Au jour le jour 45

 

 

Parions que le jour où vous aimerez la brûlante noirceur d’un temps qui se compte en immenses brassées,en larges boisages, vous viendrez dans le désir moiré qui va des marieurs de pluie aux souverains dont les administrateurs sont des singes qui échappent  toute tendresse. Ce jour là, je danserai sur des pics, des ciseaux, des aiguilles,sur des chiens devenus aveugles à tant lorgner la charogne,à tant voir dans les voiles rouges des filles nubiles des mantilles odorantes,quand elles vont se jeter dans les rivages vierges, je serai abordable,indifférent aussi à dresser, tirer des plans sur la comète, nul secours ne me forcera à comprendre ce qui vient dans le bouillonnement de mes nouveaux troubles, ceux où j’hésite entre l’ennui et l’amertume, entre l’impasse et le caniveau, ce jour là je serai net comme une lettre parcourue...

Quand d’autres dans la fête
Entretiennent une énigme
Celle au visage aimé
Rêve au creux de la pierre
Comme une brume au fief
Où vont les serfs serrés
Dans la tumeur du temps
Les yeux écarquillés
Sur cette terre lourde
Qui s’assemble aux sabots
Comme un frisson de roche
S’insinue dans les eaux
Et tous de regarder
L’humaine au clair dessein
Avec son cou de cygne
Ses hanches élémentaires
Sa charmante jeunesse
D’une chair noble et racée
Et qui bleue de lumière
Ramène dans ses plis
Les étoiles montantes
Dans un ciel encore gris…
 
 
Voyageuse descellée de tous les horizons
Tu ramènes à ta course les torrides saisons
Les traversées obscures des villes de cécité
Où l’être chante et danse de ses infirmités
 
Tu ramènes à nos yeux les signes du vieil âge
Ceux qui sont destinés à de nouveaux carnages
Quand les hanches bleuies aux labours monotones
Ont cogné sur le fer pendant tout un automne
 
Tu ramènes en odeur de fonte et d’anémone
L’âpreté des hivers des mers alambiquées
Où s’éteignent les lois fraternelles de l’homme
Qui n’ont d’autres conquêtes que des obscurités
 
Et de tes livraisons souillures de nébuleuses
Nos retenons l’erreur d’une qui n’a pas appris
Qu’au ciel qu’il faut atteindre de formes généreuses
Ne règne qu’un soleil et qui n’a rien subi…
 

La plus pure à mes yeux
Ne cesse de penser
Que je suis l’arme et l’ombre
D’une guerre imprévue
Qu’endormi sur son sein
C’est un guerrier retors
Qui ahane et qui souffle
De tous ses inconforts
Tourmenté de colères
De gloires insipides
Sous l’œil sombre et profond
D’un seigneur répugnant
Qui ordonne les combats
Ordonne les défaites
Brûle la terre entière
Comme brûle l’enfer
Puis dans les nues rougies
Du spectacle des morts
Rien qui ne soit en lui
Comme ultime remords
Et défaillant de joie
Par cette autre victoire
De voir l’homme marcher
Aux dalles des cimetières
Il se penche sur la vie
Comme sur une tourbière
Pour en extraire la bête
Ainsi revisitée
Qui n’est qu’un nouvel homme
Et déjà condamné.

La substance des mystères
Va noircir l’éternelle
Aveugle aux pieds liés
Qui remue dans la neige
Des chants dont l’origine
Est aux errances d’astres
Montent dans le ciel noir
Avec des formes humaines
Tant à force d’attendre
L’invisible à nos yeux
Rien n’est jamais pareil
Pour la même inconnue
Qui par son ignorance
De l’être et de l’orgueil
Ira dans les nuées
Comme un poisson en eau
C’est là qu’avec regret
Nous la regarderons
Comme la seule aimée
Et qui n’a pas de nom

