Au jour le jour 49

 

Je veux éprouver
Autre chose
Que l’ennui qui nous rassemble
Nous éclabousse
Quand ça va mal
Quand tu t’empêtres
Dans tes féminités
Je veux
Du déchirement
Du porte à faux
La panoplie
Du prieur
Du conciliabule quoi
Et que mes mots
En disent plus long
Que nos éclats
Que toutes nos chaufferies
Nos états guerriers
Je veux apprendre
A tordre ton chagrin
Me foutre gentiment de toi
Et en toi
Jusqu’au confort.
 
 
Vos mains plus violacées
Que la flamme du chauffe- bains
Les voici étendues
Sur un corps
Dévasté par des désirs anciens
Fonctionnant d’un plein droit
Cuisseries et égoïsmes
Moi avec ma fournaise
L’ardente beauté
Délaissée pour des jeux d’orgueil
Je me fracasse la tête
Contre les tables
Les moralisateurs
Les sentenceurs
Les verdicteurs
La troupe des chiens
Faiseurs de dégoûts
Ici pour offrir mon ventre
A vos coutelas
Je n’avais pas de reproches
A vous formuler
Qu’un immense désir
Foutoir de mes impressions.
 
Tu m’as chié des pendules
Du meurtre
Moi je cognais contre les murs
Mes poings et ma face
J’y écrasais mon front
De temps en temps
Ma tristesse trop nerveuse
M’emmenait
Sur les trottoirs
Perte d’équilibre
Messes basses
Rien qu’une avancée
Vers le désert
Toi on t’appelait femme
Tu grimpais les escaliers
Pour voir de ta fenêtre
La foule
Prendre conscience
Du verdict.
 
 
Terrassements
Brouillons entrelacs
Quelque chose de scandaleux
La pharmacie du sentiment
A quoi se raccrocher
Si ce n’est à cette belle tristesse
Aussi limpide qu’une eau
Que nul ne boira
Aux oueds
Quand les filles n’y allaient pas
Pour laver leurs tissus sacrés
Avec mes gestes maladroits
Tu me retrouvais
J’étais celui
Qui restait sur ses gardes
Ne s’agenouillait
Que sur cette belle image
Des filles qui vont laver
Leurs tissus secrets
Dans les oueds.
 
 
J’ai mis au regret
La beauté qui s’engageait
A ne recevoir de dons
Que des dieux affairés
A tremper leur zgeg
Dans son trou
Sans psychologie
Sans converse
Sans ses humidités
Moi je le vivais mal
Leur versais à boire
Dans des verres de mica
Leur descendais le froc
Pour leur fourrer
De la poésie au cul
Ils m’en voulaient
Parfois leur ceinturon
Battait mon échine
Heurtait mon visage
Mais j’avais mis en bouche
Ses seins bien avant eux
Et du reste
Je me foutais…


J’ai pris froid, la foudre est un lambeau de chair putréfiée à mes mains et les nombres impairs sont des idées de républicain. Pour surseoir à la folie, aujourd’hui il faut être fou,et employer le verbe apparaître sous toutes les coutures, avec la dextérité d’un renégat orphelin qui prend son temps pour la valse des fidélités, et courtise une reine qu’on écrit en gothique mais horizontalement.

Mon père est à l’âge de la défroque, son chien qui le sauva de nombreux déluges l’attend dans son enclos, sans l’idée que c’est un chien. Je dis pauvre père et pauvre chien, déployés dans des attitudes de moribond au domicile d’un ami complaisant.

Le langage aussi vieux que le sel et l’eau charrie des tonnes d’excréments, de fientes aussi nauséabondes que des promesses de maréchal ou de fonctionnaire. Ce langage là depuis des siècles, lorsqu’on le prend en pitié peut chambouler tous les mots pour en faire des cancrelats qui se mettent à la page, ou sous votre lit dans la position d’un pope orthodoxe qui pousse les fidèles au jeûne ou au suicide.

