation, il y va parce que c’est un carnivore bien entrainé, bien brossé, bien dressé à la barbaque, avec son énorme bouche qui lui vient quand il croise une fille, la tête haute, reins de cambrures dorées, droite, serrée entre ses jambes, mais il n’en reste pas moins un immigré, il sait la difficulté des rencontres, de celles qui lui résisteront avec des assonances, il a déjà fermé les volets de son âme sur ce nouvel ailleurs, il ne va quand même pas s’enquiquiner une fois encore à cette nouvelle ville, à de nouvelles femmes, et à des enfants aussi chieurs que les siens…


Chez les mourgues, il ne faut jamais épeler un nom, surtout celui d’une maitresse ou d’un amant, ils vous pendraient aussitôt, ce peuple établi dans l'usage du borborygme, s’est toujours refusé au déshabillage, alors vous pensez, celui des mots..Ils portent en constance de larges gilets qui leur autorisent des mouvements contraires, tendre une main, en arracher une autre, leur pantalon leur va jusque plus haut que le nombril et ils le nouent avec des ceinturons confectionnés dans des peaux d’ânes, au demeurant des animaux dont ils n’aiment pas la scrupuleuse inertie, le peu d’entrain, ces trainailleurs qui pissent devant leur porte et quelle que  soit l’heure, je sais aussi qu’ils en feront des besaces, des escarpins, du fard à paupières, des trucs qu’on ne connait nulle part ailleurs ,et du ricil que leurs femmes mettront à leurs yeux pour voir comment ils vont dans les arbres pour épeler le nom de leur maîtresse.