Au jour le jour - 32


Du microsillon
A l’asphalte
Pressée nue
Parce qu’il faut parler
A voix haute
Et ne savoir quoi prendre
De cette subite envie
Elle se veut large
Mécanique insoumise
Ses vertèbres
N’ont rien d’un frottement
Elle est debout
Trop abstraite
Elle ne trompe personne
Ses seins sont des formes tues
Des feutres des fourrures cassantes
Ils ont la teneur des torches
Avec la lenteur
D’une qui se délie
Sous les commandements
Elle dégage ses jambes
Elle va partir
La voilà plus roturière
Qu’avec ses anciens ornements
Et toute enchantée qu’elle fut
Elle ne vaut pas une mère
Qui a perdu son enfant.

Du cinéma porno
Aux froides perversités
Ennui bibi et rococo
Avec ses creux et ses royaumes
Ses recherches
Ses membres tièdes
Ne sont plus aimés
Tous ces cadavres
Blanchis à mes lèvres
Les voici pareils à ceux qu’elle a écrasé en moi
Qui ont ouvert leur gueule
Avant le révolver
Serré leurs jambes
Pour n’avoir plus
A se vautrer sur son ventre
Dans un contingent
De draps sales
Des linges putrides et désordonnés
Ici avec la même mal
Les mêmes soubresauts
Aucune saison ne tient le coup
Je ne veux plus
Parler à ces filles
Qui bavèrent sur moi
Parce que je manquais d’air et d’entrain
Parce qu’elles voulaient de mes soins
De mon austère précarité.

Pour m’endormir avec mes leurres
Mes chiens
Que je ne laisse pas sur la palier
Dans mes cages incendiées
J’ai des fièvres
Des peurs des fleurs
Et de la porcelaine
Avec mes clefs qui ne servent plus
Qui rouillent
Dans mes calleuses mains
Je bavarde seul
Sur l’idée d’une geôle
D’un ergastule
Avec mon désarroi
Ma honte
Mes funèbres croyances
Mon lit est maussade
Comme les vêtements
D’une femme ancienne
Il est dans le dérisoire
D’une solitude
Assujettie au même titre
Que moi qui ne m’endors plus
Qu’avec de la fatigue crue
Et des écœurements.

Voilures
Dans la lumière et l’herbe
Déserts des chairs
Etroit sommeil
Que l’absence multiplie
Avec ses coupes ses pendaisons
Ses sens sans réserve
Entre les écouvillons et les crevasses
Aux rêves
Avec ses fronts empruntés
Vont la base le sommet
Des femelles écarlates
Celles que nous aimions
Avec leurs colères
Leurs transhumances
Leurs petites familles dégoutantes
Toutes nos encres ne sont plus que des tares de fruits
Ramassés dans les fougères et les orties
Pour des profanations
Pour quelques sublimes magies
D’aller dire
Que ce ne sont plus elles
Que nous piquons
E si l’on se frappait
Ce serait avec des livres
Pleins de leurres et d’impostures
Nous ne saignerions guère plus
Que si l’on était à genoux devant la mer
Pour la remplir…

Aux fécondes souleries
Voila que nous revenons
Avec nos ocres et nos détours
Sous un soleil baissier
Avec des passions qui s’effacent
D’entre nos vieilles racines et rancunes
Aux fourrures données
Offertes pour la lice
Nous revenons
Avec plus pesantes que le hasard
Nos mains pour les déchirer
Les naufrages les culpabilités
Ont été leurs révérences
Leurs préférences
Voilà que ces offenses simplifiées
Prennent un air de fête
De couronnement
Une odeur nous revient en bouche
C’est celle du bois de ces violons
Qu’elles prenaient contre elles
Pour y jouer
Des alphabets maximaux
Des rafales de notes et de mots
D’une légende ancienne
Où des hommes ont bouffé leur enfance
Pour marcher vers les ogres
De l' envie et de la connaissance.

Avec vos yeux
Passages de toutes les épiphanies
Avec en intérieur
De ce corps venu pour des offrandes vous revenez
Dans une pause vacillante
Vous donnez à ma bouche
Une autre corruption
L’infecte trace
De vos épreuves et de vos crimes
Commis
Sans que vous y pensiez
Avec cette assurance
Qu’ont les filles
Aux milliers de dollars
Et qui vont
Acheter des armes…

Parler d’un rebours
De toutes les solitudes
Avec nos nageoires en éventail
Pour remonter
Dans les eaux saumâtres
Parmi les feuilles qui rouillent
De n’être plus dans la rosée
La brisure des arcs
Des ogives des nefs
Où le regard boucle celle du noir horizon
Et puis comme d’infects cailloux
Taillées par des mains guerrières
L’écrin défaille
Le temps est à sa fin
Ce qui y git m’assaille
L’oublie est une soirée sans forme
Et les paroles défendues contre la mort
N’ont pas la mémoire
De nos corps pris
Dans des mandorles et des gloires…


Amer
Et toute parole
N’est qu’un sale écrin dans une plaie
Se plaindre
Que les annonces faites
Vont du tableau au poing
Et du poing à cette ombre
Que gravit l’obscur
Amer
Et j’en ai vu passer
Maintenant
Avec ces petites glorioles en cascade
Cette mandorle
Comme un sexe sombre
Je tiens tous insignifiance
Pour un faux pardon
L’anthracite pour un souvenir gras
Saison du repentir
Des lèvres closes
Avec les reins cassés
Et cette soif
Et cette fille d’à peine trente ans
Avec ses renoncements
Sa lenteur sa lourdeur…

D’aveugles naissances
Voilà le contingent
Des mots et des morts
La vigne où les insectes grégaires
Déménagent leurs sureaux
Leurs houilles et leurs poisons
D’ingratitude doué
Je vais entre les flaques
Les creux et les baissières
Où ont vomi les bêtes informes
Les fontaines sont d’eaux basses
En mon nom
J’écris sur ce contingent d’aveugles
Sur ces femmes
Qui se sont abreuvées
Avec de rauques animaux
Je lève au jour faste
Ces autres insipides
Tant elles respirent et meurent
De n’avoir rien entrepris
Au froid de mes passions spontanées
Va ma naissance torpide
Et je ne donnerai plus ma parole
A celles qui ont des balafres
Et des gouffres de neige.

Si pour cette douceur
Où toute chose s’arrange
Tu dois lever le poing
Crever tous les ouvrages
Faits par de savantes mains
Dans des loges où s’est établie la mesure
N’éprouve plus tes prières
Aux agréments du soir
Va te glisser
Hors de toutes les géographies
Brouille toi avec le monde
N’y vois que le noir dessein
De ses absolutismes
Fais l’écervelé l’exsangue
Celui qui se tait
Tant il s’est déjà tu
Meurs abats tes paumes contre les écorces
Dans le sable  les herbes
Fuis ce corps qui n’est plus le tien
Va dans ces espaces
Où on te crèvera les yeux
Pour que tu ne puisses plus voir
Comme tu as tant pleuré…