Les ziguenouilles nous ressemblent par leur façon de se vêtir et de parler entre eux de chose et d’autre par devoir plus que par nécessité. Ces ziguenouilles ont trouvé refuge dans d’immenses baraquements aux couloirs mal éclairés où survivent des vieillards qui s’usent encore à respirer en s’époumonant et à se peinturlurer de gomina et de brillantine. Si vous les rencontrez ,prenez garde à leur manière de vous serrer la main, à rouler des mots comme des cibiches qu’on fume en ne les tirant qu’une fois, des mécaniques de leur corps et des limousines qui les attendent devant des issues par lesquelles ils se barrent pour enfreindre les règles de la discussion et de l’au revoir. Dites leur avec véhémence vos monceaux de morve afin qu’ils ne finissent pas canonisés. Si vous ne les rencontrez pas, vous aurez perdu l’occasion d’être injurieux, cela vous aurait fait grand bien.

Chaque matin je dois penser à :me lécher les babines, débiner des faussaires, ne pas partir me poster à mon poste sans avoir les mains propres, penser à Mr Plume et à Mr Teste, à ce qui est court et rapide à la fois, au transport et au transsibérien, à ce qui n’a l’air de rien et empêche tout, à ne pas manquer d’oxygène….

La Féerienietsche à la particulière orthographe est philosophe à ses heures. Aussi lorsqu’on la bouscule, elle peut être violente comme une tornade de sonorités bulgares. Si elle donne du mouron aux oisillons trop tôt éclos, on dit qu’elle est douce, si elle ne le fait pas ,on dit qu’elle s’établit dans l’aisance d’une maîtresse qui fausse compagnie à ses élèves sans les avoir élevés. Bref cette philosophe là est pire qu’un péril céleste selon qu’on soit dans l’ombre ou au sortir d’un puits.

La liberté enseignée par les alinéas et les clauses sent la lente crispation des cerveaux qui stagnent. A cette liberté là je préfère  le nœud papillon de la science enfantine, les coups de dés du hasard, le chant du coq, la désinvolture de Bernard Frémion, le regard du muletier, et mes façons de dire le mot « Flacon » sans pleurer, sans rire, et sans le sentir.

Autrement dit tout est tiède, veule, mou, sans souveraineté ,et est de la facture d’une prière mal adressée. Quant aux suzerains et à leur exactitude, elle ne vaut pas la prudence d’une mère supérieure qui s’alimente aux sons des cloches, du clapotis des vagues ,puis va s’enquérir de Dieu sans passer par les latrines de l’âme.
 

L’hésitation sert à rappeler les moments où nous fûmes indécis et circonspects devant le malheur des autres. Ma mère qui se saoulait seule hésitait d’ailleurs entre un verre de gin et un verre de rhum. Puis tout le tralala des éclairs du deuxième acte.

Sur le divan qui bascule lorsqu’on le souhaite ma fille est endormie. Ses cheveux roulent sur ses épaules, et l’ange brun de son corps tient tout entier dans ses tambours et ses cymbales. A cet ange là je veux dire ma joie de la regarder sot et béat ,dans un divan qui bascule lorsqu’on le souhaite.

Enténébrés les vieillards au seuil des apparences, envoûtés les dormeurs par nul écho les mêmes, endormies les femmes inventées qui se confondent à nos profondes convictions, et tous indécis dans un âge vorace et tournoyant.

Tu glisses sylphe lascive tes jambes entre les miennes, ne me délie la langue que pour l’ourler à la tienne, nette ,cassée en deux pour des jeux équivoques, pour plaire et me déplaire dans ma prison d’effroi, là où il nous faut prier, insulter ou maudire pour mieux parer au grand dam du confessionnal…

Le tabou est en mer dès l’aurore, quand le tabou a des allures de travesti on dit qu’il s’oxyde. Un tabou ne vit jamais seul, en groupe on l’appelle une commisération. Le tabou lorsqu’il a bu court plus vite qu’une encolure, et son ombre ne lui est plus familière, c’est pourquoi le tabou rit et pleure quand il s’est barré de notre esprit.

Toutes les années j’échoue dans mes tentatives de me souvenir des années qui passent. Ce mal s’appelle le mal de la durée. Nulle autre forme de mémoire ne pourrait me rendre radieux que celle d’oublieuse, c’est pourquoi si singulière qu’elle soit je l’abreuve de conventions pour rester dans le vertige d’être tout simplement.

