Au jour le jour 41

Dans la forme fragile
De ses tendres matières
Une femme désolée
Se répand en prières
Elle incline sa tête
Sur un amour humide
Endormi dans la pierre
Aux souvenirs putrides
Ici souffle l’esprit
Qui geignait au-delà
Des ciels entremêlés
Comme pour de vains combats
Ici ce sont aussi
Des fleurs immuables
Qui contiennent la mort
En des desseins semblables
Prises dans les bois intimes
Ordonnés d’espérance
Où la gloire se vautre
Dans une autre défiance
Qui change la lumière
Qui chante les musiques
Et leurs noires épreuves
Comme autant de suppliques
Brûlant leur allégresse
Leur caractère saillant
Au son des sombres cloches
A l’azur défaillant
La tendresse va encore
Au tombeau résolu
Où une âme est livrée
Pour mille retenues
Et le dos arrondi
La face violette et lente
Comme une ombre cernée
D’une eau trouble ruisselante
La maîtresse se prosterne
Et pleure au marbre froid
Son amant décédé
Dans un morne autrefois.
 

Va-t-elle dans l’incendie
Où en terre inconnue
Contenir cette nuit
Que l’eau n’aura pas bu
Où ira-t-elle malade
Dans le splendide espace
Où soupire une lune
En ses multiples faces
A nulle autre liée
Si ce n’est à son fief
Ile privilégiée
En une mer délicieuse
Où le rêveur muet
S’établit en silence
Enchanté par les lieux
Sans aucune présence
Si ce n’est cet esprit
Qui englobe le monde
Dans l’unique lumière
Qui va du bel amour
A cet autre jeté
Dans l’air liquide où planent
De terribles beautés
Les vapeurs éloquentes
D’un cœur plein de syllabes
Formées au même lit
Sous les dais à rameaux
Et qui disent en substance
Ce que disent les mots
Qu’il faut qu’un ciel s’enchante
Quand plus rien  ne s’y meut
Si ce n’est un doux cœur
Tout aussi audacieux.
 
La fortune légère
Est impure à la gloire
Noir sera le cerveau
Sans religion aucune
Que celle de prier
Sous des lambeaux de lune
De prendre l’ostensoir
Pour arroser le ciel
De faux serments amers
Comme le sont les soleils
Qui donnent des brûlures
Et des ressentiments
De dallages bleuis
Au gré de chers tourments
Sans distances légères
De vivre en abandon
Désolé de comprendre
Que l’homme sans question
Est une bête morte
Salie par sa mémoire
Où s’est délimitée
La grande parallèle
D’une épaule forcée
Par un travail obscur
De devoir rassembler
L’humain et sa nature
Infécond de fonder
Un univers décent
Quant l’opprobre le guette
En étant survivant.
 
Redoutable antichambre
Aux volées de l’hiver
Le temps s’est arrêté
Dans la lenteur des phrases
Qui vont de bouche à bouche
En ténébreuse emphase
De colères disgracieuses
Quand l’homme muet et sourd
N’attend de son vivant
Que des travaux obscurs
Contraires à son histoire
Marchant vers la sortie
Avec un  noir manteau
Tout recouvert de suie
Cher fantôme importé
Tu emmènes avec toi
L’ombre torpide où règnent
Des anges sombres et maudits
Sans nul autre moyen
Qu’à leurs mains vénéneuses
De l’argile du sil
Et des pierres anguleuses
Agrippés aux destins
Des hères que nous sommes
Ils faussent les rumeurs
De nos plus tendres automnes
Et alourdis de grâce
Terrible et mensongères
Nous allons vers les fonds
Où tonnent des frontières.

Rien qui  ne vienne de loin
Sans l’ardente bonté
D’une aux cheveux offerts
A des mains orageuses
Car maintenu en vie
Dans la forme du vent
De l’orage du sable
De tous les ouragans
Il donne son visage
Pour des crachats de nuit
Dans le temps de prêcher
Contre le morne ennui
Tout s’assèche à ses yeux
La lampe mal informée
Les saisons dans la honte
L’écriture détournée
La femme aux linges humides
Aux lignes clairsemées
Sans écho et sans fard
Qui au miroir de l’âge
Regarde sa peau grise
Comme un dernier outrage
Comme une trahison
Qu’elle n’aura pas admise…