Au jour le jour 75


Cœur au ponant
Dans l’éteinte saison
Dans le facile arrêt
D’une raison qui se feint
Dans un autre domaine
Il est dans le langage
Le reflux le reflet
Des bornes des alliages
Des alliances des soupirs
Et de la convoitise
Celle d’une autre jeunesse
Qui nous aura voulus
Le front dans les nuages
Qu’on ne peut oublier
Qu’au fond secret des femmes
Avec leurs coupes sombres
Leurs traîtrises leurs hauteurs
A peine franchissables
En base et en largeur
Et sur la grande roue
Qui tourne au caractère
Immense de se tenir
Debout l’un contre l’autre
Il intervient un temps
Comme on ne l’aime plus
Avec ses grandes veilles
Et nous-mêmes vieillis…

 
A dépasser le temps
De cette grande veilleuse
Ce train ouvert aux flammes
Aux étoiles naissantes
Nous revenons au monde
Dans cette pâte blanche
Avec en mains d’abcès
Une nouvelle lueur
Et tous les hauts degrés
Des rivages les plus purs
Sont à nos yeux connus
Comme un autre parjure
C’est ici dans l’ailleurs
Qu’iront nos fièvres mortes
Cette terre à frémir
Qu’un forcené emporte
Elle ne voudra de nous
Que dans l’aplomb des jours
Où nous serons couverts
D’or et de pourriture…

 
Aux pointes aiguisées
D’affront et de vieillesse
Va cette main touffue
Sans autre maladresse
Que de ne pas tenir
Tes jours dans un rebours
Et tes soirs immobiles
Au bras d’un marin mort
Un nouveau paysage
Blanc comme un clandestin
Te sourit te minaude
Pour une autre durée
Où tu voudras garder
En féconde mémoire
Les rouges rivages où soufflent
Tes autres destinées
Celles des mondes intraitables
Que tu ne sais tenir
Ni en mains ni aux yeux
Par peur de parcourir
Un univers en flammes
Dans des éloignements
Et tous ces autres drames
Où chacun se débat
En fond et en surface
A aller dans des lieues
Qui sont au voyageur
Un pas immense où dort
Le conte ouvert ténu
Où il a fait ses classes
Pour une étude ouverte
Sur l’effet nu du soir
Où chacun se défend
De n’y entrer pour voir
Que le seul firmament…

Homme vertical
A la gloire des nuits dociles
Tu t’endors bistré
De tes vols de tes rancœurs
Qu’a tu donc à tes angles
Et qui va à l’aorte
Sans autre blanchiment
Que par le sel dissous
Sans hauteur
Sans contrainte
Sans grappe à affaisser
Que cette lumière bue
Qui n’est ta démesure
De ta poitrine ouverte
Qu’il te faudra ouvrir
Au ciel qui n’est plus sale
De tes correspondances
Ta lèvre au fil cousu
N’est plus habile d’hier
Tout ce qui se détache
De ta moindre envergure
Va de ton pas au crime
Jusqu’à la chair croupie
De cet homme vertical
Et qui n’est pas même toi…

 
Les filles chacales
A l’habile parole
Devant la démesure
Ont d’ardentes lueurs
Dans leurs yeux calcinés
Elles mettent la main
Dans la tige la ligne de leurs cheveux
Aimables comme des rampes
Qu’on ne comprimera
Que dans l’ignoble chute
Qui va du pas au pas
Elles sont droites
Pesons retors et fiables
Elles jaugent estiment
Nos crimes nos houppelandes
A cran dans leurs sourires
Qui sont ravins d’épines
Celles qui vont à la ruine
Ont des crampes et des trempes
D’acier aux bouches noires
Comme des forêts pointues
Et puis sur leur poitrine
Elles serrent un mouchoir
Comme un drapeau à facettes
Où sur chaque entaille
Elles ont écrit le nom
D’un taiseux à abattre…

Ici je suis attentif
A tes lames à tes émois
Froids comme des boulets
Tirés sur des soldats
Qui respirent mal
Couchés sur des planches
Le visage tordu
Leur deuil est à venir
Sphère torpide
Sans l’ampleur de la flamme
De la démesure
Quand tout brûle
D’une docile transparence
Celle où crépitent des aiguilles
Arrachés aux arbres
Orientés vers un faux jour
Où nulle trace
Autre que la tienne
Me ramène
A l’écarlate faim d’un pain noir
D’une grimace dans le givre
A l’amer sourire
De l’homme droit
Et qui marche…


Espace aux pieds des arbres
Dans les rideaux du jour
Terreux comme les racines
La lumière y ramène
Tes anciennes figures
D’un temps
Sous la lampe tempête
Cet homme à l’oeil vif
Qui revient du sommeil
Il te regarde
Il te montre
Les rayons aux heures bleues
Quand à la fenêtre
Avec ses vitres givrées
On voit en nombre
Les fantaisies du ciel
Avec ses frondaisons
Jeter sur le monde
La poussière de tous les angles
De tous les obscurs recoins
Où chaque étoile
Dans les yeux d’un mourant
Va dans la direction
De ce qui sera nous…


