Au jour le jour 74

Devant vos grandes mains
Aux haies tremblantes
Sous les épais fouets
Des pâles enfantements
Entre le couteau et la ligne
Nous qui n'avons plus
Ni d'aimées ni d'aînées
La mer est notre lot
La course notre pierre froide
Sous le cuivre et l'ardoise
Lourde aveugle à porter
Là où dorment ces astres
Parmi les insectes bleus
Qui n'ont plus de fines étoffes
Ni d'obsidiennes aux doigts
Avec le feu le regret
Dire est dans la retenue
Et celui qui sait le jour
Peut entendre les mots
Des morts à la douce pente.


Haute connaissance
Qui s'enchevêtre
À de multiples jeux
Sous le calcul des grains
Tu vas pour une naissance
D’où découle l'aveu
Instantané de vivre
Aux rudes générations
Et le vieil horizon
Sonore palmé cruel
Procède d'une sommation
En matière de réveil
Ces grandes vérités
D’oublier de ta langue
La matière et les chiffres
Nouée dans les rotondes
N’est que tourment des hommes
Pour de savants  ouvrages
Et qui  n'ont pas admis
Que le monde par nature
Est une inconséquence
Quelque chose de précis
Et qui n'a pas de sens.


Or s'il n'est pas manqué
Désirant d'autre part
C'est être en droite ligne
Sans mérite et  sans gloire
L'assermenté le pieu
De principes et de nombres
Et qui s'est alloué
Le diamètre le cercle
Détendu doucement
Aux tumeurs de ses terres
Nauséeux caséeux
En plaques mortifères
Et qui au soir des planques
De dérives et de jeûnes
S'étend de sa grandeur
A nos académies
Examinées sans cesse
Jusqu'aux barbaries
Par des hommes devanciers
Aux connaissances abjectes.


En l'espèce je suis
D’un premier cri issu
Et de mes dimensions
Primaires et additives
L’homme aux analogies
D’unité et de drames
Dans la forme d'un vivre
Un moi indestiné
Aux additions du jour
Je cesse l'ajustement
Radical d'exercer
En avaleur de temps
Le métier d'homme libre
Aux algèbres communes
Humain qui se soustrait
À la borne et au lieu
Que chacun parcourt
Comme une bête innommable
Qu’il franchit un seul bond
Quand je reste misérable.


Plus qu'en vaste demeure
Ignorants ébranlés
Les causes les origines
A leurs seconds degrés-
Sont d'une connaissance
Et d'un peu méconnus
Où 's'avancent par bandes
Des fous aux incidences
De meurtres de tueries
Et d'une autre naissance
A laquelle la règle utile
N'est qu'une insurrection
Suivie des chiffres impairs
Qui retardent la mort
Et d'une ère religieuse
Elle fait un cycle froid
Où l'univers entier
Se redouble d'effroi
De peine de trahison
visible préconçue
Comme une époque amère
Sans nulle autre unité
Que de combattre en nombre
Jusqu'aux perpétuités.


Au génie  champ fertile
De tes vastes vallées
Seul avec mes doigts gourds
Sur mes lampes et mes masses
J'attends pétri d'orgueil
De sombres remontrances
Qu'à mon exil tu viennes
Comme pour une pénitence
Exercer tes courants
Tes marches évaporées
Quand plus rien n'est nadir
Dans l'immense marais
Au pôle qui culmine
A ton souci d'amour
Qui va dorer ce mal
Si ce n'est ton sourire
A mon corps douloureux
Puis c'est de vivre encore
Dans l'extrême dénuement
Aux signaux de la nuit
Que j'invite
Tes mains à célébrer
Tes nobles descendances.


Épaule et chevelure
Sont à ma destinée
Tu es  ma graine ouverte
Mes courbes retournées
Mon pas va au voyage
A nos célébrations
Et t’ouvrir à ma vue
Me vaut d'autres questions
Que luire à  la terre borgne
Me borner en sevrages
Aux tourbillons des cieux
Qui passent par tes cils
Tes lèvres contenues
Comme un refrain d'argile
Et je ne sais d’oubli
Dans tes mains  délicates
Que pour bouillir au jour
Dans d'autres alibis
Matière à ces remords
Souches de moi redressées
Dont le tort est manière
De ne plus m’adresser
Qu’à des fins déchirées.


Et de dire rassemblé
Ce qui en moi remue
Comme une grande main
En naissante lumière
C’est promesse requise
A toute mobilité
A nos chemins secrets
Etirés en lointains
Souvenirs et signaux
De concert dans nos vies
Profondes et sans colère
Sans colère et sans marge
Où l’on peut s'établir
En désireuses amours
Comme cet écho qui sourd
A ne pas retenir
Ma trace au cirque d'or
Où je fus homme amer
Dans un vaste pays
Enclos sur des frontières.