A son sujet je veux encore dire du mal et que toute lame se brise sur du silex. A dire plus juste encore à propos de ma nature nonchalante, elle sait qu’elle ne peux plus me considérer comme un auguste avec son attirail de confessions, et toutes mes petites souffrances comme autant de gnons mal reçus et de castagnes mal distribuées.

Le menteur jugulaire, menteur pour de la prestation, tance celui qui du lasso se sert et salit l’idée qu’on se fait de lui. C’est cher payer que de vouloir s’en prendre à un mythomane qui ne va aux confessions que pour nous contrevenir davantage, à celui là aussi je dis la grande préoccupation de la langue quand elle veut ne parler d’elle qu'avec largesse.

Je me souviens de ce bel équilibre que j’entretenais dans mes cahiers comme un sourcier cherche de l’eau, du sentiment et des façons d’être utile, cet équilibre là ne supportait pas mes mauvais choix, l’entretien de l’expérience quand elle passait par la gnaule, c’est pourquoi à trop presser sur le ciboulot il ne sortait que de la treille qui me menait à une soldatesque ivre.

Quand l’Eros ratiocine, Simon s’étire ,soupire et rit. Rita attire alors les rats sur son radeau, et tous deux s’apitoient sur le sort des souriceaux. Simon mal nommé défend qu’on le sermonne, puis las, taré et tari se défait sur les lames du canot.

Niquedouille et lubilis bistouraient leurs oscilleux complexes. Il arriva qu'un  jour, cramolet et négrotif s’enfuirent de leurs blizures, lubilis l’apprit ,c’était une bazaine méditative pour un frontain sans géluvin, puis tous de ligurner les overnons pour des retrouveuilles de fixité.

Jadis, Jonas ventru comme un cachalot fit preuve d’humanisme et de philanthropie à l’égard du peuple qui l’opprima. Il voulut se redresser à tort, combattre les plus forts, aller aux abords, délester des corps. Mal lui en prit, les hommes sont des ajouts à la ribambelle des hommes, et tous de se confiner dans la propension à la baston, Jonas prit son manteau et femme, puis quitta ce peuple de ladres qui gagnait trop sur lui en vocabulaire et en grammaire.
 


Le dernier témoin se fout éperdument de l’air qu’il respire avant d’aller à l’échafaud, comme un rat pris dans les rets sans l’idée du rat et de la nacelle. A ce témoin qui me ressemble, je dis qu’il faut garder la faculté d’oublier, autrement dit être aussi irréprochable qu’un néologisme sorti da la bouche d’un égosilleur qui pond des schismes et des textes à teneur de rançon.

Dans rien il y a le verbe nier, et ce qui est niable est aussi indéniable, je dis ceci afin que l’on cesse de me résumer ,de me heurter, de m’enquiquiner, de jacter à mes dépens, de me faire gerber ou rougir, chialer, éructer avec ces putains de mots en activité comme des cancrelats sur un parterre de pédoncules.

Je lui lis un texte écrit en gros caractère que j’ai pris au lasso et qui se débinait. Ce texte, je le retrouve plus tard déguisé et malpropre comme un chérubin de plus d’un quintal qui a la figure de David Lynch lorsqu’il est en rogne, et de le dire proprement avec le bon accent américain et des tonalités de patibulaire.

Un seul signe autrefois
Le son venait de lui
Mot lucide de qui
L’espoir venait à vivre
Pour avoir tant sauté
Sur religion à suivre
Quand du stère il lit vert
Et reste planté d’envie

Le vit Serge le veut
Un label d’aujourd’hui
Va-t-il nous faire biner
Avec un bout de cuivre
Ce cal dur bien dressé
Qui monte comme un chibre
Vers le ciel verglacé
Du vol qu’il établit.

Tout alcool le secoue
D’une blanche allergie
Par la place infligée
De l’oiseau qui du nid
A son honneur en vol
Et son ramage au lit
Fantôme qui à cent lieues
Du pur état le signe
Il s’enroule et se glisse
Par sang froid et mépris
Puis meurt parmi les signes
Inutile comme impie.

