Au jour le jour 52

On m'a octroyé le premier prix de grammaire parce que j'étais le plus jeune étranger toujours à l'heure.


Manifestez de la joie et hop la joie arrive avec son entregent et ses jambes en l'air, puis la griserie faisant son effet le premier avril arrive le premier du quantième mois de l'année, le hasard veut que ce soit un samedi, jour où l'on vit le moins cher, enfin la grisaille vient vers nous selon qu'on soit un pollueur ou un clignoteur, de ci de là on signale les passages répétés d'un crapaud, d'une crapaudine, d'une crapule ,tous ayant de belles montres au poignet, ou des goussets à la boutonnière, puis le grand foutoir ogival des hommes d'église.


Amendez vous de ce que vous voudrez cela ne me regarde pas, je veux rester ce parent pauvre que sa fille éclaire avec des vigilances oranges et des orangeraies dans les yeux, c’est là que je prends la pose derrière le paravent de mes idées les plus secrètes et qui ressemblent à des pinsons argentés avec des manques à gagner.


La protection des majeurs se fait avec un dé, celle des mineurs avec la gratuité des contredanses.


L’astragale aux pieds d'un réverbère c'est comme huit heure pile dans une marina où le temps est galeux.


Détrompez vous je n'ai jamais été court vêtu pour des marivaudages ou des braquages, mais j'ai vu des chaperons et des chapons dans un coffre jubiler pour des soins de peau.


La tendresse d'Apollon ne vaut pas celle de Neptune dont les filles sont importables, il faudra un jour les vilipender tant elles se donnent un peau partout pour un peu d'écume, et si peu d'or brun.


Le mercredi des cendres et après le jeudi des incendies, quel  désordre, qu'est ce que vous foutez avec vos dates, calendriers, vilebrequins et la merde des anges qui n'est même plus un engrais?


Les beaux mariages se font sur d'abruptes pentes en ubac, les autres plans de la montagne sont moins impliqués dans le ramassage des peaux qui vont par paire aux mégisseries où on les patine en hurlant sur les apparitions d'un chinois qui a un patronyme de midinette.


Méfiez vous de la camomille avec sa lenteur de bière blonde et qui excite moins qu'un match de catch qui peut nous endormir quarante fois de suite selon les prises de clés.


La rééducation du pouce se fait sur les stands de tir ou dans une foire, les concurrents participent aux ondulations des orteils tout en s'oignant le corps du suc des eiders, il en va de même pour les étranglements qui sont de savantes musiques apprises par cœur pour Des honneurs immédiats et des mécanismes d'horloge.

On franchit tout en tremblant cette porte qui ne donnera plus sur aucune fête, le calme est là comme une touche de piano, enfoncée dans l’ébène, elle ne bourdonne plus, elle est en somnolence, comme vous dans cette interminable partition de partir pour une nouvelle énigme, la mienne n’est plus de votre éternité, je suis d’une arme à gauche que je ne veux plus saisir, mais j’avance vers vous à découvert, lourd, pesant, inconséquent dans l’infirmament de notre désamour, la nuit sera ma demeure, vous y entrerez encore, je vous y accueillerai mais dans le désœuvrement, la comédie quoi, cela vous le savez...

Voyez comme la distance ne nous doit rien, elle est toujours une droite ondulante de ses circonférences, un peu comme ce serpent qui va mordre et se ravise en s’encerclant, vous voilà en circonvolutions de partir, d’aller loin pour vous rassembler, en quoi et de qui, mon ombre vous encombre encore, elle est intacte dans vos yeux, dans votre voix étouffée lorsque vous m’appelez pour des silences d’abandon, elle est dans votre sexe, sur votre bouche aux mots décousus, cela je l’ai senti comme une poussée hors de vous pour m’expulser sans que le poids de mon monde ne vous atteigne une nouvelle fois. Ce n’est pas que je vous déchirais, nous étions trop proches, un peu comme deux boxeurs sonnés qui se tiennent à la ceinture et dont les coups ne partent pas au corps littéral, car celui là il était blessé, diminué avant que je ne vous rejoigne, nous, nous n’étions que deux anatomies désespérées…