Si tu vas à mes  mains
Au jour blanc où je saigne
Evacué de tout
Ce qui fait soif et faim
J'aurais des paquets d’ombre
Au moindre des méandres
Qui sont dépositaires
De mes légèretés
Et je ne saurais plus
Ni l'orage ni la fleur
Les effluves retenus
Aux frappes des saisons
Pas plus lourd ni plus lent
Que dans tous les hivers
Où j'étais dans l'effort
De la roue  du charbon
Et de te retenir
Ne me voudra raison
Que lorsque tu viendras
Dans mes folles cadences
Pour ne plus m'accabler
Des visages d'antan.


Avec la forme humide
De ma santé aigue
J’attise aux lèvres bleues
Tes parcelles de vigueur
Et tu sais tant m’attendre
Avec tes gestes fous
Dans la nuit la pénombre
Que plus d’un trait  une ligne
Me viennent à célébrer
Les fissures d'horizon
Au grand lit ou l'amour
Est de nos oraisons
Comme épître comme instance
Dites à tout célébrer
Ce qui abonde en nous
Sans feinte de  beauté
Exquise de nos gestes
Comme des flots retenus
Et qui vont à nos cœurs
Sans heurter nos desseins
De ne pas regarder
Dans les autres chagrins.


La bleusaille des saisons
Caressantes me tord
Contre les parapets
Où s'adapte ton corps
Immense à me revoir
Sans appel sans effort
Moi l'aveugle avoué
D'une ancienne détresse
Avec mes ponts jetés
Aux brumes océanes
Comme on bande une corde
En cadences accablantes
Et que le corps entier
N'a d'autre délivrance
Que de cesser de rompre
Dans l'opaque raucité
De ce qui rétrécit
L'univers comme une palme
Dont l'ombre est ondoyante
Aux reflets irisés
D'un soir sous la soupente.


Si je tombe tu ruses
A ne plus t'épuiser
Et de tes voix lointaines
Te parvient l'arrêté
D'un temps propre au sommeil
Dans le sein trop limpide
Où la lampe se fane
De couleurs insipides
Et tu voudrais dormir
Du verre entre les mains
Et que j'aurai brisé
Aux restes du matin
Quand tu serais tournée
Vers les transes célestes
Au doux soir des étés
Que moi forçat l'humide
Faillible et absolu
J'étreindrai de mes veines
Comme des mines au ciel
Bouillies à ton flanc nu
Pour d’autres embellies.


Tout est  noir tout est cru
De nos obscurités
Délayées dans un temps
De traversées de croches
Et l'on voudrait dormir
Au pénible soleil
S'accrocher dans les cimes
Aux pentes immobiles
Là où les passions vives
Pointées dans la lumière
Ne sont que craquements
D'une soute brûlante
Aux mains des matelots
Tout ce qui nous saisit
Ne nous fut donc donné
Que pour des apparats
Et autant de regrets
Et de nos tympans sourds
Retentit cette diane
Acérée et modique
Qui s'étend dans la nuit
Pour une éternité.


A n' espérer de rien
Que tout soit contenu
Dans l'interdit saillant
Avide de pierreries
Tu voudrais qu'au ciel bas
Aillent l'aile et l'œil violets
Caractère de légende
D'une terre rejetée
Où l'étouffante énigme
De l'homme dans son linceul
Ne va pas à la lampe
Pas plus qu'aux angles  tièdes
Où c'est libre d'aimer
Que nous tissons mensonges
En grappes de mille doigts
Gonflées comme des espaces
De cocons venimeux
Aux reflets séduisants
D’un élytre revenu
Au soir de la décombre
Se durcir dans la nuit
Entre le fief de bâillon.


Ces pas cette solitude
A vivre encore debout
En multiples manières
Comme autant de dégoût
De glaces refermées
Sur la main qui s'étend
Et qui vient de l'aimée
Pourtant proche et lucide
De toutes ses avancées
Or n’agir n’est plus rien
Que semelles de vent
Qui s'égarent sous le ciel
Mort de morne du temps
Idéal est bleui
De brises artificielles
Comme des mots sévères
Salines des brouillards
Barrant de mes réponses
De mes textes vacants
Une autre destinée.


Avril à la hauteur
Des souvenirs éteints
De cette lucidité
Que l'on atteindra pas
Tant le corps est brisé
Et tend ses taux amers
L'amour passe ses fils
Entre saint et soupente
Aiguisés tortueux
Comme des bobines d'histoire
On n’est plus malicieux
Pour cet enfant qui dort
A la lampe odorante
Et qui ne situe plus
Le soir à la soupente
Où dormir est accru
Meilleur que tous ces jours
Où l'on a obscurci
Sa jeunesse à poursuivre
L'abondante poésie
Qui remonte la pente
Te toutes nos insomnies

Il est des soirs avril
Comme un corps épousé
Où le bruit de la terre
S'active à tes contrées
C'est là que je franchis
Sur l’illusoire jeté
Ce pont en parallèle
De nos affinités
A parcourir jachères
Et surfaces convoitées
De tes hanches à ta bouche
C'est former en moi-même
Un regard sur le monde
Et sans cesse par le fond
Revenir en surface
Comme pour y respirer
L'air chantant le savoir
Des formes qui sont tiennes
Pour situer mon sens
Au milieu des ramures
Que sont tes mains intactes
A toutes mes déchirures.