Sexe étroit, fourreau qui porte nom de drame, avec le lent mercure des flèches superposées, sexe commun comme une rouge pivoine, à faire éternuer, poison silencieux, ouvert tel une bogue aux doigts gourds du pirate, quand les langues se dénouent et parlent impunément avec l’accent des filles légères qui s’affirment et le crient.


Souvent nous passons de frontières, nous humilions des femmes déjà meurtries par nos accents et nos désaccords, nous accrochons nos âmes aux fables qu’elles dépecèrent de leur identité, nous avalons l’ombre où nos béances cachaient nos pauvres saintetés, nos misères orphelines, nous fêtons nos anciens crimes, nos enfants qui vont dans le monde pour y broyer les fausses couleurs du jour et du temps, puis nous nous faisons immondes dans un nouveau pays que la mort n’a pas rendu à ses sauvetages.

Ecrire, crier, cirer des pompes, être pompette, faire dans le funèbre, brunir et racornir de pages, ouater des fronts, foncer les sourcils ,sur ce écrire à nouveau, gerber du jonc, jouer au parjure, récrier, dire des mensonges, y rêver, palindromes et calembredaines, se reprendre, pardonner ,se prendre au fausses notes se méprendre à nouveau, écrire pour crier, sans tous ,sans eux, dans sa solitude extrême ,écrire, saper du mot, peser le sens, passer par lui, puis couler une bielle, se faire de la bile ,se lire et se relire, changer de rôle, risquer de la grammaire, des notes et des pièges, recourir à ce vocabulaire comme à un animal adressé ne pas toucher aux tomes, vouloir atteindre des sommets, se mettre en boule, traîner, traînailler, mériter un autre idiome, s’oindre les mains pour écrire et réécrire, puis sortir de soi pour connaître le monde et l’ignorer davantage.

Avec toute la misère du monde, faire œuvre de paix, puis s’éloigner de ceux qui trop s’éloignent, et dire une nouvelle fois qu’on veut se mettre à jour, simplement avec des mots, des notes et de phrases pour ceux qui nous touchent avec des façons très personnelles.

Nous débattons, chacun tire à soi la part de l’oubli, chacun s’amuse des commentaires du comédien quand il ne reste à l’ouvreuse que ses jarretelles et tout ce petit monde qui rit de la voir si ennuyée.
 

A « Quelquefois » ajouter « Rarement » et tous les dons que l’on veut faire sans tenir de compte avec la promesse d’y mettre un peu de veine. A vingt ans je tiens déjà à ne pas faire affaire avec l’homme, c’est ainsi que je réponds au nom de lâche pour certains, et au nom de congédié pour d’autres.

Avec tous ses calculs, la vie nous étreint et nous entraîne dans une sale grogne du côté de la misanthropie. Il faut à mon avis refuser de se baguer, de voir l’honneur comme une médaille plaquée sur sa poitrine, et des milliers de morts dans le grand dortoir et foutoir du monde pour s’endormir de tout et de tous du sommeil de ceux qui ne sont pas embarrassées quand ils vont aux offices.

Ce qui est immédiat n’a pas la part de mystère de Marguerite Duras quand elle ne parle pas. J’avoue donc ne me soucier du rapport « Feuille glossaire » qu’en de très grandes occasions, comme lorsqu’on mélange couleur et odeur sur une toile et qu’il en ressort une figure de Bellmer, c'est-à-dire une femme nue toute entortillée et qui aux enchères peut atteindre la somme de cent mille francs sans la commission.

Je demandai à l’arbre :que me donnerais tu pour une de mes saisons, l’arbre répondit :je te donnerai mes feuilles ,des branches et l’ombre qui t’échoit ?

Je demandai à l’animal :que me donnerais tu pour une de mes idées, et l’animal répondit :je te donnerai une posture d’homme avec les mots de la bête.

M’organisant sans cesse des suicides que je déplace aussitôt, j’ai par la suite la sensation qu’ils me fanatisent dans mes retraits.