Or de deux lignes absente
Comme un visage caché
Toutes les palmes que tu offres
S’en vont à des sentences
Tout ce qui s’évacue
Par l’effort et la faim
A les cadences
D’un jour qu’on mène
Jusqu’au charroi
De bêtes mortes
Sur des planches
Aux formes adaptées
Pour le chant des marins
Il est dit de toujours
Que celui qui dort
Entre dans la lumière
Humaine épaisse
Vieille et sans saveur
Et qu’on ne voudrait garder
Que pour ces autres misères
Qui sont dans nos yeux mouillés
Quand dans l’impatience de la chair
Se joue ce qui heurte l’esprit
Et qui ne sauve plus…

Aux minutes
En droite ligne
Comme un mensonge retentissant
Tu mets ta pudeur
Tes vertus cardinales
Tressées comme des fils
En écheveaux d’étoiles
Sur les routes des vents
Des pluies et des brouillards
Où l’aveugle renaît
De ne plus comparaître
Quand les yeux les plus purs
Ont regardé de haut
Les éclatantes flammes
D’un ciel bas monocorde
Où chaque nuage
Tient de la vétuste figure
D’un ange déchu
Et qui pleure dans le caniveau
Comme une bête blessée
Qui avance de dans noires coulisses
Et se redresse contre la mort…
 
Ceux qui disputent
A la vie calme
L’échelle que nul ne gravira
Avec ses mousses et ses lichens
Ceux là sont sans passé
Sans témoin assistés
Les voici secoués de hoquets
Un dahlia sur le cœur
Comme une fleur épouvantable
Leurs jours sont
Sur la ligne de départ
Les quais où ils posent  le pas
Sont jetés
Dans la lumière bleue
D’un immense incendie
Où des ruelles étroites
Flambent comme des blancs fétus
Et aux plus hautes heures de la nuit
Là où nul ne glisse sa vie médiocre
Est le plateau d’un jour nouveau
Desservi par d’inhabiles mains…


Au rivage livré d’or
Signatures clandestines
Vont les poulpes obscènes
Avec des yeux improbables
Lève ici une fille
Sourde à nos renaissances
En portées de bas fonds
Et de fonciers chagrins
L’air est un faux refrain
Aux lèvres adultérines
Et toutes en basses fosses
Des antiennes pullulent
Avec une âme veilleuse
Sur des festins arides
De pierres et de polypes
Toi avec tes havres tes figures
Tu me mets dans la paix
Tu me dessines
Un sourire clair et droit
A la mesure d’un temps
Où seule tu compteras
Avec tes chiens avides
De charognes et de gloires
Dans ces abois de bêtes
Un lacet à la patte
Et qui aux noires coupes
Des forêts monstrueuses
S’attaquent au maître mort
De les avoir fourbus…
 
Paliers aux doigts d’été
D’un jongleur né aveugle
Qui cherche à ralentir
De ses animations
La main tendue que rompt
Un fil d’acier tendu
L’air brûle acide et lourd
Le feu rebelle couve
Des bornes et des trêves
Dans les soupentes
Dans les mémoires
Doute trahison oubli
Aux cerveaux lents des bêtes
Sont de faux alibis
De réelles tempêtes
Lettres dans un cercueil
Chaque corps ici bas
Est un chemin porté
Vers une nouvelle croix
Vers un nouveau tonnerre
Quand l’aigle en effigie
Tient sur un monticule
Aux pieds d’un lourd calvaire
Un cadavre sans nom
Qui couvre l’horizon
De ses noces funèbres…

En plein champ de pierres
Avec ses palmes intactes
Et ses insectes lents
Au front chaud d’une ivresse
Qui est ta haute marche
Qui est à tes abords
Comme une fièvre dolente
Tu mets tes oraisons
Et ta raison muette
Au refuge du vent
Avec son équipage
De rires et de diamants
Ta face reste limpide
Et limpide tes gestes
A mes mains malhabiles
Calleuses et endurcies
Par le fiel des rencontres
Où je ne fus admis
Qu’en second pair qui tombe
Et ne révèle pas
Ni sa force ni son ombre
Pour de nouveaux fracas
Nulle autre que toi-même
A mes yeux n’est plus pure
Sinon celle qui agite
L’orage et ses frayeurs
De danseuse imparfaite
Sur la cime des cieux
Où il faut parvenir
A redresser l’autel
Avec des membres intacts
Qui vont à l’essentiel…
 
Matière sombre aux remous
De poulpe sous la neige
Tu es ma porcelaine
Lapidée à mes mains
Mailée comme l’ombre humide
D’une détente infernale
Quand un faune s’établit
Aux pâleurs du matin
Dans les décombres tièdes
Et les dépôts de nuit
Si tu te déshabilles
Un faucon s’abandonne
Dans la distance et l’erre
Où il sera tendu
Si tu vas à la terre
En exquise nudité
Il m’est regain de soif
Pour des fraternités
Et à ma lèvre chaude
Je lève un archipel
Où nul écho plus sourd
Que celui de la nymphe
Ne viendra m’endormir
A tes ombres appels
Où je m’engloutirai
Par tout ce qui m’absorbe…