On reconnait son impuissance aux promotions du départ ; c’est toujours sous nos yeux que ça se passe, mais c’est le cœur qui n’est plus intact, regardez de près les caprices de cet organe et vous verrez qu’il bat comme bon lui semble, selon qu’on soit un veilleur ou un endormi, moi j’étais de ces deux corps pour de primaires littéralités obtenues dans la poussière des lignes que je vous destinais, si appliquées qu’on les aurait dites faites pour des trains de nuit sans couchette et qui partent à perpette dans d’innommables lieux ,là où le corps ne se retient plus, un peu comme en salle des ventes lorsqu’on achète de vieux cartons souillés , qu’on y plonge les mains croyant en sortir un luxueux objet, et que nous ne saisissons rien d’autres que de nouveaux foutoirs, comme le sont ces amours qui finissent sur le mode d’avoir été exagérées.

Elle m’évoque une antique province où furent comblés des amants émerveillés de l’avoir été, par leurs étourderies aussi, c’est ainsi qu’elle s’imposait dans le hall des gares , m’attendant avec les plus belles étoffes et les piécettes de son cœur du côté de l’avers, avec en esprit de me garder un peu partout, de m’enserrer, de me retenir, c’était du verbe aimer qu’il s’agissait, mais ce verbe là je ne le comprenais pas tant j’étais sorti de fois des magasins de l’âme sans qu’on m’eût acheter l’objet de mes désirs, c’est de cette enfance que me viennent mes maladresses et mes infadeurs, quelle autre faveur lui aurait été venant de moi qui ait toujours eu le masque d’un père par défaut et défunt, en fait tout a commencé par le peu de faculté que j’avais à dire…

Elle habitait au sixième étage d’un immeuble sexagénaire bien portant où notre règle était de ne pas prendre l’ascenceur sinon avec un trop de poids de nourritures terrestres, nous tenions à cela comme on tient à un territoire conquis, à un bavardage d’avec le cœur, cet organe du soir qui ne parle pas des mêmes choses dans l’obscurité ou la lumière. Puis il y eut des mots comme des instruments acérés, des gestes de trop ou de pas assez, je laisse ici un vide de pré noir pour qu’elle y glisse ses façons de duelliste, une sombre solution, quelque potion pour en finir de tout ce que je n’avais plus en grâce, était il nécessaire que mes grondements qui la faisaient sourire lui parviennent comme les essoufflements d’un enfant qui a peur du bain et que sa mère recueille dans ses bras et d’une serviette souillée.

Je ne crois pas qu’elle ait regardé réellement devant elle, autour d’elle, elle aurait vu que je lui connaissais du luxe dans ses mouvements, de l’adresse dans la parole, de l’amour dans ses chimies et combinaisons dominicales, de sa folle identité j’ai fait mon timbre plus bas, ai moins touché aux herbes médicinales, bu plus d’amers sirops que de vins ajustés pour d’autres gerbes à venir, rien d’autre ne peut expliquer cette méprise que mes malfaçons, pas celle de la prendre en tous lieux comme on veut garder du corps la trace et l’empreinte des mots .rien d’autre ne peut mieux expliquer son renoncement que mes manières de bordéleux qui sort d’une maison de passe en parlant un patois moins familier que nos soliloques, pauvres de nous, pauvre de moi qui ai peur et froid…