Aux journées qu’on retouche
De stuc et de cendrées
Revient cette étourdie
Qui retourne à sa terre
Le temps a son regard
Et ses promesses vermeilles
Sont des écrans de verre
Pour la course aux tonnerres
Mais la vieillesse est longue
A qui ne parle plus
Et cette même qui jette
Son souffle dans la pierre
Elle est l’herbe et le vent
La clameur des saisons
L’astre livide qui dort
Dans des jumeaux obscurs
Le chant des parfums du départ
Quand les quais
En vagues rondes
S’épaississent de l’adieu
D’un marin contenu
Moi qui confond dormir
Avec le noir gibier
De l’ombre et de la nuit
Je sais son froid pays
A l’adresse des anciens méridiens
Quand le monde parcouru
Etait dans ses cheveux
D’ors et de branchages…

Elle est venue sans perdre
L’objet sa clairvoyance
Les désastres de chair
A cette fidélité
Pénible de l’amour
Parler n’est plus de chute
Et taire c’est avouer
Que toute âme subtile
Va aux brûlants silences
Charmes renouvelés
De celle qui attend
En pensée et de corps
Qu’avec le temps en flammes
Lui viendra dans les veines
Des doubles solutions
De sortilèges de poudres
Et de ces cécités
Flamboyantes remarques
Elle ne veut plus durer
Qu’en la splendide grâce
Des dianes et des échos.


Aux lointaines distances
La poitrine des astres
Bat d’un cœur éternel
Et dans l’insigne fièvre
D’un dieu inorganique
Charnel de sot plaisir
On voit l’homme se débatte
Aux soleils tournoyants
De ses stridentes raies
La lumière apparue
Est aussitôt rompue
Comme en gorge muette
Qui ne parlera pas
Et l’être abandonné
Au néant s’interroge
Est-il vivant dormeur
Plus affligé que lui
Qui cherche dans la tombe
Un éternel oubli
L’immensité d’un ciel
Que la clarté inonde
Où il s’endormira.

Dans l’attente, ce travail aux expressions d’un visage plein de honte et d’effroi, je pèse une vie passée à deux, sans en avoir évidé le sens ; cette attente d’une main soufrée, elle est là aujourd’hui, et cette autre manière de l’interroger ne me vient plus dans l’idée de taillader des mots et mes veines pour de hautes transparences. Là ,au bord de ces sorties de route, celles que j’ai longées les soirs où je m’étais amoindri par des alcools, me viennent encore ses regards, ses prodiges, ses continuelles justices et justesses coutumières. Je n’ai pas prétendu autre chose que la difficulté d’être était saillante, sans cesse modifiée, modulaire, avec en nombre des blasphèmes et des contradictions, j’ai eu des mots qui lui furent malvenus, qui ne lui ont rien appris, voilà que ma prétention à la grandir se fait plus petite, je me veux toujours d’une autre espèce.
 
Tant elle va par les croches se borner de cette sombre créature qui la traverse de part en part comme une hache destinée à de funestes cérémonies, tant elle a la couleur et l’odeur d’une gardienne de souvenirs, que sa mémoire fait mûrir en les tassant autrement que par sa malencontreuse geste, là, elle y a des pierres sur lesquelles elle va pieds nus, sans nulle autre douleur que l’effort ‘un ahan de bête calcinée. A la regarder tel un animal de bât, étincelante de sa propre chaleur et lumière, celles qui naissent de ses nerfs, de ses nœuds, de ses yeux d’anthracite, je la salue lorsqu’elle se rend jusqu’à cette chambre où nous avons bleui nos chairs de nos viles tendresses, de nos profondes brouilleries, ceci aussi vaut pour mon désarroi.
 
Cette dernière qui est d’un autre ordre que le mien, vient péter mes membres et mes mâchoires à la manière d’un boxeur outragé, ou tel un officier qui injurie dans le matin calme la diane au réveil d’un combat qui n’aura pas lieu, et tant de la savoir éperonnée de toutes parts, dans son corset de solitude, me vaut moins d’égard qu’à un chien qui court en épingle se frotter contre son maître. Raidie aux roues d’un équipage qui défaille sur de larges routes lissées comme un torse de tortionnaire, elle est l’image même d’une qui se baignera dans le sang des fresques d’un quaternaire où se règlent des nuits sur des parois schisteuses, à l’abri des froides dépouilles, et pour moi le grand foutoir de son âme ulcérée, le grand boxon de ses hautaines maladies, les grandes petitesses de ses affectations subites, je vais m’apaiser d’elle en allant dormir dans un autre lit .