Au jour le jour 82

Voilà sans nul doute qu’il faille soulever les bonnes questions comme des levrauts déficients sous le ventre d’une hase ,lasse de sa progéniture., Voilà que tous nos membres s’ouvrent, que le sang est immense, plat, suspendu à une chair qui se tient trop à nos extrémités, voilà qu’il faut après les imperceptibles transformations, se transformer encore, en rocher, en nef, en subtiles géométries à queue de comète, qu’il faut planter ses ongles dans l’incarnat grossier et violet d’une amante aux grandes mains de sélénite, qu’il faut imprimer jusqu’à la moelle, la douleur inconséquente de vivre debout adossé aux murailles où les freux viendront nous crever les tympans, à faire face à tout et à n’importe quoi, surtout à ces femmes cent fois répétées, aux cent péripéties, et qui s’avancent pour des approbations que nous n’avons ni dans les yeux, ni dans le cœur…

La lave avec ses œufs, ses infectes couvaisons, ses cendres d’après les ébullitions, cette erreur matérielle s’est produite d’un seul coup, sans que j’y prenne garde, le silence était dans son habit d’apparat et d’aspirant, la musique d’un grouillement obscur, ceux qui vaquaient à des travaux de forçat voulaient se pendre aux lignes à haute tension, tout semblait correctement mis, tendu, chaque chose à sa place comme en un tableau de peintre du dimanche qui met les couleurs bien là où il faut et proprement. Le paysage sous le sens de ces nouvelles vérités, venait à nos rencontres pour y dérouler  ses rampantes bêtes, le monde physique est  toujours à ses postes frontières entre des frontons et des miradors, avec ses glus, ses épaisseurs, son sang qui va du cerveau au cœur, direction d’un imposteur, sans vouloir secouer la vie ,l’agrandir, sans s’iriser des connaissances qui devraient lui seoir, rien n’existe plus que l’illusion d’un triptyque dans une église, demeure effrayante prise dans la lave, et dans le phylactère il est écrit que ce tableau jamais ne sera volé…

Donnez-moi de fermer les yeux sur le chagrin

L’abandon aux fraicheurs des matins liquoreux

Que l’arc des dallages se brisent en arcs fins

D’où les flèches jailliront dans la noirceur des cieux

Donnez-moi de l’espoir comme une barbarie

Comme une terre mâle en paquets de fureur

Où marcher c’est bleuir ses veines inconsenties

Où coule l’affreux sang de toutes nos torpeurs

Donnez-moi dans cet air où respirer s’arrête

Aux archipels du jour dès le premier assaut

De n’avoir de lumière qu’en une sombre fête

Où la ville s’établit dans l’immense troupeau

Des hommes aveugles et lourds de toutes leurs ressemblances

Qui vont dans les espaces y plonger leur destin

De bête inoccupée à la double croyance

De dire d’être entendu pour un autre festin.

Ils ont la tête basse au plus haut point du jour, non que la honte les porte ou qu’ils aimeraient se jeter dans un puits avec leur cerveau ouvert, celui qui a trop joué contre le temps ses difformités malsaines, tant il considérait que le violon n’allait plus au repos des hommes qui ne se consolaient pas de leur esclavagisme, aussi devenus amers, froids, austères, sans bienséance, ils veulent s’éloigner du monde, doucement, calmement ,avec la lenteur de leurs roides colonnes, là où les fléchettes les ont rendus impuissants dans la gesticulation. Avec  nonchalance, ils traversent la plaine prompte à les déglutir dans les hautes herbes, les  vergers aux fruits solennels, la montagne comme un grand caporal au bicorne rabaissé sur ses façades mutilées…Devant la tour de garde, là où autrefois ils laissèrent leur entrain, leurs postures de pompeux soldats, leurs exhalaisons, ils s’arrêtent, ils parlent entre eux d’algèbre, de musique, et de ces cousins mis au premier rang dans des fauteuils, là où ils regardent le théâtre de leur propre chair les divertir de leurs pourrissements…

Et vous aux grands stades de l’absence, dans l’attente des amers vents dressés contre nos peurs, étiez vous dans l’acte lumineux de vivre, dans l’étreinte et l’élan des puissantes bêtes, des herbes colorées par la foudre avec vos faces nouvelles. C’est œuvre que de rester debout entre les hommes, dans l’immobilité des grands déversoirs que sont leurs yeux morts, aux pierres dilatés. Quand la musique est haute et lente, elle vient des sphères où nul ne rajoute ses méprises, retirée de notre route elle va au cœur des lieux où mourir se fait proprement, sans bandoulière et sans fusil, dans l’amicale inertie qui tombe comme la chape froide des nuits de gel, et notre âge, enseigne d’une fête foraine n’est plus qu’un grand bruit de gong qui alerte les boxeurs.

C’est de la remontée d’une aube sonore que nous nous réjouissons alors, à nos visages avec ses longs plis d’un demi siècle, le temps nous replace dans le silence, nous ne nous ouvrirons plus pour dire nos vieilles usures, et pour ne pas mesurer la diagonale qui va de la houe au fléau, nous restons impassibles, avec dans nos mains le bruit de la terre et de l’araire qui va la déchirer. Balancement rase dans cette attente et absence qui ne sont pas de mon bien, sales titans aux histoires de geignard, j’ai la gorge âcre, mon point coutumier ne va plus au point d’usage, les deux venaient d’une dont je me serais accommodé si j’avais été aux lisières du début d’un autre âge…