Mes lettres furent des herbes sèches vite calcinées dans un cendrier où elle abattait vingt clopes par jour pour des fragilités en espaces mal circonscris. Je lui parlais de mon nomadisme, de mes effusions, de mes contusions, de mes passages et parages mal agrémentés, difficile d’être un bon géographe lorsqu’on vient d’un pays qui a perdu son nom, où les visages attendus se sont noircis de honte et de colère, le cœur aussi participe à ceci, c’est d’ailleurs lui qui lit le mieux ce que nous avons osé dénuder aux autres et qu’ils maintiennent en maladresse de parlotte, dieu sait que nombre de choses rayonnaient autour de nous, de beaux objets transpirant des siècles de sainteté, des modèles de belle nudité qui ne soupiraient pas d’âge indécent, mais vint un temps plus épais, plus las, celui où je fus au mauvais endroit, en fausse droiture d’elle, c’est ainsi qu’elle jeta au vent des graines de mouron et d’ortie...

La fenêtre donnait sur les nuages où une kyrielle de spatz venait tournoyer avant d’encombrer le seul arbre haut perché, le ciel ne nous fatiguait pas le regard, nous n’étions pas plus las qu’un jeune couple en promenade, aucune fatigue ne nous importunait sinon celle de cet âge où l’on ne veut plus se mouvoir que pour l’essentiel, aimer au juste, au mieux, au plus près, le canapé n’était pas de notre lassitude , c’était un endroit favori pour des réflexions d’images sur un écran, dans nos cœurs et dans nos idées, les rouages de la vie ont cela de terrible, c’est qu’ils sont d’un acier souverain qui a des mèches si pointues qu’elles s’enfoncent dans le corps le plus résistant, le mien ne l’était pas, c’est là que j’ai commencé à faire la liste de nos encombrements mutuels, des espaces que nous ne partagions plus, des mots qui s’effaçaient de nos bouches, d’un présent qui crevait de nos présences presque indésirables…

Les livres que nous partagions ont toujours été des autorisations, nous lisions parce que  nous nous étions assujettis à un auteur sans oser le lui dire, nous allions dans la loyauté de l’écrivain, il venait à la nôtre, les mots, les phrases sont de cette mémoire qui va jusqu'à un littoral oublié et où ils s’ouvrent pour des odeurs et des façons d’ogre qui ne nous dévorera que si nos intentions sont déplaisantes, rarement ce fut le cas. Cette force qui vient des livres, c’était une force viscérale, stupéfiante, désirable, chacun la sentait en lui comme une lumière qui vient cesser nos noirceurs, élargir nos pupilles, s’entretenir dans un corps qui les voulait à lui, peu de mots lus que nous rapetissâmes sinon les nôtres, bref les miens…

Deux ans et demi en grand journal de bonheur, c’est peu, si peu, les colonnes à la une étaient pourtant d’une alléchante couleur, nous en connaissions les mots, les paragraphes, on aurait pu les dire sans les avoir lues, mais le temps est un central d’identités où les nôtres n’avaient plus leur place, tel un film qui n’est pas vu proprement par deux regards distincts. La musique et le cinéma furent de nos parallèles, tel un père qui dit à son fils dans une langue ancienne que la Babel est le plus beau lieu au monde, et qu’à bien le prendre, il peut en saisir les meilleurs morceaux, les meilleurs moments, les meilleurs sentiments Les films brulèrent, la musique nous étrangla de ses petits arrangements avec la mort comme va un violon à la rencontre d’une contrebasse, ou un amant à celle d’une maîtresse qui ne s’est pas accomplie, nous , nos sens, notre musique s’altérèrent, je jette la pierre au chien que je suis et qui n’a voulu rogné que des os sur une impropre chair…


J’ai envie d'avoir de nombreux moyens pour vous ennuyer, et si nous commencions par là ,les jeux de piste finissent toujours dans un temple où la routine consiste à raisonner les esprits bilieux, un dieu triomphal entre alors en scène se pince les lèvres , lève un linge sale vers le ciel et dit que les machines à tambour sont de mauvaises combinaisons de rouages, puis des vieillards bien entretenus vont dans des conciliabules jusqu'à la fermeture des portes.